Mauvaise communication ! Après Idrissa Seck, le discours qui dessert Macky. Par Ababacar Gaye

Ils ont le même dénominateur commun car ils nourrissent les mêmes ambitions. Et, ils nous auront plongés dans une semaine folle de commentaires. Tous deux ont été victimes de leur communication très mal à propos, pourtant leur domaine de prédilection. Toutes proportions gardées, Idy et Macky ont en effet été la risée de tout un peuple pour avoir été auteurs de dérapages communicationnels. Plus que le second, le premier nommé pourtant réputé comme un As de com’ et un fin politicien s’est attiré la foudre de la communauté musulmane. Pendant que Seck est voué aux gémonies pour ses graves allégations sur la civilisation arabo-musulmane, Sall, lui est acculé pour ses dérives sur la civilisation africaine et la question des tirailleurs.

Réactions contre Idrissa Seck, du rétablissement de la vérité au mélange délibéré des genres

Les propos d’Idrissa Seck ont suscité beaucoup plus de polémique qu’il n’en fallait. En tant que musulman, je crois fermement qu’il ne saurait y avoir de débat contradictoire sur les questions soulevées par l’ancien Premier ministre. Même si la compréhension et l’interprétation chez les gens peuvent différer, il n’en demeure pas moins que ces détracteurs ont une raison légitime de se sentir outrés. Afin de lever toute équivoque, qu’il me soit permis de dire que ma position sur la question est celle-là même contenue dans le communiqué de la ligue des imams, celle d’Oustaz Taib Socé, Oustaz Alioune Sall et de l’imam Ahmadou Makhtar Kanté avec son riche article intitulé « L’hypothèse malheureuse d’Idrissa Seck et l’islamologie ratée de Pape Chiekh Sylla ».  Je recommande fortement au lecteur de le consulter. Tous, sans verser dans la langue de bois ont essayé et pu rétablir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Avec des arguments solides, ils ont déconstruit les propos d’Idrissa Seck en prouvant les erreurs qui y sont contenues en lieu et place d’arguments ad hominem.

Ceci dit, je pense comme bon nombre de musulmans qui se sentent pourtant vexés, que l’on est en train de trop verser dans l’intolérance et l’excès de passion. Toutes ces vidéos et audios qui circulent sur la toile n’arrangent en rien les choses. Des islamologues aux profanes, tout le monde en parle (rien de plus normal) mais certains discours cachent mal des desseins inavoués. Venant de prêcheurs, des conclusions telles qu’ «il ne sera jamais président » ou « ne votez pas pour lui » suscitent un intérêt autre que religieux. Là, on verse dans la politique et peut-être sciemment. En vérité, ce débat devrait être dépassé pour trois raisons. Primo, tout bon musulman peut se reconnaître dans les propos de la ligue des imams et autres voix autorisées qui ont récusé et condamné les déclarations de M. Seck. Secundo, après que le mis en cause a fait amende honorable et s’est excusé comme l’avait exigé cette même ligue, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas passer l’éponge. En vérité, plus on commente et condamne, plus on en rajoute au problème. Si des excuses ne peuvent pas alléger et apaiser le cœur des aimants du prophète, rien d’autre ne pourra le faire. La tolérance prônée par la religion musulmane et le pardon, vertu enseignée et pratiquée par le prophète Mouhamed (psl) demeurent pourtant des valeurs cardinales de l’Islam.

Pardonner vaut mieux que se crêper le chignon

On ne peut point appeler à cultiver la tolérance envers les autres pour freiner le terrorisme par exemple quand il nous est impossible de pardonner un frère en islam qui prouve son imperfection en tant qu’humain. Après tout, Idrissa Seck n’est ni prophète ni saint pour ne devoir pas errer et se tromper. D’aucuns s’attardent sur la sincérité de ses excuses et demandent que d’autres plus sincères soient présentées. Mon Dieu! De quel pouvoir disposons-nous pour pouvoir jauger et juger de la franchise des excuses présentées par quelqu’un ? Dès lors qu’il s’est « agenouillé » devant les hommes pour quémander leur pardon, il serait vraiment inqualifiable d’exiger de lui d’autres agenouillements comme si l’intention était de l’humilier. Que fait-on alors du principe du non bis in idem ? Au demeurant, «demander pardon c’est convenir qu’on a tort », d’après Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles. Dès lors, on peut tourner la page et imiter Dieu dans sa miséricorde et sa magnanimité. De très grands penseurs ont eu à magnifier cette qualité suprême qui permet de vivre et d’entretenir des relations humanisées avec l’entourage. La tradition Mohammadienne et le Coran l’ont toujours prôné. On gagnerait beaucoup à méditer sur cette citation d’Honoré de Balzac, « si l’homme peut se relever aux yeux de Dieu, jamais il ne se relève aux yeux du monde. On nous demande de nous repentir, et l’on nous refuse le pardon. Les hommes ont entre eux l’instinct des bêtes sauvages : une fois blessés, ils ne reviennent plus, et ils ont raison ».

Un des rares constants dans cette affaire se trouve être Sidy Lamine Niasse. Quelle que soit la lecture que les uns et les autres font de sa sortie, je reste persuadé qu’il est fidèle à sa ligne de conduite. En effet, après le « pèlerinage » controversé du ministre des Affaires Etrangères à Jérusalem, Sidy Lamine faisait partie des rares qui ont élevé la voix pour dénoncer cet acte qu’ils considéraient comme une abomination. La plupart des imams étaient aphones sur cette station de Sidiki Kaba au mur des lamentations, et la page était vite tournée. L’autre preuve de constance de Sidy est ce fameux débat créé par le défunt Professeur Oumar Sankharé avec son livre « Le Coran et la Culture grecque » en 2014. Il s’était vertement attaqué au professeur sur un plateau de l’émission « Diiné Ak Jamono » de Walf TV. Ironie du sort, il avait à ses côtés un invité dont il appréciait le savoir. Politicien devenu prêcheur pour la circonstance, le fameux invité  défendit le Noble Coran comme si les propos étaient contre lui et lui seul. Il s’agissait d’Idrissa Seck, celui-là même qui est aujourd’hui  traité (à tort ou à raison ?) de mécréant, d’apostat, et de renégat. Mais quand des personnes mal intentionnées versent dans le confrérisme pour une question purement religieuse et dont l’auteur a exprimé ses regrets, cela devient tout simplement un amalgame dangereux. Notre pays mérite plus que cela et au nom de la cohésion sociale multiséculaire, ces fossoyeurs de la paix doivent être démasqués et lapidés.

Propos sur les tirailleurs, le discours qui dessert Macky

« Les régimes des tirailleurs sénégalais, quand ils étaient dans les casernes, avaient droit à des desserts pendant que d’autres africains n’en avaient pas » déclarait le président Macky SALL, ce 26 Mai. Certes noyé par les propos de son ancien camarade qui file du mauvais coton, l’anecdote de Macky Sall sur le traitement que la France réservait aux tirailleurs Sénégalais, n’a pas échappé aux réactions des internautes et de la presse. Même si sa cellule de communication soutient que les allégations ont été sorties de leur contexte, il n’en demeure pas moins que la gravité de telles assertions est avérée. Il en est de même pour ceux qui veulent placer cette glissade sur le registre de l’humour. Un discours solennel tel que celui d’un président ne devrait souffrir d’aucune faille tant sur le plan du fond que de la forme. Après tout, il est censé être au-dessus de la mêlée. Toutefois, ce qui est plausible et confirmé dans cette affaire, c’est que le président Macky Sall adoube la France et lui fait toujours les yeux doux. Son régime ne cessera de caresser nos anciens bourreaux dans le sens du poil. C’est de bonne guerre !

Dans un contexte où la polémique sur la fameuse « place de l’Europe » dans l’île de Gorée ne désenfle pas, il est très mal inspiré de la part du Chef de l’Etat de faire des déclarations suspectes. Elles sont d’autant plus suspectes qu’elles semblent dédouaner la France qui apparaît comme un bienfaiteur éternel. Ce discours, ma foi, avait pour but de justifier des décisions décriées et qui concernent l’autoroute à péage, les contrats avec le groupe Total, l’implantation d’Auchan, le franc CFA entre autres. Mais la plus controversée se trouve être la récente inauguration de la place nommée après des maltraitants sur un lieu aussi symbolique et historique que Gorée.  Autant les affres subies dans l’esclavage dont Gorée fut une plaque tournante ne permettent de cautionner l’érection de la « Place de l’Europe » au sein de l’île, autant les évènements de Thiaroye 1944 rejettent toute bonté ou amitié de la France envers les ancêtres tirailleurs. A moins que l’histoire à nous enseignée ne soit fausse, ces deux actes sont purement et simplement un sacrilège !

Même Senghor ne serait pas d’accord

Aussi bien dans ses écrits que dans ses actions, Senghor n’a jamais manqué de montrer son indéfectible attachement à la France. Francophile jusqu’à la moelle, il chantait et défendait ce cordon ombilical  qui nous liait à cette nation colonisatrice, ce pays-mère. Mais sur la question de la colonisation et des tirailleurs, il n’a jamais loué les exploits de la France de manière flagrante ni en tant que président ni en tant que poète. En définissant la colonisation comme un « mal nécessaire », il a montré à suffisance que beaucoup de tort a été causé malgré les avantages obtenus sous cette pratique. Nonobstant la controverse qui tourne autour de cette expression « mal nécessaire », il avait eu tout de même le courage d’appeler un chat un chat.

Sur la question des tirailleurs et les liens amicaux de la France pour notre pays, le poète Senghor s’est voulu plus clair. Dans ses œuvres, il n’a pas manqué de s’ériger en faire-valoir de la métropole ; pour autant il ne les aura jamais applaudi  sur bien des questions qui interpellent notre sens d’humanité. Je citerai à des fins d’illustration des passages contenus dans « Prières de Paix », Hosties Noires. En Janvier 1945, soit un an après le massacre de Thiaroye, Léopold Sédar Senghor peignait une Europe et une France inhumaine. « Elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os », dit-il.  Plus loin, et comme saisi par une rancune indescriptible, le poète asséna, « oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’imposent l’occupation si gravement ; Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires faisant d’eux, les dogues noirs de l’Empire ». Sauf une mauvaise compréhension de ma part, ces lignes dépeignent une Europe qui ne mérite pas une place à Gorée, une France qui ne mérite pas notre respect sur la question des tirailleurs. Politiquement, la France peut être notre allié privilégié (c’est au président d’en décider) mais historiquement, elle est responsable de beaucoup d’actes inhumains dont il devra répondre devant l’histoire.

Improviser n’est pas forcément une bonne communication

Apprendre de ses erreurs est une grande qualité d’un homme, surtout d’un politicien. Quand il était aux commandes, Me Wade en avait fait les frais et certainement ses prédécesseurs aussi. Nul n’étant parfait, il doit s’imposer à nos politiciens une nouvelle approche : se débarrasser des discours improvisés. Un candidat à la  Présidentielle tout comme un président doit rédiger, éditer, et faire un discours le plus formel et le plus sérieux qui soit. Les  dérives notées dans les deux discours trouvent leur fondement dans le fait qu’ils n’aient été rédigés à l’avance. Si tel était le cas, les erreurs d’habitude si fatales aux hommes politiques pourraient être évitées. Il y a de part et d’autre non pas une mauvaise compréhension de l’histoire de l’Afrique et de la civilisation arabo-islamique, mais une impréparation manifeste. Etant entendu que nul ne détient le monopole du savoir, les hommes politiques doivent désormais se faire à l’idée de s’offrir les services de professionnels en communication et de les écouter. Non seulement leur avenir et leur image en dépendent, mais aussi certaines dérives peuvent saper la cohésion sociale si longuement entretenue.

Ababacar GAYE, Chroniqueur

3 COMMENTAIRES
  • Mame Diarra Ndoye

    L’Islam est une religion de tolélance les propos de Idrrissa il demander pardon c’est fini

  • Fatou

    Salut Fara,
    Apres avoir dit ce que vous avez dit, je ne vois aucun argument derriere.
    Developpez un peu votre pensée. Je veux savoir vos pensées. MDR
    Je vois pourquoi les gens qui reflechissent, qui invitent au debat … risquent de se faire lapider par des gens qui n ont aucun argument derriere.

  • fara

    C du n importe quoi

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