Dans toutes les sociétés on y retrouve un répertoire de schémas, de significations et de codes qui leur sont propres. Dans la société sénégalaise, on a développé une culture du « yebbi ». Ce dernier consiste au fait que lors des baptêmes (surtout du 1er né) l’accouchée doit donner à toute sa belle-famille des cadeaux. Cette pratique est de plus en plus remise en question, surtout par les jeunes. Beaucoup disent que c´est à la femme de recevoir des cadeaux et non le contraire. Mais est-ce que c’est aussi simple que ça ?
Le « yebbi » comme on le connaît de nos jours est un phénomène nouveau. C´est plutôt une simple pratique culturelle qui a débordé et atteint des ampleurs énormes. Il faut noter que dans la structure de la famille sénégalaise on a longtemps vécu en famille, ce qui constituait souvent des grandes familles. Une femme après son mariage, elle rejoignait une grande famille, où elle vivait avec son mari et sa belle-famille. Ainsi quand elle accouchait, c´était l´occasion pour sa mère de faire un « geste de gratitude » envers l’autre famille. Ainsi c’est très normal pour une maman d’acheter des cadeaux pour la belle-mère de sa fille, qui on peut dire s’occupe entre temps d´elle. Qu’est-ce qui explique alors que ce phénomène ait débordé à ce point ?
Le « yebbi » fait partie maintenant de nos codes socio-culturels et il commence déjà dans une petite mesure avec le mariage. Dès que ce dernier est ficelé, il y a des attentes de part et d´ autre. Il faut noter que pour le mariage, le (futur) mari doit donner une dot à la fille, afin qu’elle puisse organiser la fête, s’acheter des habits etc. Cela étant fait, c´est autour de la famille de la fille de répondre aussi aux attentes de la famille du mari. Dans un premier temps, la famille qui a reçu la dote fait ce qu’on appelle « joxe raxasu ». C´est des petits cadeaux (tissus, argents…) pour montrer qu’on est content de la dote et que la prochaine étape c’est le « yebbi ». Cependant le montant de la dot est un élément très important dans cette pratique, car il sert après de baromètre pour déterminer à peu près combien dépenser lors du « yebbi ». Ainsi plus la dot est élevée, plus on attend de la femme (de sa mère) qu´elle fasse un « yebbi » plus valeureux.
Le (montant du) « yebbi » est alors étroitement lié au mariage et la dot que la femme va y recevoir. Mais il repose surtout sur un système d’attente, où les concernés donnent, mais attendent quelque chose en retour. Lors du « yebbi » la fille (sa mère) doit donner des cadeaux (souvent argents et/ou tissus, des matériels…) à toutes les personnes de sa belle-famille : sa belle-mère, frères et sœurs du mari, 1er « njëkke », souvent aussi une somme pour les autres qu’elle ne connait pas mais qui doivent aussi recevoir leur part. Le « yebbi » décrit ainsi pourrait laisser penser que c´est un peu injuste envers la femme (sa mère), mais c´est pas complètement le cas. Dès lors qu´on a parlé de système d´attente, on peut alors imaginer que cela va dans les deux sens; à savoir avec la dote, qu’on a déjà mentionné plus haut. Mais à cela s’ajoutent les cadeaux de la famille du mari, plus particulièrement du 1er « njëkke ». Cette dernière est souvent désignée par le mari et joue un rôle assez particulier dans la relation entre les deux familles. Lors du mariage comme lors du baptême elle se démarque par ses cadeaux spécialement beaucoup plus valeureux et par une attention particulière envers la mariée/l´accouchée.
Ce phénomène a atteint une ampleur autre que seulement donner des cadeaux pour faire plaisir à une personne à un tel point que si les attentes ne sont pas comblées, cela pourrait se répercuter négativement sur la vie de couple et surtout sur les conditions de vie de la fille au sein de sa belle-famille.
Pendant ces évènements, les femmes sénégalaises dépensent d’énormes sommes d´argent. On pourrait alors se demander d’où vient tout cet argent ? La plupart des mères de famille participent à des tontines, se donnent entre elles des « ndawtals » (une forme d´aide/prêt que l´on doit rembourser si la personne à son tour organise une fête. Souvent la somme que l´on reçoit doit être doublée, dans la logique où l´on doit rembourser et aider/prêter l’autre en même temps) afin de mieux préparer ces événements.
Le « yebbi » a atteint de nos jours une ampleur inquiétante et devient de plus en plus pesant pour beaucoup de famille. Peut-on ainsi considérer le « yebbi » comme une fausse « teranga » (faire du bien) ? Si oui est-ce vraiment nécessaire.
Baay Lahat
Lahatdiaw@gmail.com