L’historique du modèle vestimentaire, « Baaye Lahad » (Par Cheikhoul Khadim Mbacké)

L’historique du modèle vestimentaire, « Baaye Lahad » (Par Cheikhoul Khadim Mbacké)

Le BAAYE LAHAD est un habillement sublime, symbolisant la croisée des chemins entre le cultuel et le culturel. Cette tenue charismatique aux manches larges et au col brodé, est inspirée du boubou aux manches immenses que portait Serigne Touba. Elle dégage une haute considération à l’image de celui à qui on attribue ce chef d’œuvre traditionnel hors du commun; Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième Khalif général des mourides (1914-1989).

S’agissant de l’origine de l’accoutrement BAAYE-LAHAD, un fils de Serigne Hamza DIAKHATE (appelé familièrement Serigne Amsatou), disciple et un des scriptes du Grand Cheikh et oncle maternel de Serigne Abdou, en l’occurrence Serigne Cheikh DIAKHATE, donc son cousin maternel raconte qu’un jour Serigne Abdoul Ahad est venu chez-lui et lui demanda d’ouvrir son armoire comme il en avait l’habitude, il exécuta et Serigne Abdou fouilla et trouva un habit cousu au style qu’est devenu aujourd’hui le BAAYE-LAHAD. Cheikh Abdoul Ahad lui demanda d’où est venu ce vêtement et Serigne Cheikh lui répondit qu’il a hérité de son père Serigne Hamza lors du partage de l’héritage. Alors, Serigne Abdoul Ahad prit le boubou et lui jura séance tenante que pour le reste de sa vie il ne portera que ce modèle.

Et Serigne Cheikh DIAKHATE d’ajouter que ce boubou là était d’une couture simple sans motifs ornementaux mais que c’est Serigne Abdou qui y ajouta la broderie du col, des poches du bas de la poitrine et de la bordure sous forme de rectangle à coins arrondis ou non arrondis.

La déduction logique de cette version est que Cheikh Abdoul Ahad est effectivement le modéliste du BAAYE-LAHAD, d’où d’ailleurs cette appellation justifiée et édifiante de ce style vestimentaire pudique qui renvoie directement à ce bâtisseur travailleur acharné, pétri de courage et d’engagement, à cet homme droit et persévérant. Le BAAYE-LAHAD est bien sa marque déposée.

Avec son charisme et son caractère habituel, Cheikh Abdoul Ahad avait fait cette recommandation qui en dit long sur sa manière rare de s’habiller: “Ne tente jamais de ressembler, ce à quoi tu ne voudrais pas être associé”. En termes plus clair,s il faut s’employer à affirmer son identité à travers son apparence. C’est la raison pour laquelle il a mis à notre disposition une vêture originale nous permettant de dévoiler notre “mouridité”.

Par ailleurs l’essentiel qu’il faut retenir est que cette tenue authentique communément appelée en wolof “BAAYE LAHAD” en hommage à Serigne Abdoul Ahad est une carte postale de l’orthodoxie mouride. Il recèle un historique qui laisse présager qu’il est tout sauf ordinaire. En effet, avant d’être élevé au rang de Khalif général des mourides, Serigne Abdoul Ahad n’arborait pas ce modèle de vêture appelé ”BAAYE LAHAD”, il avait l’habitude de porter des grands-boubous. Cependant au moment où il est devenu le patriarche de la communauté mouride, un généreux bienfaiteur est venu lui apporter un de ces grands-boubou, il réagit en lui répondant: “Je portais ces types de vêtements (grands-boubous), lorsque j’étais en quête de ce monde éphémère, qui désormais est à ma poursuite. Ainsi ma ferme volonté est qu’il ne me rattrape jamais”.

Toutefois cette affirmation nécessite une certaine compréhension et une interprétation particulière, étant donné qu’elle renferme un sens parabolique que l’on doit déchiffrer. Nul ne doute que Serigne Abdoul Ahad ne s’est jamais attaché aux richesses mondaines. Il a consacré toute sa vie à la spiritualité et au travail. Ainsi il véhicule à travers ces propos son aspiration à trouver une manière de se vêtir qui va symboliser sa soif ardente de servir son vénéré père et son indifférence la plus absolue par rapport aux richesses de ce bas monde. De ce fait, le style “BAAYE LAHAD” est cette tenue de travail qui va concilier son degré d’ascétisme et sa ferme volonté de servitude. Cet engagement digne des élus, traduit son désir de réduire entièrement sa vie au service du serviteur de l’Élu (SAWS). Par ailleurs, elle cache un message adressé à tous les disciples mourides leur exhortant de considérer ce port vestimentaire comme un moyen d’échapper aux pièges de ce bas monde. Cet engagement sans détour s’impose comme une maxime qui doit guider le comportement et l’action de celui qui arbore cette tenue unique à son genre. Ce qui prouve en revanche que ce vêtement mythique ne résulte pas d’une imagination fortuite qui ne vise que le beau, mais au contraire il est le fruit d’un désir passionné de spiritualité à travers le culte acharné du travail et de la servitude. C’est la raison pour laquelle cette tenue inspire un respect profond et unanime. Elle élève celui qui le porte à une dimension vertueuse, en suscitant une impression positive dans sa conduite, une admiration particulière qui force le respect.

Cette considération hautement appréciée, inspirée par cette vêture nous vient de Serigne Abdoul Ahad qui, avec sa prestance coutumière et sa personnalité imposante avait exercé une influence grandissime sur ses contemporains, en assumant pleinement son rôle d’éducateur. Cet architecte de vertu enseignait l’amour de la vérité, le culte de la sincérité dans la parole/le langage et une transparence dans les actes. En outre, ce port vestimentaire renferme beaucoup de secrets. Parmi ses innombrables vertus, l’on retient ces propos, témoignés par Serigne Abdoul sur ce mode d’habillement qu’on lui distingue. Ainsi il avait déclaré que: “le “BAAYE LAHAD” procure à celui qui le porte, une protection contre Satan, le maudit”. De surcroît cet accoutrement est apparu dans un contexte culturel de crise et de tension.

Ainsi il est vu par certains comme le symbole d’une alternative culturelle intervenue à temps. Cette époque était marquée par des révolutions socio-culturelles qui secouaient le monde (les événements de mai-juin 68) où la quête d’identité était l’un des sujets favoris pour une masse juvénile désorientée qui manquait de repères. C’est dans cette circonstance que Serigne Abdoul Ahad accéda au rang de grand timonier de la Mouridyya, en août 1968. Conscient des problématiques de cette époque, ce nationaliste résolu et chevalier de l’islam ne ménagea aucun effort dans le but de protéger le mouridisme contre toutes menaces venant de l’extérieur. Ainsi le culturel était au rendez-vous pour résoudre cette problématique identitaire en mettant aux devants de la scène les enseignements du fondateur de la communauté mouride Cheikh Ahmadou Bamba.

De ce fait l’une des premières choses que Serigne Abdoul Ahad jugea urgente d’établir fut d’éveiller la conscience des musulmans de manière générale et en particulier celle des mourides sur les méfaits de l’occidentalisation et de l’arabisation. C’est dans ce contexte particulier que le dahira des étudiants mourides a vu le jour au sein du campus de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (décembre 1975), carrefour culturel et intellectuel. Cette organisation religieuse et sociale deviendra plus tard le mouvement “Hizbut Tarqiyyah” sous l’égide de Serigne Abdoul Ahad. Habitué à porter ce style vestimentaire unique, le mouvement “Hizbut Tarqqiyyah” va participer à la propagation du modèle culturel mouride. Dès lors, les disciples mourides s’empressèrent de copier et d’adopter ce nouveau mode d’habillement jusque-là inconnu du grand public qui incarne une élévation culturelle et cultuelle. Avec le temps, il est devenu un élément culturel incontournable dans le milieu social mouride, un style traditionnel toujours moderne qui ne cesse de défier les lois de la mode, une vêture qui personnifie à travers la prestance, l’élégance et la noblesse, le courage et le travail.

Ce mode vestimentaire matérialise l’aspiration spirituelle du mouride par le biais du “Xidma”. Ainsi le “BAAYE LAHAD” est une tenue de travail qui ne doit pas être associée à certaines pratiques aux rebours des principes de l’islam, ni à des rituels folkloriques qui caricaturent son esprit qui n’est rien d’autre que le travail et la droiture. Le “BAAYE LAHAD” rappelle à celui qui le porte le sens moral et le code de conduite que son identité mouride lui impose. Plus qu’un habit ordinaire, c’est un héritage culturel et spirituel légué à la postérité musulmane et particulièrement à la jeunesse mouride.

(Par Cheikhoul Khadim Mbacké ibn Serigne Modou Mbacke Abdoul Ahad)

4 COMMENTAIRES
  • Ahmadou Mbacke

    Mashallah cheikhoul xadiim merci de nous avoir éclaircir un extrait de l’œuvre de cheikh abdoul ahad

  • Abdoul xâdir mbk

    Yalnaniouko YALLA fayal ta Geuram ko

  • abdoulaye sall

    Eskey Mbacké

  • Malick Diallo

    Chere.senegalais.il.faudra.cultiver.en.vous.une.personnalite..il.faut.travaille.pour.gagner.le.pain.comme.le.marabout…cest.mieux.dieu.il.est.la.pour.tous.le.monde

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