MON AVIS SUR LA CHRONIQUE – Par Sidy Diop
La chronique est un drôle d’objet journalistique. Ni article, ni éditorial, ni reportage, elle tient un peu des trois. C’est un espace de liberté, une respiration dans le flot compact de l’actualité. Là où le journaliste cesse d’être simple témoin pour devenir passeur. Là où le temps se suspend, le ton s’affirme, et la plume ose dire ce que les dépêches taisent. La chronique n’informe pas seulement : elle éclaire, elle interroge, elle amuse parfois. Elle fait entendre une voix singulière, reconnaissable, humaine.
Elle ne raconte pas le monde comme un communiqué de presse, mais comme un voisin qui observe la vie depuis son balcon. Le chroniqueur ne se presse pas : il flâne, s’étonne, digresse. Il sait que l’essentiel ne se trouve pas toujours dans les faits, mais dans les interstices, ces détails minuscules qui disent la vérité d’une époque mieux que les grands discours. Il s’autorise le sourire, la mélancolie, l’indignation. Il écrit avec ses tripes autant qu’avec son carnet.
Mais qui, alors, doit faire la chronique ? Certainement pas n’importe qui. La chronique suppose, avant tout, de l’expertise, de l’expérience. Il ne suffit pas de manier le verbe pour être chroniqueur, encore faut-il savoir le doser. Être chroniqueur, c’est marcher sur un fil : trop de morale, on devient prédicateur ; trop d’ironie, on vire au cynisme. Le bon chroniqueur ne tonne pas, il suggère. Il ne tranche pas, il nuance. Il ne cherche pas à dominer le débat, mais à y déposer une touche, un ton, une émotion.
C’est un métier d’équilibriste : entre la distance et la proximité, la pudeur et la subjectivité. Il faut du regard, du style, et surtout de la mémoire. Car le chroniqueur écrit toujours à partir de quelque chose de vécu, une époque, une génération, une blessure. Il est à la fois témoin et miroir. Et s’il prend parti, c’est pour l’intelligence du lecteur, pour cette confiance rare qui permet de dire sans imposer.
Vient alors la grande question : la chronique relève-t-elle du fait ou de l’opinion ? Les deux, sans doute, mais dans une alchimie subtile. Le fait est la matière première, l’opinion, le souffle. L’un sans l’autre, le texte s’effondre. Trop de faits, et la chronique devient un rapport administratif ; trop d’opinions, et elle se change en invective. Le chroniqueur, lui, fait dialoguer les deux : il part du réel pour mieux en dégager une signification. Son rôle n’est pas de convaincre, mais d’éveiller.
Et pourtant, au Sénégal, la chronique est devenue une arène. Chacun y brandit son micro comme une épée. Les studios se muent en tribunaux, les plateaux en joutes verbales. On ne chronique plus, on accuse. On ne commente plus, on condamne. Le chroniqueur, figure jadis littéraire et méditative, s’est métamorphosé en procureur du quotidien. Il distribue les bons et les mauvais points, confond la liberté d’expression avec le droit à la déflagration.
Pourquoi tant de bruit, alors, autour de la chronique ? Sans doute parce que le pays bruisse de tensions, d’attentes, de colères rentrées. Dans un contexte où la parole officielle peine à convaincre, le chroniqueur devient une voix de substitution, celle qu’on écoute à la radio avant même d’ouvrir le journal. Il prend la place du sage, du griot, parfois du juge. Et le public, avide de sens, le sacre prophète ou bourreau, selon le jour.
Mais le risque est grand : à force de confondre chronique et polémique, on perd l’esprit même du genre. La chronique n’est pas une arme, c’est une fenêtre. Elle ne vise pas à blesser, mais à comprendre. Elle suppose du recul, un sens du ton juste, une écriture patiente. Elle demande ce que notre époque a tendance à négliger : le temps. Le temps d’écouter avant de répondre, d’observer avant de commenter.
Il serait bon, aujourd’hui, de rendre à la chronique sa juste place : celle d’un exercice de style et de pensée, non de passion. De rappeler qu’un bon chroniqueur n’est pas celui qui fait le plus de bruit, mais celui qui laisse une trace, discrète mais durable, dans l’esprit de ceux qui lisent ou écoutent.
La chronique, au fond, est un art de la nuance dans un monde d’excès. Un murmure au milieu des clameurs. Elle ne prétend pas posséder la vérité, seulement en chercher la lumière. Et c’est peut-être cela, son plus grand mérite : offrir, dans le tumulte de nos certitudes, la grâce fragile du doute.
Si. Di.
Niome Bachir Fofona di weure di fene rekk apres di balou akh
Bolene porter plainte nio nane prisonnier politique….mdr….mdr…mdr