Les Fossoyeurs du Droit sous Macky Sall*

Le Sénégal, pays de Thierno Souleymane Baal et de Kocc Barma Fall, avait forgé une tradition de justice, d’équité et de dialogue. Pourtant, sous la gouvernance de Macky Sall, ce patrimoine a été souillé par une instrumentalisation systématique du droit à des fins politiques. L’État de droit a été progressivement transformé en État de ruse, où la loi n’était plus qu’un manteau jeté sur les injustices les plus criantes.
Sociologiquement, cette dégradation du droit s’explique par le besoin des élites en place de verrouiller toute contestation et de sanctuariser leur pouvoir. Comme l’a montré Pierre Bourdieu, le droit devient, dans ces situations, un instrument de conservation des rapports de domination. Sous Macky Sall, les cours et tribunaux ont été transformés en théâtres d’ombres, où les verdicts étaient parfois connus avant même que les audiences ne s’ouvrent.
L’anthropologie du pouvoir africain enseigne que quand les règles sont manipulées par les puissants, le lien social se délite, car la confiance disparaît. Ce n’est donc pas un hasard si tant de Sénégalais ont déserté les urnes ou sont descendus dans la rue, défiant l’appareil répressif construit par le régime.
Comme le dit un proverbe wolof : « Lu dul soxla, soxla la » — Ce que tu refuses aux autres par orgueil, un jour tu en auras besoin par nécessité.
Psychologiquement, Macky Sall et son cercle proche ont manifesté une forme classique de déni de réalité : pour eux, la contestation populaire était illégitime par essence, puisque leur propre pouvoir se confondait avec l’État lui-même. Cette pathologie du pouvoir, décrite notamment par Erich Fromm, se nourrit de la peur de perdre ses privilèges et d’une incapacité à accepter la critique comme un processus sain de gouvernance.
La psychanalyse éclaire également cette dérive : elle parle de « clivage du moi », une situation où l’on sépare son image de soi (protecteur du peuple) de ses actes (répression, manipulation, corruption). Le décalage entre discours et réalités devient abyssal. Ceux qui étaient censés protéger la Constitution — Ismaila Madior Fall, Aïssata Tall Sall, Antoine Diome — ont agi comme des tailleurs politiques, taillant les textes à la mesure des ambitions d’un homme et d’un clan.
Sur le plan politique, l’État de Macky Sall a épousé la logique du « néo-patrimonialisme », où les institutions existent mais sont vidées de leur contenu. Comme l’écrivait Montesquieu :
« Quand dans une même personne ….., la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté. »
La science politique contemporaine insiste : la dévitalisation du droit est toujours le prélude aux grandes crises de légitimité. Et l’histoire du Sénégal de 2019 à 2024 en porte les stigmates : emprisonnements massifs d’opposants, élimination judiciaire d’adversaires politiques, lois votées à la hâte pour bloquer la volonté populaire.
Aujourd’hui, le peuple sénégalais, dans sa sagesse séculaire, semble se rappeler cette maxime fulgurante :
« Chacun est responsable de ses propres actes.
Car ceux qui ont semé l’injustice récolteront la colère. L’alternance démocratique de 2024 a été moins une victoire électorale qu’une exigence morale : il fallait arracher le Sénégal aux mains de ceux qui avaient prostitué la justice.
Mais la vigilance reste de mise : il ne suffit pas de changer les hommes, il faut reconstruire les institutions sur des bases saines. Il faut re-sacraliser la Constitution, restaurer l’indépendance de la justice, et faire en sorte que plus jamais un président, ou un ministre n’ose croire que le droit peut se courber comme une branche sèche sous leur volonté.
Le grand penseur Amadou Hampâté Bâ nous avait prévenus :
« Quand les élites trahissent, c’est la société entière qui paie leur trahison. »
Le Sénégal ne veut plus payer ce prix. Le temps est venu d’ensevelir à jamais les fossoyeurs du droit.
*Vieux Macoumba Mbodj sociologue
TRES PERTINENT Mr MBODJ
Nous avons une constitution,il suffit juste que la séparation des pouvoirs soit une réalité
Beaucoup de travail reste à faire au niveau des mentalités