« Tant de virages manqués faute de Dialogue »

« Tant de virages manqués faute de Dialogue »

Les évènements tragiques et inattendus du mercredi 16 février 1994 ont secoué toutes les consciences de ce pays, j ‘allais dire de tous les démocrates du monde.

Aucun prétexte politique, social et économique ne peut justifier ces crimes sauvages et prémédités qui ont ciblé particulièrement des hommes qui ont fait le serment de servir l’Etat quelque soit son étiquette, sa couleur, son idéologie. Ces travailleurs sénégalais aux opinions et confessio diverses ont choisi de n’être au service d’aucun homme, d’aucun parti, d’aucun groupement pour assurer exclusivement la sécurité des personnes et des biens.

Quel régime peut se passer d’un service de sécurité ?

Est—il possible que des chefs de partis et d’organisations qui recrutent des gorilles, des gardes de corps et autres catégories d ‘hommes chargés d’assurer leur protection personnelle favorisent de tels débordements belliqueux massacrant des hommes non armés dont le seul tort est d’avoir voulu rétablir l’ordre public et empêcher la destruction et le pillage des biens publics et privés ?

Ceux—là qui ont cassé, brûlé les bus, les cars, les stations d’essence, les magasins, les voitures privées, volé les biens d’autrui sont loin d’être des serviteurs du peuple. Devant la gravité, l’ignominie et l’étendue de leurs forfaits, ils sont disqualifiés pour parler de la Nation sénégalaise qu’ ils ont endeuillée et humiliée en ce jour béni de carême.

Il est difficile d’admettre en effet que des patriotes avisés attachés à améliorer les conditions de vie des populations et sincèrement préoccupés à rendre nos pays moins dépendants, que de tels patriotes programment toute une série d’ actions destinées à endommager nos outils économiques, les biens et équipements sociaux en un mot les moyens dérisoires acquis le plus souvent grâce aux aides et emprunts extérieurs.

Or dès le lendemain de telles folies, 1′ opinion générale milite pour une réhabilitation et un accroissement de tous ces équipements ainsi affectés, sans évaluer les coûts à la fois financiers et sociaux.

On perd de vue qu’il faudra encore de nouvelles quêtes de nouveaux emprunts qui réduisent les capacités de l’Etat accentuent ses carences dans la fourniture des services de base dûs aux populations.

Par ailleurs, on ne révèle pas à cette jeunesse que l’on mobilise grâce à des projets mirifiques qu’on détruit ainsi les ressources contribtžnt à générer des emplois, à améliorer les conditions de vie et que dans vingt ans trente ans cette jeunesse devra prélever des biens produits par la Nation Les fonds destinés à rembourser les dettes contractées aujourd’hui pour financer entre autres les conséquences des crises sociales.

Les générations des indépendances qui ont enregistré tous les emprunts consentis pour de longues périodes devraient se rafraîchir la mémoire pour évaluer tous les effets pervers de cette situation.
II est temps de se ressaisir car l’opposition a pour ambition d’ accéder au pouvoir et d’ avoir la main sur la gestion de tout le patrimoine national. A ce titre elle doit plus que tout veiller d’une part à la sauvegarde des équipements et outils de développement et d’autre part à la défense de l’ordre républicain et du respect de la personne humaine.

Le pouvoir, quant à lui, doit nourrir 1´ambition de mériter la reconnaissance du peuple grâce aux solutions appropriées qu’il apporte à ses problèmes mais aussi et surtout à tout le talent qu ‘il investit pour sceller l’unité nationale par delà la diversité des opinions dans la liberté la justice sociale et la solidarité.

La violence quelle que soit sa forme et son degré peut certes dévoiler les problèmes mais seul le dialogue est capable de résoudre ces derniers et de créer les conditions d’un dépassement.

La situation actuelle malgré sa complexité et les cassures profondes n’échappe point à cette règle.

Aujourd ‘hui plus qu’hier tous les sénégalais, toutes couches et toutes confessions et idéologies confondues sont unanimes à reconnaître que le pays traverse une crise profonde d’une extrême gravité qui nécessite un véritable et sincère sursaut patriotique pour relever les défis de tous ordres et assurer avant tout notre survie prélude à tout développement.

Cependant pour réaliser de tels objectifs il nous faut plus d’humilité, de patriotisme, de générosité, plus de don de soi.

Le pays ne peut plus continuer à supporter les conséquences de vieux contentieux nés hors du pays à l’époque coloniale dans des mouvements anti-impérialistes fortement dépendant de l’étranger.

Que dire de tous les groupes constitués à partir des divergences vécues au sein du PAI pendant les années difficiles de la répression ?

L’ ancienne UDS (RDA) comme du reste le FRA Sénégal ont connu les mêmes dérives.

Les syndicats, mouvements de jeunesse un mot toutes les organisations de masse n’ont pas été épargnés par ces luttes fratricides.

II est dommage que ceux qui ont vécu les années folles de la répression qui ont subi les brimades de toutes sortes se toisent avec défiance pendant qu’ ils jettent des regards nouveaux et tolérants sur les adversaires d’hier.

Comment ne pas étendre cette mansuétude et cette maturité sur les anciens camarades de combat ?

Bien que Mai 1968 comme l’a si bien analysé le Professeur BATHILY ait fait émerger une génération née dans le combat pour la démocratie, pour autant, les phénomènes n’ont pas disparu.

Cependant, le Professeur Iba Der THIAM dans ses nombreuses publications a fortement insisté sur la continuité de l’histoire à travers les luttes menées depuis la résistance à nos jours.

Mais force est de reconnaître que les problèmes d’unité n’ont jamais été résolus de façon satisfaisante à cause des préjugés, des déficits de confiance, des jeux déloyaux, des calculs opportunistes et des manœuvres des forces néocoloniales.

En fait, aucune éthique, aucun code d’honneur ne semble être la référence commune.

Une telle situation aboutit à de faux débats où la confrontation des idées, l’identification des convergences et une gestion solidaire des problèmes nécessitant de nouveaux examens et évaluations ne constituent pas les préoccupations majeures.

II est temps de penser maintenant au Sénégal meurtri, humilié, à ses populations qui souffrent à sa jeunesse désemparée, à la recolonisation qui se profile afin de mettre fin aux querelles de clocher, aux attaques crypto personnelles, aux glorifications grotesques, aux auto satisfactions absurdes pour organiser méthodiquement une mobilisation générale de tout notre peuple pour relever les grands défis qui nous interpellent TOUS.

En effet, la dispersion des forces vives de la Nation nous a causé beaucoup de tords, fait manquer plusieurs virages et a favorisé l’infiltration et 1′ installation d’agents de la néocolonisation qui maintenant sont de plus en plus arrogants et possessifs aidés en cela par le rôle dominateur de l’argent notamment en cette période où la profonde crise qui n’épargne aucun secteur du pays rend de plus en plus vulnérables nos masses laborieuses.

On se souvient que déjà en 1981, alors que tout le monde sentait que seule l’unité nationale pouvait nous préserver des périls, l’appel de 1500 fut suspecté, ses initiateurs dénigrés.

Les légendes les plus fantastiques furent développées par des secteurs de l’opposition comme du pouvoir.

Malgré que les analyses ayant servi d’ exposés de Eliot ifs n’aient subi aucune critique fondamentale, on resta fermé à toute idée de table ronde regroupant sans exclusive toutes les forces vives de la Nation.

Les formations politiques les plus favorables n’envisageaient qu’une concertation impliquant uniquement les secteurs de l’opposition pendant que le PS, parti au pouvoir ne semblait concevoir l’unité nationale qu’autour de son emblème.

Cependant, en 1988, à la suite des évènements post-électoraux, les mêmes protagonistes militèrent en chœur pour une concertation sans exclusive.

Celle-ci ne répondit point à l’espérance des masses tant les divergences étaient profondes, les motivations instrumentales diverses et les évaluations de la situation contradictoires.

Depuis on assiste à des accords au sommet, au niveau de La gestion des affaires (1990, gouvernement de majorité présidentielle PS, 1993, gouvernement de même nature composé du PS, du PIT, de la LD M?T et PDS)

Comment comprendre les critiques de ceux qui en 1981 s’opposaient à toute discussion avec le PS et qui aujourd’hui considèrent comme un impératif une concertation nationale sans exclusive ?

Comment recevoir les critiques de ceux qui, hier, considéraient la participation à un gouvernement d’ouverture comme utile et qui aujourd ‘hui s’offusquent de voir des formations politiques s’engager dans cette voie ?

II faut déplorer que ce manque de culture démocratique amène certains à condamner tous ceux qui ne partagent pas leur façon de penser et d’agir.

Aujourd’hui plus qu’hier, le jeu politique se transforme en marché de dupes.

Comment ne pas être triste si l’on se remémore certains propos tenus lors des campagnes électorales, à l’Assemblée nationale, pendant les conférences de presse ?

II est difficile de noter une réelle volonté d’informer objectivement de participer à l’élévation du débat politique qui doit être dominé par un dialogue serein, riche et fécond dans la seule perspective de faire les meilleurs choix pour le pays.

Le plus tragique c’est qu’on commence à s’accommoder de ce monde.

Ceux qui sont portés aux nues sont ceux qui crient fort à tort et à travers dont la vanité des propos est sans limite pendant qu’on critique sévèrement les gens qui préfèrent nuancer leurs observations et demeurer interrogateurs et non péremptoires.

Laisser un tel état d’esprit s’installer et se développer dans Le pays c’est sous estimer les sacrifices consentis de génération en génération pour construire un régime démocratique qui a besoin d’être consolidé et amélioré pour favoriser 1’émergence d’une société de justice et de bien être social.

Je suis quant à moi consterné de lire encore sur les murs les qualificatifs vexatoires à l’adresse de responsables de partis politiques et de candidats au présidentielles. A 1′ époque, des mutilations simulées sur les photos des candidats permettaient à la fois d’identifier les courants des auteurs mais aussi les sentiments de haine qu’ils nourrissent à l’endroit de leurs victimes.

Ce qui me désempare c’est de n’avoir pas entendu condamner de tels actes afin de ramener le débat sur le plan des programmes, des projets de société et des propositions alternatives certes dans la fermeté mais dans la courtoisie et le respect mutuel.

Les injures, calomnies et dénigrements qui malheureusement sont aujourd’hui considérés comme des armes pour détruire 1’adversaire sont des signes réels d’une dégénérescence morale et de la médiocrité du débat politique qui cependant est indispensable pour sauver le Sénégal.

Par ailleurs, ils vicient le climat, rendent difficiles les cofinrnu indispensables et favorisent l’émergence des bandes passionnées capables de toutes les violences.

Aussi, les dirigeants des partis ont de grandes responsabilités et pour cela doivent mesurer leur propos pour éviter des situations explosives et des blocages néfastes.

Comment peut on espérer amener à la concertation ceux de la mouvance présidentielle si dès le départ on leur jette tous les anathèmes et qu i on proclame qu’ ils doivent remettre le pouvoir aux forces qui leur sont hostiles.

Comment par ailleurs, peut-on réaliser un consensus national si la mouvance présidentielle exclut le PDS qui aux différentes consultations électorales a obtenu les scores officiels que 1 t on connaît ?

Pour garantir une paix sociale durable, mettre le pays au travail et élaborer de nouvelles stratégies face aux graves défis qui menacent la Nation tout entière, il est indispensable de parvenir à un consensus loyal grâce à un véritable dialogue national impliquant toutes les sensibilités politiques, syndicales, économiques et socio-culturelles.

Cette vérité permanente jaillit encore de plus belle de l’évaluation de l’actualité. Car en réalité il faut cesser de jouer avec le destin du Sénégal et se rendre à l’évidence que les hommes honnêtes, compétents, intègres et patriotes se retrouvent dans toutes les formations politiques, dans toutes les organisations de masse, parmi les sans parti, les indépendants et que seuls des contextes favorables peuvent les faire émerger et valoriser leurs talents.

II est indispensable de recréer un climat de concorde afin qu’aucune proposition émise ne soit perçue par 1′ autre comme un piège. On éviterait ainsi ces « prudentes » approches par la voie des Etats généraux sectoriels car c’est plus que jamais une analyse globale et des solutions intégrées qui peuvent mobiliser le peuple, créer des consensus durables et favoriser l’unité nationale.

Comme on le voit, la démocratie n’est pas un habit que l’on porte les jours de fête ni une trompette qu’on embauche pour sonner le cri de ralliement, c’est un comportement de vie, un savoir être qui résiste aux contingences.

C’est cette véritable démocratie qui est l’aspiration du grand nombre et que nous pouvons promouvoir en faisant preuve d’humilité, de tolérance, d’objectivité et d’ engagement patriotique.

Car n’est-il pas possible même dans la recherche passionnée de la vérité pour servir la Nation et non se forger un profil de préserver l’honneur des familles, de tous les innocents et de tous ceux que des personnes à l’ abri de tout soupçon ont instrumentalisé ?

S’il est salutaire de débusquer la nouvelle race de politiciens affairistes qui pillent pour leur propre compte les ressources de ce pays il est indispensable d’être très circonspects face à ceux là qui plongent dans les profondeurs du pays et qui aujourd’hui, victimes de la rumeur et des préjugés sont malgré tout de pauvres endettés ou au mieux aussi démunis que « ceux qui n’ ont jamais fréquenté les allées du pouvoir » .

Ne manquons pas ce virage, en mettant tous « dans le même sac » alors qu’il est possible de définir des mécanismes de contrôle des biens de tous les responsables de I’Etat, de toutes les personnalités associées à la gestion du patrimoine public.

En effet, s’il est nécessaire d’ adopter un code de conduite pour assainir les débats politiques, il est de même urgent et indispensable de fixer des règles pour un choix judicieux du personnel comñis à la gestion des affaires publiques.

II est vrai qu’en cette époque de crise morale sans précédent, l’homme devient le « capital le plus précieux » non pas seulement en tant que compétences et porteurs d’idées nouvelles mais surtout en tant (le véhicule d’une philosophie d’action qui se traduit par une adhésion active à des principes de vie tels que la rigueur morale, l’intégrité, la tolérance, le respect de la collectivité et de ses biens, en un mot l’engagement sincère et désintéressé dans toutes les actions de promotion de 1′ égalité des chazes et de l’accès au bien être social.

Dès lors, il s’agit de créer les conditions d’un dialogue entre les hommes et les femmes de ce pays pour s’entendre sur l’essentiel et constituer les équipes chargées de la mise en œuvre des stratégies élaborées en commun accord.

Dans une telle perspective l’exclusive ne doit être jeter sur une personne et le débat d’idées doit être privilégié.

C’est l’évidence, il est maintenant indispensable de dégager des principes afin que le rassemblement souhaité se fasse dans la clarté.

A mon avis, il faut que tous les responsables de I’Etat, tous les élus, tous les Directeurs de société, en un mot toutes les personnalités sénégalaises soient assujetties à titre indicatif aux prescriptions suivantes
ne pas bénéficier d’une double nationalité, s’interdire d’envoyer ses enfants à l’étranger par défiance à notre système d ‘éducation, s’ interdire toutes déclarations mensongères et ou démagogiques aux seuls fins de se faire une clientèle, s’engager à respecter les biens publics et à préserver en toutes circonstances les intérêts de la collectivité, communiquer avant tout accès à une fonction un état réel de ses biens et accepter qu’une commission ad hoc puisse le cas échéant procéder aux vérifications, respecter 1′ adversaire et contribuer à consolider un climat de dialogue serein et de paix sociale, s’interdire toute entrave à la démocratie et à l’accès à toutes informations devant éclairer les choix et les prises de position dans l’intérêt de la communauté.

En outre, il faudra: modifier le profil de la Médiature et ses modalités de fonctionnement pour lui faire assumer les fonctions d’observatoire chargé d’assurer le suivi et la transparence des décisions prises,
ouvrir un compte spécial dit de « Solidarité nationale » chargé de recevoir les contributions volontaires des personnes morales et physiques.

Après un an de fonctionnement de ce compte bloqué, 1’évaluation des avoirs permettra à une commission de réflexion sur le rapatriement des fonds d’élaborer des stratégies efficaces et diligentes pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

Encore une fois, je fais appel au patriotisme de chacun de nous pour qu’ensemble nous abordions ce nouveau virage qui ne doit laisser personne indifférent tant les périls qui nous menacent sont graves, tant la volonté de maintenir nos pays dans la dépendance et manifeste.

Cessons de tendre la main et de n’attendre notre salut que des autres. Qu’ ils soient français, américains, canadiens, koweitiens et autres, nous devons nous rendre à 1´évidence qu’ ils ne développeront pas notre pays à notre place et que dans nos rapports, ils privilégieront toujours leurs propres intérêts.

Peut on espérer qu’un jour à la manière des asiatiques nous allons travailler sans relâche pour créer nos propres biens qui seront judicieusement gérés et équitablement répartis et qu’à 1′ image des hindous nous resterons dignes dans la pauvreté et que jamais nous n’accepterons d’ inégalités dans nos relations avec les Etats quelque soit leur poids économique et militaire.

Si les partis politiques et les syndicats qui avaient pour vocation de rassembler autour de la Nation se laissent divertir par des plateformes étroites, je convie les ans parti, les hommes indépendants, les militants désabusés et tous ceux qu’on désigne par le terme « société civile » à se mobiliser pour prendre des initiatives afin de créer les conditions de la réconciliation nationale par le dialogue à la base, la recherche de solutions consensuelles dans la solidarité, la fraternité.

Point de méprise, seule une paix sociale durable peut garantir une relance économique, juguler les effets pervers de la dévaluation favoriser un développement autocentré, l’accès à l’ autosuffisance alimentaire et réduire les souffrance de nos populations.

* Par Amadou NDéné NDAW
Inspecteur honoraire de l’Enseignement

1 COMMENTAIRES
  • Moussa niang

    un très grand homme humble qui a longtemps servi à son peuple paix à ton âme tonton

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