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Rama Yade :  » Lorsque mon père est rentré au Sénégal, nous avons été expulsé de notre logement »

Rama Yade :  » Lorsque mon père est rentré au Sénégal, nous avons été expulsé de notre logement »

Rama Yade a été secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy. Elle a expliqué comment et pourquoi elle est entrée en politique.

«(…) J’avais tout fait comme mes parents me le demandaient : des études à Sciences Po, réussi un très beau concours d’administrateur du Sénat, mais j’étais un peu frustrée. J’avais besoin de m’investir. J’ai d’abord envoyé une lettre pour être bénévole à l’association Droit au logement (DAL). C’est un thème qui me tenait à cœur, en raison de mon parcours personnel. Lorsque mon père, diplomate en poste à Paris, est reparti au Sénégal pour sa retraite, je suis restée à Colombes (Hauts-de-Seine), avec ma mère et mes trois sœurs. Mais elle n’avait pas de revenus. Nous avons donc été expulsés du logement que nous occupions et nous avons atterri dans un logement social. Je sais ce que c’est que de voir débarquer les huissiers ! Mais bon, le DAL ne m’a jamais répondu.

Un jour, en lisant Le Monde, que j’achetais chaque jour au kiosque du Sénat, je suis finalement tombée sur un article qui parlait du Club du XXIe siècle, composé de personnalités d’origine étrangère qui ont réussi en France. Nous étions en 2005, une année marquée par les émeutes en banlieue. Le Club du XXIe siècle, c’était une autre approche. J’y suis allée, juste pour voir. Cette expérience m’a intéressée, m’a permis de m’ouvrir l’esprit, mais en même temps, je sentais les limites de l’engagement associatif.

Beaucoup de chance

C’est à ce moment-là qu’a eu lieu l’incendie du boulevard Vincent-Auriol, quatre mois après un premier incendie du même type, à l’Hôtel Paris-Opéra. Je crois que je me suis projetée dans cette tragédie et que je me suis dit que ça aurait pu être moi, à la place de ces gens. Et j’étais énervée de les voir être présentés comme des Africains, avec l’air de dire qu’ils venaient de débarquer de la brousse, alors que c’était probablement des gamins nés ici. Des Français. J’ai jeté mes réflexions sur le papier. C’est mon futur mari qui m’a dit d’essayer de faire publier le texte.

Mais je ne connaissais personne ! J’ai cherché dans les pages jaunes le numéro du Monde et j’ai appelé le standard, un samedi matin. Là, une femme, Sylvie Kauffmann, me répond directement. Je ne savais pas qui c’était. Je lui explique que je suis membre du Club du XXIe siècle, que je veux publier un texte et que je ne peux même pas le signer, car j’ai un devoir de réserve en tant qu’administratrice du Sénat… Elle m’écoute et je comprends qu’elle est la directrice adjointe de la rédaction ! J’ai eu beaucoup de chance. Après quelques allers et retours, on s’est finalement mises d’accord sur le texte et je l’ai signé du nom de ma grand-mère, Aminata Fall. Cela dit, quand j’ai vu le titre («Les victimes de l’incendie du 13e ne sont pas que des Noirs»), cela m’a agacée : moi, je disais surtout qu’elles étaient Françaises. Mais j’ai quand même été honorée…

Les choses, ensuite, se sont accélérées. Jean-Etienne Cohen-Séat, qui dirigeait les éditions Calmann-Lévy, a joint Le Monde pour avoir mes coordonnées et m’a demandé d’écrire un livre. J’ai envoyé une lettre à Nicolas Sarkozy, parce que j’aimais bien son volontarisme. J’ai fini par le rencontrer et par travailler avec lui pour sa campagne. En mai 2006, je l’ai accompagné dans un voyage au Mali, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. C’est dans l’avion, grâce aux petits fascicules préparés pour le ministère avant le voyage, que j’ai découvert que mon intuition avait été juste : les victimes de l’incendie étaient en fait toutes françaises.»

L’Obs

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