Ebola : « Ceux qui savent faire face à ce type d’épidémie restent les bras croisés »

Ebola : « Ceux qui savent faire face à ce type d’épidémie restent les bras croisés »

L’OMS a rassemblé plus de 200 experts à Genève jeudi et vendredi pour lancer le développement de vaccins et de traitements contre Ebola. Mais les ONG rappellent que des renforts sur le terrain sont urgents pour lutter contre l’épidémie.

Depuis jeudi 4 septembre, 200 experts sont réunis à Genève pour tenter d’enrayer l’épidémie d’Ebola. L’OMS a proposé de développer huit traitements et deux vaccins expérimentaux contre la maladie. Mais pour le docteur Jean-Hervé Bradol, ancien président de Médecins sans frontières et directeur d’études au centre de réflexion sur l’action et le savoir humanitaire à MSF, on est encore loin de trouver un vaccin efficace. Sur le terrain, l’épidémie se répand et les services de santé des pays concernés n’ont pas les moyens d’y faire face.

Ces vaccins expérimentaux peuvent-ils être efficaces ?

Jean-Hervé Bradol : Il y a deux choses à déterminer. Leur toxicité et leur efficacité, comme pour tout nouveau produit. Certains de ces vaccins sont connus, parce qu’ils sont utilisés pour d’autres affections, la grippe par exemple, donc on connaît à peu près leur toxicité. Mais d’autres n’ont encore jamais été testés. (…)

Concernant les médecins américains et anglais qui ont été soignés avec un sérum, on ne peut pas attribuer avec certitude la guérison de certains d’entre eux à ce produit, parce qu’une partie des malades guérissent avec leur propre immunité. (…)

Pour le moment, on est encore très loin du lancement d’une campagne de vaccination. Il y a un parcours complexe d’autorisation, de recherches scientifiques, de production, pour conduire à l’usage d’un nouveau vaccin, d’un nouveau traitement ou d’un nouveau test. Il va s’écouler plusieurs mois, voire plusieurs années, avant que l’on y arrive. Et en attendant, il faut agir !

MSF est présent dans les pays touchés depuis des mois. Comment les choses se passent sur le terrain ?

Au Liberia, le pays le plus touché, ça se passe assez mal… Ce que beaucoup de gens n’ont pas compris, c’est que l’épidémie d’Ebola est une épidémie qui détruit le système de santé. La plupart des grands hôpitaux de Monrovia, publics ou privés, sont quasiment fermés parce que le personnel médical a peur d’être contaminé, à juste titre, parce qu’il est mal protégé et mal organisé pour faire face à l’arrivée d’un cas d’Ebola. Il faut savoir que l’on a déjà perdu 150 collègues des ministères de la Santé des trois pays [le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, NDLR]…

Donc aujourd’hui, il y a des morts secondaires, dues au cas de paludisme non traités, aux infections respiratoires non traitées, aux diarrhées non traitées, simplement parce que les gens ne sont pas soignés. Par exemple, une femme qui accouche peut très difficilement bénéficier d’une césarienne aujourd’hui à Monrovia – la capitale du Liberia, qui compte deux millions d’habitants – où il n’y a quasiment plus de services chirurgicaux qui fonctionnent, sauf pour quelques privilégiés.

Quelles sont les priorités aujourd’hui ? Y a-t-il une réelle mobilisation internationale?

Le premier besoin c’est d’avoir du renfort pour ouvrir d’autres centres d’isolement. Au Liberia, par exemple, il manque plusieurs centaines de lits. Et puis, il faut rechercher les personnes contaminées dans les villages et les petites villes, parce que si on ne le fait pas, ils contaminent à leur tour plusieurs personnes, et l’épidémie s’étend encore plus. Pour cela, il faut des moyens financiers, des moyens logistiques…

Or aujourd’hui il n’y a pas de renfort, ce sont les mêmes acteurs sur le terrain depuis le début, avec en plus deux ou trois mesures additionnelles. Les services spécialisés dans le monde qui savent faire face à des événements biologiques très menaçants, très graves comme cette épidémie, pour l’instant ils restent les bras croisés. Aucun spécialiste militaire, notamment, n’est présent sur le terrain.

Donc on est assez peu optimiste quand on voit ce bas niveau de mobilisation et la sous-estimation de l’impact de l’épidémie sur les systèmes de santé. Et au-delà des systèmes de santé, c’est tous les aspects de la vie sociale et économique qui sont perturbés : à Monrovia il n’y a plus d’école en fonctionnement, les ministères sont vides… Donc on peut imaginer l’impact économique que va avoir l’épidémie, et tous les dégâts secondaires qu’elle va provoquer.
France 24

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