Repenser l’Évaluation et la Promotion des Agents de la Fonction Publique pour une Administration Plus Performante

Repenser l’Évaluation et la Promotion des Agents de la Fonction Publique pour une Administration Plus Performante

La révision de la loi n° 61-33 du 15 juin 1961, relative au Statut Général des Fonctionnaires, représente un enjeu majeur pour la gestion des ressources humaines dans la fonction publique, notamment en ce qui concerne la promotion et l’avancement des agents. Bien que cette loi ait été modifiée à plusieurs reprises, elle présente encore de nombreuses faiblesses qui nuisent à la transparence, à l’équité et à l’efficacité du service public. Parmi les réformes envisagées par le Président de la République Bachirou Diomaye Faye dans son adresse à la nation du 31 décembre 2024, figure la révision de ce texte fondamental. Dans cette contribution, nous nous concentrerons spécifiquement sur les faiblesses liées à la promotion et à l’avancement des agents de la fonction publique, tout en proposant des pistes de réformes pour rendre ces processus plus équitables, transparents et adaptés aux exigences modernes de gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

Avancement d’échelon

Les articles 31, 33 et 34 de la loi n° 61-33 du 15 juin 1961 modifiée régissent l’avancement d’échelon dans la fonction publique. Ils stipulent que le passage à l’échelon immédiatement supérieur dans un même grade ou une même classe est conditionné par un minimum d’ancienneté de service effectif. Ce principe,  vise à garantir l’équité et la reconnaissance de l’expérience.

L’avancement d’échelon a lieu tel que défini par les dispositions des articles ci-dessus mentionnés, relatives à la durée du temps à passer dans chaque échelon. Il est automatique et est constaté par l’autorité ayant pouvoir de nomination. Il est fonction d’un minimum d’ancienneté de service exigible dans chaque échelon et se traduit par un changement d’indice entrainant une augmentation de traitement.

Avancement de grade ou de classe

Les articles 19, 30, 31, 32, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 41 et 42 de la loi modifiée précisent que le passage à un grade ou une classe supérieure dans un même corps se fait exclusivement au choix, après avis de la Commission administrative paritaire (CAP). L’évaluation repose sur une fiche d’avancement, qui fixe des critères et affecte à chacun un coefficient et une note sur 20. Ces critères sont :

1. Qualités professionnelles : maîtrise des connaissances techniques, mobilisation sur les objectifs de l’unité, respect des délais, probité, conscience professionnelle, méthode et organisation du travail – coefficient 2.

2. Comportement au travail : relations interpersonnelles, assiduité, soin dans l’utilisation du matériel – coefficient 2.

3. Rendement : atteinte des objectifs, utilisation des moyens disponibles – coefficient 3.

4. Capacité d’initiative : capacité à proposer des améliorations – coefficient 3.

La promotion des fonctionnaires dans le cadre de la loi 61-33 et des dispositions qui régissent l’avancement à l’échelon et au choix comportent  plusieurs faiblesses.

Limites et Propositions d’Amélioration du Système d’Avancement de la Loi 61-33

Bien que ces mécanismes d’avancement aient pour but de garantir une certaine équité, plusieurs insuffisances et faiblesses peuvent être identifiées. L’analyse de ces limites principales, ainsi que des propositions d’amélioration, peuvent rendre ce système plus efficace, juste et adapté aux enjeux contemporains de la fonction publique.

  1. Critères d’évaluation subjectifs : Certains critères, comme « le comportement au travail » ou « la capacité d’initiative », sont flous et difficilement mesurables, ce qui peut entraîner des évaluations subjectives et des discriminations.
  2. Poids disproportionné de certains critères : Le critère du rendement (coefficient de 3) est trop dominant, ce qui peut nuire à l’équité en ne prenant pas suffisamment en compte la qualité du travail, l’intégrité ou la dimension relationnelle.
  3. Manque de transparence : Le processus de sélection et de classement par la CAP est perçu comme opaque, ce qui peut engendrer une méfiance et nuire à la motivation des agents.
  4. Ancienneté privilégiée à mérite égal : L’ancienneté peut parfois l’emporter sur la compétence réelle, décourageant ainsi les jeunes talents ou les parcours non linéaires.
  5. Absence de prise en compte des parcours divers : Le système ne valorise pas assez les parcours variés, comme la mobilité interne ou les missions ponctuelles, limitant ainsi la reconnaissance des compétences acquises ailleurs.

Propositions d’Amélioration :

On peut citer parmi les propositions d’améliorations quelques éléments qui nous semblent essentiels.

  1. Clarification et Objectivation des Critères d’Évaluation :

Il serait pertinent de définir des indicateurs mesurables et précis pour chaque critère d’évaluation afin d’éliminer toute subjectivité. Par exemple :

  1. Qualités professionnelles : établir des critères concrets comme le respect des normes, la qualité des rapports produits, des résultats quantitatifs et qualitatifs (ex. : taux de réussite dans des projets ou missions).
  2. Comportement au travail : évaluer l’assiduité et la ponctualité de manière précise avec des statistiques concrètes (taux d’absence, retard, etc.), ainsi que la qualité de la collaboration en équipe via des feedbacks formalisés.
  3. Rendement : définir des objectifs clairs et quantifiables, comme des indicateurs de performance, la réalisation des tâches dans les délais ou l’amélioration des processus de travail.
  4. Capacité d’initiative : mesurer cette capacité par exemple via des projets spécifiques initiés par l’agent ou des propositions concrètes qui ont eu un impact positif sur les performances de son service.

L’utilisation de tableaux de bord de suivi pour chaque critère permettra aux agents de suivre leurs performances tout au long de l’année.

2.Révision des Coefficients de Pondération : Réévaluer les coefficients pour mieux refléter l’importance des critères. Par exemple, augmenter le coefficient de la capacité d’initiative à 4 pour valoriser l’innovation, et équilibrer les poids des autres critères.

3.Système Hybride pour l’Ancienneté et le Mérite : Introduire un système combinant ancienneté et mérite, avec des seuils de performance à atteindre pour valider l’avancement d’échelon, tout en maintenant une prise en compte de l’ancienneté.

4.Introduction de l’Évaluation à 360 Degrés : Mettre en place une évaluation à 360 degrés incluant les retours des collègues et subordonnés, en plus des supérieurs hiérarchiques, pour une appréciation plus complète et objective des compétences.

Il semble essentiel de réformer le système d’avancement en clarifiant les critères d’évaluation, en équilibrant la pondération des critères, en valorisant le mérite tout en prenant en compte l’ancienneté, et en améliorant la transparence du processus. Cela permettrait de renforcer l’équité, la motivation et la dynamique de progression des fonctionnaires.

 Dr Tabouré AG NE

agnetaboure@yahoo.fr

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