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Transformer Le Dialogue National En Un Dialogue Pour La  Réconciliation

Transformer Le Dialogue National En Un Dialogue Pour La  Réconciliation

Le contexte national marqué, ces derniers jours, par des actes de violences inouïes montre que les fractures morales, sociales, culturelles et politiques gagnent progressivement du terrain. L’entreprise, le quartier, l’école, la famille n’y échappent pas. Dans une société qui vole en éclats sous l’effet du chômage et des tensions engendrées par la situation sociale, les relations dégénèrent de plus en plus en violence.  Celle-ci est une force destructrice qui déshumanise autant son auteur que sa victime.

Toute violence est un viol de la personne : le viol de son identité, de ses droits, de son corps. Lorsque certains groupes ont le sentiment que les processus d’incommodation sont inadaptés ou que les institutions sont partiales, il en résulte le plus souvent des tensions accrues, des phénomènes d’oppression, voire une intensification de la violence.

Le renforcement de la paix implique à la fois des mesures à long terme et des actions immédiates avant, pendant et après le conflit et ceci, dans un esprit de tolérance et de réconciliation. La répression ne peut qu’augmenter l’exacerbation et les risques d’escalade. La violence est toujours une spirale, un engrenage qui risque d’être sans fin. La violence est un dysfonctionnement de la communication. Elle est un substitut au dialogue : « quand il n’est plus possible de parler ni de comprendre, quand on ne veut plus subir, alors nait la violence pour affirmer qu’on existe »(Jacque Semelin).

Résoudre les conflits implique donc nécessairement un dialogue différent du dialogue national initié par le président de la République. Sa forme et son contenu ne sont plus adaptés au contexte actuel. Cette initiative a connu l’absence de beaucoup d’acteurs politiques et de la société civile. Dans un contexte ou les réseaux d’informations , de communications se révèlent particulièrement vulnérables, ou certains groupes de la société peuvent avoir un comportement élitiste et oppresseur, et ou d’autres peuvent devenir l’instrument de « forces occultes », Il urge donc de transformer ce dialogue national en un dialogue pour la réconciliation, beaucoup plus inclusive et impliquant les principales parties prenantes, dans le but d’inciter à une approche non violente des conflits et de percevoir des solutions positives.

Ce dialogue permettra de valoriser les relations, de favoriser la communication, de permettre l’expression des droits, d’affirmer des limites et de rappeler la loi. Il permettra d’être à l’écoute pour percevoir l’injustice qui a été à l’origine d’actes violents : par exemple entendre les cris des jeunes révoltés par l’institution scolaire qui ne leur fait que peu de place et leur réserve peu d’avenir. Une coopération étroite entre les différents acteurs, sur la base de leurs avantages comparatifs respectifs, est nécessaire pour garantir une approche cohérente et coordonnée.

Communiquer, ce n’est pas d’abord échanger des messages sous forme de d’énoncés clairs et définis ; c’est, avant tout cri ou parole, diminuer une incertitude anxiogène entre l’émetteur et le récepteur. Refuser de dialoguer, c’est donc se fermer la possibilité de comprendre l’autre puisque l’on ne peut plus se mettre à sa place. C’est également risquer de poser des actes violents sans même s’en rendre compte.
La violence et les dommages qu’elle inflige peuvent également intensifier les sentiments d’insécurité et de haine au sein de la société, exacerbant les « conflits historiques » qui existent entre les différents groupes.

Outre qu’elle entrave le progrès économique, elle peut aggraver la vulnérabilité de certains groupes dans certaines conditions. La facilité à se procurer des armes (en particulier des armes légères), autre conséquence fréquente des conflits, peut également favoriser le recours à la violence.

L’absence de véritable mécanisme de dialogue entre l’Etat et les autres acteurs nationaux, notamment l’opposition est un problème délicat; c’est pourtant la clé d’une action de résolution et de prévention des conflits efficaces.

La possibilité pour une société d’instaurer et de consolider des valeurs et des objectifs communs, ainsi que la capacité et la volonté des individus de participer à la vie de la société, constituent des éléments vitaux de la consolidation de la paix et du développement durable. Lorsque les droits de tous sont respectés, lorsque la société est gouvernée en vertu des lois, et le citoyen Lambda est impliqué dans le processus politique, il est clair que la population est moins susceptible de recourir à la violence pour imposer un changement politique. L’acceptation de la légitimité de l’Etat à tous les niveaux de la société et la crédibilité des institutions sont la clé d’un tel esprit civique.

Dr Tabouré AGNE
agnetaboure@yahoo.fr

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