« Arrêtons de trouver des prétextes pour moraliser notre capitulation » par Abdou DIENE*

Il faut féliciter l’ensemble des sénégalais sans distinction aucune pour leur sérénité durant le scrutin du 24 février 2019. Ils ont tenu à accomplir leur devoir de citoyen malgré les mille et une contraintes.

Personnellement j’ai une opinion mitigée de la satisfaction des observateurs dépêchés pour les besoins du vote. A part la mobilisation exceptionnelle et le comportement exemplaire des électeurs, énormément d’irrégularités ont décorés la journée du vote. Une analyse objective et comparative relèverait une fois de plus la grande reculade démocratique du Sénégal. Le droit de vote paraissait, jadis, pour une évidence, mais malheureusement de nombreux sénégalais ont peiné pour l’exercer à défaut d’une abstention forcée. L’origine du mal, c’est quoi ?

La boulimie du pouvoir va encore et encore sévir nos jeunes Républiques. L’Afrique tremblote à chaque fois qu’il s’agisse d’élection. Ici, la norme c’est la confiscation de la volonté populaire, le respect du jeu démocratique stupéfait à chaque fois. Les principes démocratiques et de l’Etat de droit ornent les vitrines de nos pseudo démocraties, c’est cela la vérité.

Le Peuple que l’on dit souverain, voit régulièrement sa voix subtilisée par des « dirigeants » qui n’ont aucun autre programme pour leurs pays que de chercher les moyens de s’éterniser sur un trône d’un royaume imaginaire bâti sous leurs fantasmes. Le pouvoir, encore le pouvoir… Finalement il rend fou, comploteur, voleur, menteur, sans scrupule, et souvent assassin…

Encore un autre « paradoxe africain », le Peuple est consulté mais sa voix ne pèse pas face au désir démesuré de pouvoir des dirigeants qui sont la plus part du temps des mascottes du « made in french ». A quoi bon de gaspiller de l’argent, du temps et de l’énergie dans l’organisation d’élection si la volonté du Peuple compte peu ?

Rappelez-vous des contentieux électoraux de la présidentielle passée au Gabon. C’était tout simplement pathétique. L’arithmétique change de logique en Afrique dès qu’il s’agit de décompter les voix d’un scrutin, comme par magie un (1) plus (+) un (1) ne font plus deux (2). C’est une autre logique qui apparaît : la logique de « urne contre matraque, bombe lacrymogène, char de combat etc.», la violence : la logique de gagner par tous les moyens autrement  du « on gagne ou on gagne ».

Macky épouserait-il la logique du « on gagne ou on gagne »… ?

Macky SALL dans son projet de hold-up électoral épouse cette logique sans le dire. « Je préfère mourir que de perdre l’élection… », n’est rien d’autre qu’une confirmation de cette logique.

Il avait déjà donné le signal. Souvenez-vous au moment où Aly Bongo tirait sur son Peuple à balle réelle en plein contentieux électoral, Macky SALL s’était empressé de lui adresser ses félicitations ; un signe d’approbation, de complicité, de validation de cette forfaiture suivie de crimes. C’est souvent le même scénario : une mascarade électorale suivie d’une oppression du Peuple et des opposants politiques. Toutes nos mascottes de présidents qui rivalisent en temps plein de leadership deviennent aphones au meilleur des cas, sinon ceux sont  des messages de félicitations qui fusent pour réconforter la position de leur confrère.

A y voire claire Macky SALL n’est pas mieux que Yahya JAMMEH. Sauf que chaque despote s’adapte à son milieu. N’évoluant pas dans le même contexte culturel et politique, nous verserions dans la subjectivité à vouloir les comparer mais tout porte à croire que si Yahya JAMMEH était dans un Etat avec, déjà un assez fort acquis démocratique que le nôtre, il aurait agi autrement certainement… Imaginez un Macky SALL dans un pays comme la Gambie. Je fais cette comparaison sans aucune prétention….bien sûr.

Trouver les moyens de vider les Institutions de leur substance, d’instrumentaliser l’administration, la Justice, de museler la presse etc., de fragiliser le système électoral, pour ensuite occulter les droits politiques des opposants, confisquer la volonté des urnes et puis réprimer les manifestants, c’est cela le modus operandi.

Pour revenir précisément à la présidentielle du 24 février, je me demande est-ce que Macky SALL est prêt de plonger le Sénégal dans une atmosphère similaire ?

Je répondrais par l’affirmatif à cette interrogation sans hésiter.

Aura-t-il le cran d’aller jusqu’au bout de sa logique ? Tout dépendra de ce qu’il trouvera sur son chemin. Si le Peuple se montre déterminé, il reculera. Si le Peuple se montre passif et hésitant il foncera sur lui et réprimera les quelques récalcitrants isolés. Je vous rappelle qu’en ce moment précis l’activiste Karim Xrum Xax est arrêté pour des motifs fallacieux, ainsi quelques militants de la coalition Idy2019. Alors pour commencer nous devons nous montrer fermes, déterminés, unis et solidaires !

Ce qui se passe dans la tête de Macky SALL ce n’est pas une mince affaire. C’est pratiquement ingérable avec sa logique de « on gagne ou on gagne». Il y a des situations devant lesquelles, tout manager, toute autorité peine. C’est quand il s’agit de gestion des contradictions, de gestion simultanée de deux phénomènes opposés. Une sorte d’impasse se pose à Macky SALL avec une situation qui écarterait une issue au 1e tour alors que le 2e tour lui est fatal.

Macky SALL est l’homme le mieux renseigné au Sénégal. Il savait déjà ce qui allait se passer dans la présidentielle. Pour contrer, il avait très tôt orchestré son grand complot contre le Peuple sur lequel j’ai eu à revenir à plusieurs reprises dans des articles précédents.  Ledit complot a abouti à ce que nous avons vu  le dimanche passé, jour du scrutin. Toutes nos craintes se sont confirmées malheureusement mais en face il y avait la détermination des sénégalais à exercer leur droit. Des irrégularités multiples sont signalées à travers le pays, les unes ayant pour objectifs de compliquer le vote dans certaines localités afin d’y baisser le taux de participation ; et les autres, à l’inverse, de mettre un dispositif favorisant un fort taux dans les zones favorables à Macky SALL. Le scoop de la journée du scrutin reste l’image de ces adolescents collée, à jamais, à l’élection. Utiliser des enfants pour frauder, pour gonfler les voix, c’est inédit. Les adultes « républicains » apprennent très tôt aux enfants à se foutre pas mal de la République en faisant du vote un jeu, une mascarade…. Quelle ironie !

A mon Peuple, mes concitoyens…

De l’origine du mal, des enjeux de l’élection, du regard de nos frères africains, de l’avis des observateurs, des intérêts de la France, nous devons prendre en compte  chacun de ces points dans notre démarche, dans notre prise de décision. Puis que l’heure n’est pas au débat. Nous nous y reviendrons certainement plus tard.

Ce qui est urgent de faire est de trouver un moyen de dissuader une éventuelle tentative de subtiliser le suffrage des sénégalais dans leur majorité. L’éventualité d’un deuxième tour est agité par ci et là mais connaissant les pratiques de Macky SALL refusons de demeurer naïfs.

Si deuxième tour il y aura, ça se passera dans la rue.

Si les sénégalais sont soucieux de leur devenir, ils doivent s’y apprêter, car le politiquement correct n’a jamais prospéré face à ce régime.

S’il vous plaît, arrêtons de trouver des prétextes pour moraliser notre capitulation quand il s’agit de lutter pour défendre nos droits, la démocratie et la Patrie ; c’est une question de dignité à la limite.

S’il vous plaît, arrêtons de trouver un prétexte de fuir le combat en se disant que c’est un combat politique. C’est un combat pour rétablir la souveraineté du Peuple, l’état de droit. C’est un combat de tous les citoyens.

Il y a un combat à faire tout le monde le sait. Tant que ce n’est pas fait, nous tournerons à rond. Nous l’avons trop reporté alors qu’il est obligatoire pour passer à un autre cap. Nous avons trop souffert, il faut se libérer, il faut se faire respecter, il faut recouvrer ce que nous méritons de droit afin de faire de la souveraineté du Peuple une réalité et progresser vers d’autre défis.

Je vous invite à méditer sur la citation suivante : « Personne ne peut vous donner la liberté. Personne ne peut vous donner l’égalité ou la justice ou quoi que ce soit. Si vous êtes un homme, vous la prenez. » – Malcolm X

Arrêtons la saignée démocratique !

Vive le Sénégal !

*MEA / Grand Mbao

abdoudiene@gmail.com