Sur la route du mondial: Brésil / Aregntine, histoire d’une rivalité par excellenceexcellence

Sur la route du mondial: Brésil / Aregntine, histoire d’une rivalité par excellenceexcellence

Contrairement à ce qui se passe dans les nombreux cas où des désaccords historiques se transposent sur les terrains de football, la rivalité qui existe aujourd’hui entre le Brésil et l’Argentine est confinée aux stades. Et encore. Il a fallu un certain temps pour que s’installe un climat de concurrence acharnée en matière de ballon rond entre les deux nations. Au début du 20ème siècle, les relations footballistiques entre les deux voisins étaient des plus cordiales, comme en témoigne la Copa Roca, créée en 1913 sans autre but que de donner l’occasion au Brésil et à l’Argentine de se mesurer régulièrement sur un terrain de football. À cette époque, le grand rival de l’Argentine était l’Uruguay, qui prenait régulièrement le meilleur sur l’Albiceleste, comme dans la finale olympique d’Amsterdam 1928 et dans celle de la première édition de la Coupe du Monde de la FIFA™, en 1930.

Dans son livre Brasil x Argentina, histórias do maior clássico do futebol mundial (Brésil-Argentine, histoire du plus grand classique du football mondial), publié en 2008 aux éditions Editora Scortecci, Oliveira Santos fait la genèse de la rivalité entre le Brésil et l’Argentine. Il explique qu’au début, la véritable concurrence était entre Uruguayens et Argentins, les Brésiliens étant en retrait. Ensuite, quand la Seleção a vaincu son complexe d’infériorité, elle a remporté trois Coupes du Monde en l’espace de 12 ans, mettant ainsi une telle distance avec l’Argentine que les deux pays pouvaient difficilement se considérer comme rivaux. « C’est alors que s’est produit le grand tournant de l’Histoire », écrit Santos. « L’Argentine a réussi à s’organiser. Elle a gagné un Mondial et a suscité le respect du monde entier en jouant les premiers rôles dans à peu près toutes les compétitions auxquelles elle participait. Les Brésiliens ont ensuite commencé à réduire l’écart dans les confrontations directes et ont renversé la situation en leur faveur au tournant du siècle passé. C’est alors que la rivalité entre les deux pays est devenue évidente. »

Samba contre tango

Quand on regarde le millième but marqué par Pelé, sur penalty contre Vasco, en 1969, la scène est hautement symbolique : le gardien part du bon côté, effleure le ballon, mais celui-ci entre quand même dans le but. On voit alors le portier frapper la pelouse de dépit. Le gardien en question est Edgardo Andrada, un Argentin. Pour beaucoup de Brésiliens, l’une des raisons qui font que ce millième but appartient à l’histoire est précisément qu’il a été inscrit contre un Argentin. Andrada admettra lui-même que pendant des années, le souvenir d’avoir d’une certaine manière « participé » à un tel moment de gloire pour une star brésilienne a été douloureux pour lui. Ainsi pourrait-on résumer la rivalité entre Brésiliens et Argentins : elle est limitée au football. C’est pour ça qu’elle est si grande.

Andrada est tout sauf une exception. Si la liste des Brésiliens qui ont vraiment réussi dans le football argentin est relativement courte (Domingos da Guia, Paulo Valentim, Silas, Iarley), celle des Argentins qui se sont fait un nom dans le championnat du Brésil est beaucoup plus longue. À l’origine, il s’agissait surtout de parer à une soi-disant faiblesse relative des gardiens et des défenseurs brésiliens.

C’est ainsi que le gardien José Poy est arrivé au São Paulo FC en 1948. Il y restera jusqu’en 1963 et deviendra l’un des joueurs emblématiques de l’histoire du club. Dans la foulée, Andrada débarque entre les montants de Vasco, Agustín Cejas entre ceux de Santos, qui recrute également le défenseur argentin Ramos Delgado. Ubaldo Fillol évoluera dans les cages de Flamengo et l’arrière Roberto Perfumo deviendra l’un des fers de lance de la formidable équipe de Cruzeiro des années 1970.

Dans les colonnes du journal argentin Olé, en 2002, Perfumo a évoqué la coexistence des joueurs des deux pays et de deux écoles de football auxquelles on associait volontiers des clichés : à la créativité et la légèreté de la samba, s’opposaient la passion et la précision technique du tango. « L’admiration est mutuelle », explique Perfumo. « Il y a une relation différente au ballon. Nous, nous l’utilisons pour atteindre nos objectifs. Eux le font avant tout par plaisir personnel. C’est la même chose dans la vie, dans nos manières d’être respectives. Pour nous, le football est tragique. Pas pour eux. »

Un Argentin héros au Brésil

Quand la différence entre la puissance économique du football européen et celle de son homologue sud-américain a atteint son apogée, et lorsque la création de l’Union européenne a permis aux clubs du Vieux Continent de recruter plus facilement des joueurs étrangers, les échanges entre l’Argentine et le Brésil ont diminué. Une des rares idoles des années 1990 a également évolué à Cruzeiro : Juan Pablo Sorín.

Le premier passage de Sorín à Cruzeiro n’a duré que deux ans, qui ont toutefois eu le poids d’une vie grâce à des épisodes comme celui de la finale de la Copa Sul-Minas 2002, dernier match de l’intéressé sous le maillot celeste avant de rejoindre la Lazio. Devant quasiment 70 000 spectateurs au Mineirão, le latéral argentin a joué presque tout le match avec un bandage en raison d’une blessure à l’arcade sourcilière. Il ne voulait pas sortir… et il a eu raison. C’est lui qui a marqué le but de la victoire 1:0 contre l’Atlético Paranaense.

En 2004, quand l’Argentine s’est rendue au Mineirão pour y affronter la Seleção dans les qualifications pour Allemagne 2006, les Brésiliens ont creusé un écart de trois buts, grâce à un triplé de Ronaldo. En deuxième période, l’Albiceleste est parvenue à réduire le score (3:1) par l’intermédiaire de Sorín. La moitié du stade, la moitié cruzeirense dirons-nous, s’est alors levée pour applaudir. À la fin de la décennie, Juan Pablo Sorín a de nouveau joué pour la Raposa (le renard). Un match d’adieu a été organisé pour lui à Belo Horizonte et aujourd’hui, il vit toujours au Brésil, où il sera commentateur de la Coupe du Monde pour la chaîne ESPN.

Deuxième vague
La migration a repris récemment, l’économie brésilienne s’étant fortifiée grâce notamment au Mercosul. Seule différence pour cette deuxième vague par rapport à la première diaspora argentine : l’arrivée au Brésil se fait désormais dans un contexte de rivalité. Cela n’a pas empêché Carlos Tévez de venir aux Corinthians en 2005, d’y briller et d’être champion du Brésil. Dans la même équipe, il y avait Javier Mascherano, le défenseur Seba Domínguez et en début de campagne, le poste d’entraîneur était occupé par Daniel Passarella. La réussite de Tévez au Brésil a ouvert les portes du pays de la samba à de nombreux Argentins, à l’image de Darío Conca (Fluminense), Walter Montillo (Cruzeiro et Santos), Hernán Barcos (Palmeiras et Grêmio), Andrés D’Alessandro et Pablo Guiñazú (Internacional).

« La relation entre les Argentins et le football brésilien a énormément changé ces dernières années, tout comme celle que les Brésiliens entretiennent avec leurs voisins », déclarait Guiñazú dans une interview avec FIFA.com. « Pour moi, ce fut un défi. Le fait d’être Argentin est un obstacle de plus pour conquérir le public et dans ce sens, la réussite de Carlitos (Tévez) a été un tournant. D’un autre côté, je pense que la caractéristique principale de notre football, à savoir la combativité, nous aide beaucoup pour obtenir le respect du public. »

Et comment. À tel point qu’aujourd’hui, un entraîneur qui a réussi dans le football argentin peut avoir sa chance au Brésil, comme le montre l’exemple de Ricardo Gareca. L’ancien technicien de Vélez Sarsfield prendra officiellement les rênes de Palmeiras après la Coupe du Monde. Les similitudes entre les deux pays semblent donc avoir pris le pas sur les différences, symbolisées quant à elles par trois confrontations historiques, toutes les trois en Coupe du Monde : la fameuse « Bataille de Rosario » en 1978 (0:0), la victoire brésilienne (3:1) en 1982 et un succès argentin (1:0) en 1990.

Diego Armando Maradona, auteur de la passe décisive à destination de Claudio Canniggia à Italie 1990, écrit dans son autobiographie : « Mon pays aime gagner contre le Brésil plus que contre n’importe quelle autre pays dans le football. Mais attention. Ce sentiment est réciproque. Pour eux, une victoire contre le Brésil est meilleure que contre la Hollande, l’Italie, l’Allemagne ou n’importe qui d’autre. Comme nous. Comme moi. Comme c’est bon de battre le Brésil. »

Il ne faut pas s’y tromper : l’histoire footballistique entre Brésiliens et Argentins est pleine d’admiration, les uns pour la personnalité des autres, et les autres pour la créativité des premiers. Le tout sur fond de rivalité. La relation entre le Brésil et l’Argentine, c’est peut-être le sociologue argentin Pablo Alabarces qui l’a résumée le mieux. « Les Brésiliens adorent détester les Argentins et les Argentins détestent aimer les Brésiliens », disait l’un de ses amis… brésiliens.

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