Le secteur privé sénégalais est-il conscient de son vrai pouvoir de création de richesses ?

C’est au Sénégal que l’on voit le secteur privé national donner “plus de pouvoir” au politique alors que cela devrait être le contraire. C’est aussi au Sénégal que l’on voit le politique, pour des calculs politiques, jouer parfois le rôle du secteur privé. Est-ce parce que le secteur privé sénégalais n’est pas véritablement conscient de son pouvoir, de sa position et du rôle qu’il doit jouer dans le changement de paradigmes pour la souveraineté économique tant souhaitée ?

La réponse qui s’ensuit à cette question n’est pas une critique. C’est un appel à l’introspection, une invite au secteur privé à mesurer son pouvoir dans la souveraineté économique du Sénégal.

Si le politique a la vision de sa politique générale, c’est le secteur privé qui rend réalisable cette vision. Autrement dit si l’Etat est celui qui définit les politiques publiques, le secteur privé quant à lui, est celui incontournable pour la réalisation des politiques publiques de l’Etat. Egalement si le politique est celui qui use de la propagande et de beaux discours lors des élections pour arriver au pouvoir, le secteur privé est celui qui lui montre les réalités du terrain une fois installé au pouvoir.

Ainsi, la souveraineté économique tant souhaitée passe d’abord par le renversement des rôles et la prise de conscience des responsabilités de chaque entité. Tout d’abord, que le secteur privé national dans son ensemble sache qu’il est “l’acteur principal et incontournable” de la souveraineté économique du Sénégal

Pourquoi ? Parce que je suis foncièrement convaincue que le vrai pouvoir économique appartient à ceux qui rendent possible la réalisation des politiques publiques. Et ce n’est le politique qui détient ce pouvoir mais plutôt le secteur privé national. Car aucune souveraineté économique n’est possible si le secteur privé national dans tout son ensemble, grandes entreprises y compris les PME et entrepreneurs indépendants ne sont pas au coeur des décisions et au centre de l’exécution des politiques publiques. 

Pour ma part, je considère que la vraie souveraineté passe par l’appropriation de l’agenda économique de l’État par le secteur privé. Mais ce dernier doit au préalable s’armer de tous les outils nécessaires à l’exécution de la commande publique.

Tout le monde est d’accord que l’excellence, c’est le résultat de la pratique permanente de la compétence. Or sans compétence aucune excellence. Si le secteur privé national sénégalais veut être excellent, donc devenir plus performant et plus compétitif, il faut que les entreprises sénégalaises qui sont déjà excellentes donc compétentes dans leurs domaines respectifs soient encore plus généreuses en rendant compétents celles qui sont dans la quête de qualification dans le même domaine. Le retour de l’ascenseur c’est-à-dire le partage de l’excellence fait partie des meilleurs moyens d’atteindre la souveraineté économique. 

Si aujourd’hui, selon les statistiques, on dénombre seulement 600.000 entreprises formalisées au Sénégal et tout le reste s’active dans le secteur informel, la grande question à se poser est pourquoi autant d’activités économiques maintenues dans le secteur informel ? Le défi de la souveraineté économique ne serait-il pas de changer le statut informel de ces activités ? Comme par exemple en les regroupant en joint-venture pour qu’elles aient plus de pouvoir de gagner plus de parts de marché ? Rien que le secteur de l’artisanat, de l’agroalimentaire, de la pêche, du numérique, de l’éducation en sont des exemples.

N’est-il pas plus indiqué autant pour l’Etat ainsi que pour les “grandes entreprises nationales” de tirer vers le haut ce secteur informel en donnant plus de capacités de production et de technologie aux acteurs afin qu’ils puissent à leur tour devenir plus compétitifs sur le marché régional et international, donc plus performants pour pouvoir jouer leur part dans la quête de la souveraineté économique tant souhaitée ?

Mais si on se cantonne à 600.000 entreprises formelles dont seulement une centaine est capable d’aller au marché international, alors la grande question que l’on doit tous se poser est la suivante : qui va exécuter les commandes publiques de l’Etat ? La réponse est – les entreprises étrangères bien sûr ! Parce que tout simplement la nature a horreur du vide. Les entreprises étrangères exécutent la plus grosse commande publique de l’Etat par favoritisme certains diront mais c’est parce que TOUT SIMPLEMENT les ressources humaines nationales aptes à prendre en charge toutes les commandes publiques et à relever le défi de la souveraineté ne sont pas assez disponibles et qualifiées pour occuper le terrain de la compétition. L’expertise généralisée fait défaut dans l’exécution de la commande publique.

La Chine fera t’elle appel à l’Afrique pour exécuter ses commandes publiques sur le sol chinois ? La France fera t’elle appel au Sénégal pour exécuter les infrastructures publiques françaises ? La Russie fera t’elle appel aux entreprises africaines pour construire son matériel militaire de défense ? Je pense que Oui ! Si et seulement si les compétences et l’expertise sont disponibles pour exécuter la commande publique. Or qui dit expertise et compétences, pense avant tout aux RESSOURCES HUMAINES, à la main d’œuvre qualifiée, avant de penser à la technologie disponible. Car sans ressources humaines qualifiées aucune technologie n’est possible à exécuter. Ce qui veut encore dire, sans technologie aucune avancée dans la souveraineté économique. 

Portons notre regard sur LES RESSOURCES HUMAINES. Car c’est là tout l’objet de cette PlumeCitoyenne. Il est fondamentalement nécessaire au secteur privé national sénégalais de comprendre que tout l’enjeu de souveraineté économique, tout l’e,jeu de la création de richesses passe par le développement du CAPITAL HUMAIN.

Si l’on veut réaliser la souveraineté économique tant désirée, il faudra d’abord que le secteur privé national sénégalais arrache à l’Etat (au politique) la place qui lui revient de droit, c’est-à-dire être le véritable stimulateur du capital humain sénégalais. Car si l’Etat est le garant du bon fonctionnement des affaires économiques, le secteur privé est LE PREMIER créateur d’emplois, donc le premier créateur de richesses, donc le premier responsable et acteur de la souveraineté économique.

J’ai compris le sens profond de ce mot “CAPITAL HUMAIN “ lorsque j’étais en poste comme responsable exécutif et chargée de communication de la Chambre de commerce américaine au Sénégal et qu’un jour je m’étais entretenue avec un des membres de la Chambre, en l’occurrence Monsieur Dunham Rowley qui était à l’époque directeur de Suffolk University Dakar. Il me disait ceci : “ Marem, la véritable richesse d’un pays, c’est son capital humain, et le Sénégal est humainement riche en talents et créativités imaginables”. Cette phase n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd car la citoyenne que je suis a très vite compris que ce mot interpelle en premier lieu le secteur privé national qui est LE SEUL capable de mettre en valeur tout le potentiel HUMAIN SÉNÉGALAIS. En le formant pour renforcer ses capacités, en l’éduquant pour le doter de plus de savoir, de connaissance et de compétences techniques. Et cela commence du bas âge jusqu’au 3e âge. Même les retraités peuvent encore servir économiquement la nation si on leur donne des activités qu’ils sont encore capables de gérer. Car le partage de compétences et de connaissances sont les véritables richesses d’une nation.

Personnellement, si aujourd’hui, je suis professionnellement capable dans mon domaine de compétences, qui est la communication, c’est aussi grâce à l’encadrement d’un acteur du secteur privé en l’occurrence Makha Racine Sy, actuel directeur associé du cabinet d’audit et de conseil juridique et fiscal (EY SÉNÉGAL) et ancien président de la Chambre de commerce américaine. Il n’avait ménage aucun effort pour me doter des outils nécessaires à la réalisation des tâches qui m’étaient confiées et le résultat a été conséquent.

Donc, la vraie souveraineté, la vraie autonomie économique ne peut pas se faire que si le CAPITAL HUMAIN NATIONAL est au coeur des enjeux économiques de l’Etat, que si les outils nécessaires aux RESSOURCES HUMAINES NATIONALES sont mobilisés pour pouvoir atteindre les objectifs visés. Car aucune souveraineté n’est possible sans le développement humain. Et le secteur privé national est « le seul capitaine à bord » capable de nous conduire au port de la souveraineté économique. S’il y’a en qui en doute encore de ce réel pouvoir de création de richesses du secteur privé, ils n’ont qu’à tourner le regard vers ces géants américains et chinois et autres qui font la souveraineté économique de leurs pays. 

Ainsi, pour voir sa vision se réaliser, le politique se doit de toujours mettre en avant le secteur privé national, en jouant uniquement à ses côtés le rôle de facilitateur et garant du bon fonctionnement des affaires économiques. Car en aucun cas, le politique ne pourra jouer le rôle de créateur d’emplois. Or en Afrique c’est ce que le pouvoir politique fait toujours croire au peuple – surtout à cette frange non consciente des réels enjeux économiques. Alors que le vrai discours du politique devrait être PRINCIPALEMENT adressé à l’endroit du secteur privé national en ces termes suivants : « Déployez tout le potentiel de l’innovation du capital humain sénégalais ! Le marché de la commande publique est vaste et les enjeux et les défis sont énormes ! Multipliez-vous par mille voire par millions pour la création de l’emplois et soyez plus compétents et compétitifs ! Nous sommes à vos côtés pour mettre les mécaniques qu’il faut et faire sauter tous les goulots d’étranglement qui font obstacles à notre souveraineté économique ! Car sans vous secteur privé national, nous politiques (État du Sénégal), sommes obligés d’aller chercher ailleurs les fonds et l’expertise étrangère pour exécuter la commande publique ! Or c’est vous qui avez le pouvoir de la souveraineté économique ! Vous êtes les vrais créateurs de richesses !

J’adresse cette plumeCitoyenne à l’ensemble des membres du nouveau gouvernement DIOMAYE. Votre véritable allié et premier partenaire – c’est le secteur privé national.

One love

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PlumeCitoyenne 

MaremKANTE 

Jeudi 25 avril 2024

2 COMMENTAIRES
  • MouhamadouLamine

    Je partage amplement ce point de vue. Mais j’ajouterai que pour que le secteur privé s’approprie pleinement ce rôle, il faut qu’il s’investisse dans la recherche et l’innovation à travers nos Universités et autres établissements de formation supérieure. Sans la recherche et l’innovation, nous ferons très tôt de nous heurter à un plafond de verre

  • Dabo

    Pertinent. Très pertinent.
    C’est les pouvoirs publics qui tuent la volonté des entrepreneurs sénégalais.
    Les étrangers sont préférés dans le choix des prestataires.
    Aux nationaux on doit de l’argent pendant des années sans se soucier des poursuites parce que protège par la loi.
    La majeure partie des entreprises deposent le bilan. Alors que l’état et ses démembrement ne paient pas les services faits.

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