Réflexion sur le rôle crucial des enseignants dans la réforme éducative au Sénégal
La Journée mondiale de l’enseignant, traditionnellement célébrée le 5 octobre, a été reportée au Sénégal cette année. Les activités se sont tenues du 14 au 19 décembre, centrées sur des réflexions autour de la profession enseignante et son avenir dans le cadre d’un « Projet de transformation systémique du Sénégal ». Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a exprimé son désir de réformer le système éducatif sénégalais afin qu’il s’aligne avec les réalités culturelles et sociétales nationales. Cette transformation implique une révision stratégique des enseignements adaptés à la langue et aux valeurs du pays.
Cette ambition rappelle les réformes systématiques entreprises en 1981 pour transformer l’école. Ce n’est pas simplement une révision du système éducatif, mais une transition vers une « société éducative », un concept soutenu par le ministre de l’Éducation nationale, Moustapha Mamba Guirassy. Celui-ci estime que pour reformer l’éducation de manière si radicale, un courage substantiel est nécessaire afin d’initier des changements verticaux et profonds. Il s’agit de créer une institution qui reflète les réalités socioculturelles locales et favorise le progrès social, les légitimes aspirations à la démocratie et au bien-être.
Cette vision rejoint celle du philosophe éducatif John Dewey, qui considérait l’éducation comme un outil crucial de réforme sociale. Dewey, aux côtés de Fethullah Gülen, met l’accent sur le rôle vital de l’éducation dans la résolution des problèmes sociaux. Il avertit cependant que pour réussir une telle transformation, le corps enseignant doit être au centre de toutes les initiatives de réforme.
Dans un rapport de l’OCDE, l’importance d’impliquer activement les enseignants dans l’élaboration et la mise en œuvre des réformes éducatives est fortement soulignée. Cependant, au Sénégal, ces recommandations restent sous-exploitées. Les enseignants se sentent souvent exclus du processus décisionnel sur des points cruciaux comme les Progressions Harmonisées et les Évaluations à Épreuves Standardisées. Ce dispositif, bien qu’il vise à harmoniser les apprentissages, suscite le mécontentement des enseignants.
La relation entre les inspecteurs et les enseignants reste également tendue, freinant une collaboration harmonieuse essentielle pour le succès des réformes. Abdou Bassène souligne ce point dans son ouvrage « La boîte noire de l’école moderne au Sénégal ».
Il est essentiel de reconnaître que l’innovation efficace en éducation peut venir des enseignants eux-mêmes, des parents, voire de la communauté élargie. Dewey s’opposait aux réformes imposées de manière autocratique, plaidant pour une approche démocratique où chaque acteur éducatif a son mot à dire.
Malgré les défis, tels que des conditions de travail difficiles, il est impératif d’accepter les sacrifices nécessaires pour assurer l’avenir des enfants et accomplir la vision de 2035 pour un citoyen sénégalais bien ancré dans ses valeurs et prêt pour les défis futurs.
Cette analyse approfondie est signée par M. Bira SALL, professeur de philosophie et chercheur en éducation, et a été initialement partagée sur le site de nos confrères de Le Quotidien.