Loi interprétative de l’amnistie : Réparer l’injustice ou réécrire l’histoire ?

Loi interprétative de l’amnistie : Réparer l’injustice ou réécrire l’histoire ?

En revenant sur la loi d’amnistie adoptée à la fin du régime précédent, Pastef ne se contente pas d’interpréter un texte juridique : il engage une lecture politique de la justice, de la mémoire collective et des promesses de rupture. En déposant une proposition de loi interprétative par le biais de son groupe parlementaire, le parti choisit d’ouvrir un nouveau front : celui de la légitimité, de l’équité et du récit national. Ce geste, à la fois symbolique et stratégique, soulève des espoirs… mais aussi des doutes.
Cette initiative législative incarne une volonté de rupture assumée. Il ne s’agit pas ici de créer une nouvelle loi d’amnistie, mais de corriger la précédente, jugée partielle, orientée et instrumentalisée. Adoptée dans un contexte de panique politique à la veille d’une chute de régime, cette loi avait exclu, sous des prétextes juridiques, ceux qui dérangeaient. Elle offrait le pardon, mais seulement à ceux que le pouvoir de Macky Sall voulait blanchir.
En effet, le législateur entend rétablir ce que le droit n’a pas su garantir à l’époque : l’équité et la responsabilité. Loin d’élargir le champ du pardon, la proposition entend poser des limites claires. En cohérence avec les engagements internationaux du Sénégal, elle cherche à protéger la mémoire des victimes de violences graves et à empêcher que des crimes comme la torture, les disparitions ou les meurtres ne soient effacés par une loi d’amnistie. Elle ne vise donc pas à couvrir tous les actes , mais à mettre une frontière nette entre justice réparatrice et oubli inacceptable.
C’est un geste fort. Politique, bien sûr. Mais aussi éthique. Car il ne s’agit pas seulement d’amnistier : il s’agit de reconnaître l’iniquité d’un appareil judiciaire mis au service d’un pouvoir en fin de course. Un geste juridique audacieux. Mais l’audace de la démarche est aussi sa vulnérabilité. Car une loi interprétative n’est jamais neutre. Elle agit rétroactivement. Elle dit ce que la loi « voulait dire » – ou ce qu’elle aurait dû dire. C’est une forme de correction légale, rare mais parfaitement permise. Elle réforme sans réécrire. Et ici, elle corrige ce que beaucoup considèrent comme une injustice d’État
En optant pour cette voie, Pastef ne redessine pas la loi, il cherche à en rétablir le sens et, surtout, à refermer les plaies d’un passé encore brûlant.
Pourtant, la manœuvre suscite des critiques. Certains dénoncent un texte opportuniste, une arme juridique à double tranchant. D’autres y voient une tentative de blanchiment des siens, voire une porte ouverte à l’impunité pour des actes violents. Le débat est vif – et c’est normal. Car en contexte post-crise, toute relecture du droit est aussi une relecture de l’histoire.
Mais un fait demeure : ceux qui crient aujourd’hui à la dérive ou au reniement sont souvent les mêmes qui, hier, ont fait du droit un outil de persécution. Pendant des années, des qualifications juridiques ont été détournées pour criminaliser. Des jugements ont été rendus sous influence. Des libertés ont été confisquées au nom de la stabilité et de la raison d’État. Dès lors, peut-on reprocher à Pastef de vouloir désamorcer une machine judiciaire utilisée comme arme politique ?
Ce texte est donc bien plus qu’un ajustement technique. C’est un geste fondateur. Il affirme une volonté de rupture avec une justice caporalisée. Il proclame que la loi n’est pas là pour punir arbitrairement, mais pour protéger équitablement. Il rappelle que la réconciliation n’est pas une opération de communication, mais un travail de vérité.
Évidemment, cette loi ne ressuscitera pas les jeunes tués. Elle ne rendra pas les années volées en prison. Elle ne comblera pas les absences. Mais elle pourrait réparer une partie du tissu déchiré – à condition, bien sûr, qu’elle s’inscrive dans une dynamique plus large : celle d’une réforme profonde de la justice, d’une démilitarisation de la gestion des crises politiques, d’un État de droit véritablement refondé.
Interpréter la loi, c’est aussi interpréter une époque. Cette proposition a tout son sens : elle vise à réparer sans effacer, à réconcilier sans manipuler. Elle mérite d’être soutenue au nom de la justice, de la cohérence et du courage politique.

Cheikh Seck
Conseiller en Stratégies – Montréal
cheikhseck313@gmail.com

1 COMMENTAIRES
  • Elizabeth Conne

    L’idiote Shamira Mothojakan est une ordure.

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