L’éventualité de restaurer la peine de mort dans l’arsenal punitif sénégalais soulève des interrogations d’une complexité éminemment labyrinthique, convoquant des considérations où se mêlent et s’entrelacent des ramifications juridiques, éthiques et sociétales d’une profondeur insondable. Dans ce cadre, l’abrogation de ladite peine, concrétisée par la loi n° 2004-38, marque une rupture sémiotique avec les paradigmes antédiluviens de la justice rétributive, incarnant une transition vers une justice plus encline à intégrer les préceptes universels des droits de l’homme et les impératifs d’une humanité transcendant la simple rétribution. L’exhumation de cette question, notamment à la lumière d’événements d’une atrocité rare comme le meurtre d’Aziz Dabala, semble opérer une régression vers un imaginaire punitif archaïque, réminiscence d’un état de droit où la vengeance légalisée tenait lieu de régulateur social. Cependant, une telle rétropulsion ne saurait occulter les risques inhérents à une sanction aussi irrémédiable qu’inflexible. L’expérience jurisprudentielle et comparatiste dans des contrées où la peine capitale demeure en vigueur, telles que les États-Unis ou la Chine, révèle inéluctablement des dysfonctionnements systématiques susceptibles de mener à des injustices d’une irréversibilité absolue.
Par ailleurs, l’invocation de la peine de mort comme moyen de dissuasion relève d’une rhétorique d’une superficialité déroutante, ne prenant guère en considération les subtilités psycho-sociologiques qui sous-tendent le passage à l’acte criminel. Le Code pénal sénégalais, dans sa version révisée, offre des peines d’une rigueur équivalente, telle que la réclusion criminelle à perpétuité, qui, tout en assurant une neutralisation définitive des individus dangereux, préserve la possibilité d’une réinsertion hypothétique, fût-elle lointaine. En sus, l’acquiescement à une réintroduction de la peine capitale constituerait une infraction flagrante aux engagements internationaux du Sénégal, notamment ceux dérivant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la nation est partie. Cet acte marquerait une régression symbolique, sapant les fondements mêmes de l’évolution jurisprudentielle vers une humanisation de la peine. Il serait également perçu comme une réitération d’une barbarie légalisée, à l’heure où le progrès sociétal exige une approche pénale axée non sur la vengeance, mais sur la réhabilitation et la dignité humaine.
In fine, persister dans l’idée de rétablir la peine de mort reviendrait à ignorer les exigences d’une société en constante évolution, où la justice ne peut se limiter à la simple rétribution, mais doit tendre vers une compréhension plus profonde des causes sous-jacentes de la criminalité et vers des solutions qui transcendent la vengeance.
Modou Mbacké, Université de Limoges