Souveraineté alimentaire : quand la diaspora sénégalaise prend les devants et indique la voie à suivre !

La souveraineté alimentaire est largement à la portée du Sénégal à condition que les sénégalais réussissent une révolution culinaire décomplexée et assumée qui s’appuie sur des évidences scientifiques sur la qualité nutritionnelle et pharmaceutique intrinsèque de nos produits locaux. C’est la conviction de Madame Seynabou Amy Ka, initiatrice de la première édition au Sénégal d’une journée dédiée à la cuisine africaine dénommée « Méga Brunch africaine» qui a déjà conquis les grandes villes canadiennes avec quatre éditions couronnées de succès.

Assurer les trois repas quotidiens traditionnels uniquement avec des aliments de chez nous sans recourir à des importations de produits alimentaires est bien possible au Sénégal. C’est loin d’être un rêve. C’est au contraire un pari qui, s’il est gagné, permettra au pays d’alléger considérablement sa facture d’importation alimentaire déjà très salée de plus de 1070 milliards de FCFA par an dont une bonne partie concerne les importations de riz et de pâtes alimentaires sources d’ennuis sanitaires. La dépendance alimentaire du pays aux importations de produits alimentaires reste très forte alors même que les nouvelles autorités prônent l’autosuffisance alimentaire.

Chaque année, le pays importe prés d’un million de tonnes de riz. Dans l’espace CEDEAO, le Sénégal reste à la tête des plus grands importateurs de produits à base de blé «Made in Maroc» avec 38 343 tonnes de produits reçues entre juillet 2023 et juin 2024 selon les données partagées par le ministère américain de l’Agriculture (USDA). Les sénégalais sont au fil des années devenus de grands consommateurs de pâtes ( macaroni, spaghetti, vermicelles etc. ) et de couscous marocain au détriment des céréales locales comme le mil qui est de loin meilleur pour la santé et contient plus de valeur nutritionnelle.
Pourtant, il est possible de fabriquer localement du macaroni, du spaghetti, des vermicelles et même du Pizza uniquement avec des céréales ancestrales locales comme le mil. Eh oui, avec du mil ! Il faut juste connaître la bonne recette.
De même, notre petit déjeuner avec l’incontournable pain à base de blé peut être enrichi, et diversifié si on utilisait les recettes de chez nous en y apportant de l’innovation ( comme par exemple de la confiture à base de «bissap» , du smoothie à base de mangue, de «bouye» et de lait, des cakes, crêpes, «fataya», beignets et gâteaux à base de mil, du «thiackry», du «fondé», du «lakh», de la bouillie de mil pour les enfants etc.)
Le déjeuner et le dîner peuvent également considérablement varier avec des mets plus légers : du yassa Sankhal ou du maffé niéling pour le déjeuner par exemple, ou du couscous avec ses différentes recettes («Thiéré Moum», «Thiéré simm», «Thiéré talalé», «thiéré bassi» ), sans oublier (le «lakh sankhal», le «Ngourbane,» le «lakh neuteuri») pour le dîner!
C’est toute cette richesse culinaire et gastronomique bien sénégalaise qui a fait l’objet de présentation et de délectation en vue de sa réappropriation par les sénégalais lors de cette première édition au Sénégal du Méga brunch africaine organisée par Seynabou Amy Ka, entrepreneure à la tête d’une compagnie familiale, Naboo, basée au Canada et au Sénégal, et spécialisée dans la promotion des produits locaux et de la cuisine africaine. Seynabou est aussi Conseillère en relations internationales à la Ville de Montréal depuis maintenant 18 ans. «On a proposé une diversité de recettes pour montrer qu’il est possible de varier notre alimentation en utilisant les produits de chez nous» a expliqué la promotrice de l’événement.
C’est là tout le sens de l’organisation de cette première édition au Sénégal qui s’ est tenue le dimanche 17 août à la Ferme intégrée JeufZone de Thione Niang – un autre expatrié revenu investir dans son pays dans l’agriculture moderne en la rendant plus attractive pour les jeunes.
Organisée dans un cadre exceptionnel, en plein air, au milieu des plantations, de la verdure et des cris d’oiseau, cette première édition était avant tout un exercice de sensibilisation, d’éducation culinaire et de présentation de délices africains qui peuvent nous sortir de la malbouffe quotidienne héritée de la colonisation et entretenue par l’ignorance de la richesse nutritionnelle et pharmaceutique dont regorge nos produits locaux.
La rencontre a été rehaussée de la présence du Ministre Secrétaire d’État aux sénégalais de l’extérieur, M. Amadou Chérif Diouf, de la Directrice générale du Fonds de Développement et de Solidarité Municipal de la Ville de Dakar (FODEM) Mme Aminata Diop Samb et des acteurs du monde culturel comme Simon Kouka, entre autres invités qui partagent la même vision : valoriser nos richesses africaines en associant tradition et modernité.

Cette présente édition est spéciale à plus d’un titre. Primo, c’est une entrepreneure de la Diaspora sénégalaise connue pour sa passion de la cuisine africaine et pour son engagement dans la promotion de la bonne nourriture africaine à l’international au point d’en devenir une de ses ambassadrices attitrées qui en est la promotrice. Secundo, ce sont d’autres entrepreneurs sénégalais expatriés qui en sont les partenaires. C’est ensuite une participation concrète de la Diaspora à la mise en œuvre de la stratégie nationale de diminution de la dépendance du Sénégal aux importations de produits alimentaires si chère au Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye et à son Premier Ministre Ousmane Sonko. Elle témoigne donc de l’engagement de la diaspora sénégalaise à s’investir dans la réalisation de l’objectif de souveraineté alimentaire prônée par la nouvelle équipe dirigeante à travers la Vision Sénégal 2050 pour offrir des opportunités économiques énormes et d’emplois pour les femmes et les jeunes. C’est comme si la diaspora est en train de prendre les devants dans le combat pour la souveraineté alimentaire et d’indiquer la bonne direction à suivre pour le gagner!
Quoi qu’il en soit, la finalité ultime du Méga Brunch africaine reste la réappropriation par les sénégalais et africains de leur patrimoine culinaire qui passera par des changements progressifs dans les habitudes de consommation et un changement de mentalité, le tout s’appuyant sur la connaissance de nos produits et de leur apport sur le plan alimentaire et sanitaire, le partage de savoir faire culinaire et l’engagement au plus haut niveau de nos autorités politiques et du grand public.
Ces qualités nutritionnelles et vertus ignorées de nos produits locaux
Le Méga brunch a permis de lever le voile sur certaines vertus méconnues de nos produits locaux et de leur apport nutritionnel. Il nous a permis de savoir que le «Bissap» est un bon régulateur de la pression artérielle qui fait baisser le taux de cholestérol. Son utilisation est multiple. Seynabou prépare de la confiture avec et des smooties (smoothie bouye ou smoothie bissap). Dans la pâtisserie, il est utilisé dans la préparation de gâteaux aux cookies en tant que colorant naturel. Il est utilisé aussi comme tisane.
Nous avons découvert aussi que le fruit de baobab ou «bouye» est un ralentisseur du vieillissement de la peau. Des études scientifiques poussées l’ont montré. Les propriétés nutritives du fruit du baobab créent déjà l’étonnement chez les scientifiques occidentaux. Le jus du fruit du baobab est très riche en vitamine B et les boissons contenant du baobab réduisent la réponse glycémique du pain blanc. Nos mamans utilisaient le jus de «bouye» et de «bissap’» comme du paracétamol ou du doliprane, renseigne Seynabou.
Surnommée «la reine du mil», Seynabou Amy Ka réalise des délices et des merveilles avec le mil et ses produits dérivés. Elle nous apprend que tout ce que le blé peut faire, le mil est capable de le faire ; il suffit de connaître les recettes – ce qui est une bonne nouvelle pour l’Afrique, terre de prédilection de la culture du mil et de ses différentes variantes.
Le mil est à la base de nombreuses recettes proposées par Nabou avec beaucoup d’innovations alliant tradition et modernité. «J’ai fait une recette de macaroni et de spaghetti à base de mil à la place de la farine pour montrer qu’on n’a pas besoin d’importer de la farine de blé pour faire des pâtes alimentaires.» Sa dernière trouvaille le «Yassa Sankhal» a fait sensation lors du Méga brunch africaine. Il a un faible indice glycémique, contient des fibres, des protéines, et plus de calcium que le lait. Sa consommation régulière évite des constipations. C’est une céréale sans gluten qui contient aussi du fer et du zinc.

Besoin d’une révolution culinaire

Pour réussir cette révolution culinaire à laquelle nous invite Seynabou Amy ka, une sensibilisation croissante des consommateurs urbains du Sénégal et de l’Afrique à la santé alimentaire est nécessaire. Il faut aussi un leadership très fort au plus haut niveau. Pour Seynabou, l’adoption et la consommation à grande échelle de nos produits locaux doivent mobiliser tous les sénégalais à commencer par les gouvernants avec à leur tête le Président de la République, le Premier Ministre, ainsi que les leaders d’opinion, les personnalités et stars de dimension planétaire comme Sadio Mané dont la voix porte. Le gouvernement en recevant des invités peut demander que leur soient proposés des mets à base de produits locaux dans toutes les cérémonies officielles. Les prisons, les cantines scolaires, et universités, peuvent être approvisionnées en plats à base de produits locaux pour réduire certaines maladies liées à la surconsommation de pâtes et de sucre contenu dans le riz comme les hémorroïdes et le diabète.
Choquée de voir que 10% des enfants ont le diabète au Sénégal, Nabou projette l’installation prochaine d’une chaîne industrielle alimentaire de fabrique de pizza à base de mil, de marmelade à base de «bouye» dans des pots pour le petit déjeuner entre autres produits. Ces unités peuvent vendre dans le monde entier au delà de la consommation locale, résorber le chômage des jeunes et des femmes et diminuer la prévalence de certaines maladies.

Par Bacary Seydi

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