Au Bénin, les syndicats saluent un «acte salvateur» de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle béninoise a jugé ce jeudi « non-conforme à la Constitution » une loi excluant du droit de grève certains secteurs de la fonction publique, qui avait suscité une grogne sociale dans le pays. Pour l’heure, c’est la satisfaction du côté des syndicats qui ont mené la lutte tambour battant pendant plusieurs semaines. Les députés favorables au texte se réservent déjà le droit de préparer un projet de loi pour cette fois encadrer le droit de grève plutôt que de le supprimer.
Les sept centrales syndicales qui ont lancé mardi une grève générale de 72h pour protester affichent leur satisfaction. « La Cour nous a rendu un service immense au Bénin ! A notre pays, à notre démocratie ! Parce qu’on avait déjà programmé la mort de notre démocratie. Mais la Cour a dit le droit et nous l’en félicitons, se réjouit Noël Chadaré, secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin. C’est un acte salvateur pour notre pays, autrement ce serait un recul. C’est la grève qui a permis que nous ayons la conférence nationale et la grève a été constitutionnalisée. Donc on ne peut pas venir liquider les acquis de notre conférence nationale. Nous allons rester vigilants pour que ce qu’ils n’ont pas obtenu ainsi, ils tentent de l’obtenir autrement. »

Le Parlement béninois avait voté le 28 décembre 2017 une loi controversée qui excluait du droit de grève militaires, gendarmes, policiers, ainsi que les personnels de la santé et de la justice. La loi a été défendue début janvier par le président Patrice Talon, évoquant des « choix qui, quoique difficiles, sont nécessaires au redressement de notre pays ».

Patrice Talon traverse donc sa première grosse épreuve sociale. Ce vote par les députés de lois retirant le droit de grève dans la loi sur la fonction publique et dans celle sur le statut de la magistrature a d’une part uni les sept centrales syndicales, et d’autre part mobilisé des gens qui ont voulu exprimer leur ras-le-bol.

Si le gouvernement a expliqué que ce sont les députés qui ont introduit les dispositions incriminées, beaucoup de Béninois pensent, à tort ou à raison, que c’est en fait venu d’en haut.

Les députés de la majorité comptent « encadrer le droit de grève »

Avec sa décision, la Cour constitutionnelle a fait retomber la tension et probablement évité au pouvoir de se retrouver dans une situation compliquée.
Mais la Cour n’a pas totalement désavoué les députés puisqu’elle réaffirme qu’ils peuvent limiter le droit de grève.

D’ailleurs, pour Gildas Agonkan, député du Bloc de la majorité présidentielle, ce n’est pas un camouflet : « Je ne prends pas ça du tout comme un coup dur. Je prends ça comme le fonctionnement normal des institutions. Si toutes les décisions ou toutes les lois votées par le Parlement devaient être totalement conformes à la Constitution, alors il n’existerait pas de Cour constitutionnelle. Je prends la décision de la Cour comme une décision qui vient tout au moins calmer le climat social, et en même temps nous rentrons dans notre rôle afin que nous voyons les choses avec beaucoup plus de recul. Maintenant, certainement qu’il y aura un projet de loi pour encadrer le droit de grève chez nous. »

Depuis son arrivée à la tête de l’Etat en avril 2016, Patrice Talon a engagé de nombreuses réformes pour transformer le pays et il veut aller vite. Mais l’opposition d’un côté et les forces sociales de l’autre lui reprochent un manque de dialogue et des passages en force. Aussi s’interroge-t-on au Bénin : la grogne sociale, qui continue la semaine prochaine, aura-t-elle un impact sur la gouvernance de Patrice Talon ?
Avec Rfi

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