« Intolérable que des responsables de l’Église soient impliqués dans des faits de viol… »

L’évêque du diocèse de Thiès et modérateur du tribunal ecclésiastique interdiocésain, Mgr André Guèye, a indiqué, ce samedi, qu’il est intolérable que des responsables de l’Église catholique soient impliqués dans des faits de viol ou encore de pédophilie.

Le tribunal ecclésiastique de Thiès, qui traite le plus souvent les questions de mariage dans l’Église, a démarré, avant-hier samedi ses activités annuelles par un thème brûlant, selon EnQuêtes. Pendant presque toute la journée, les hommes et femmes d’Église et des juristes appartenant à la communauté se sont penchés sur le thème « Abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables : problématique et enjeux du viol et de la pédophilie ». Cette problématique qui intéresse au premier plan les organisations féminines, mais aussi la société civile sénégalaise, a fait l’objet d’un diagnostic profond, en ouverture de l’année judiciaire du tribunal de l’Église.

De la loi de criminalisation du viol…

Selon l’évêque de Thiès, modérateur du tribunal ecclésiastique interdiocésain, avec l’adoption récente de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, il est important, pour le personnel de l’Église, de s’approprier cette nouvelle réforme pénale. « Nous avons aussi une législation qui s’applique aux fidèles chrétiens, à côté de celle qui s’applique à tous les citoyens du Sénégal. Parce qu’il y a des sanctions que prend notre tribunal que le tribunal civil ne peut pas prendre. Par exemple, l’accès aux célébrations, aux sacrements, etc. Donc, le tribunal ecclésiastique s’occupe des affaires concernant la foi des chrétiens. Et cette session s’inscrit dans le cadre de la formation du personnel du tribunal ecclésiastique, parce que nous savons qu’il existe maintenant au Sénégal une loi criminalisant le viol et la pédophilie. Nous voulons que notre personnel s’imprègne de cette loi pour contribuer à ce que ces abus ne soient pas perpétrés dans le cadre de l’Église », déclare monseigneur André Guèye.

Cette loi, par l’Assemblée nationale, a été votée récemment. Mais déjà, en 2014, les évêques avaient promulgué des directives pour prévenir les abus sexuels, en s’appuyant sur la loi en vigueur dans ce pays, en rapport avec celle de l’Église. D’après l’évêque de Thiès, les abus sur les enfants sont contraires au message de Jésus Christ et à la présence de l’Église. D’où la tenue de cette session de renforcement de capacités des membres du tribunal pour faire en sorte que l’Église ne soit pas le lieu où ces abus se perpétrent.

Ces dérives, rappelle l’évêque, ont déjà été évaluées. Ainsi, appelle-t-il les fidèles chrétiens au respect de la dignité des enfants, des mineurs ou de toutes les personnes sous tutelle ou malades.

« Il faut que tous soient respectés dans leur corps, dans leur âme et dans leur esprit. Donc, c’est une préoccupation permanente de l’Église. Et nous n’avons pas attendu que la loi criminalisant le viol et la pédophilie soit revue pour nous engager dans cette orientation qui nous tient à cœur. Il est intolérable que des responsables de l’Église soient impliqués dans de tels faits », affirme Mgr Guèye.

L’Église contre la peine de mort

Pour faire en sorte que les abus commis sur les mineurs et les personnes vulnérables ne pénètrent pas le cercle de l’Église, l’ancien curé de la paroisse Sainte-Croix de Bambey invite la communauté chrétienne à conjuguer ses compétences pour la cause noble de l’Église.

Abordant la question de la peine de mort qui n’était pas inscrite dans l’agenda de la session inaugurale de l’année judiciaire, celui qui a été porté à la tête du diocèse de Thiès depuis 2013, soutient que l’Église est contre ce procédé. Il rappelle qu’il est écrit dans les 10 Commandements que nul n’a le droit d’ôter la vie à quelqu’un. A son avis, tout est clair là-dessus. « La loi du Seigneur dit : « Tu ne tueras pas. » Ce n’est pas parce qu’on a tué que nous devons infliger la mort. Celui qui tue ne respecte pas la loi du Seigneur, puisque c’est Dieu qui a dit de ne pas tuer. Celui qui tue ne respecte pas son prochain et si on tue celui qui a tué, nous ne faisons qu’augmenter les transgressions à la loi du Seigneur notre Dieu. Et en plus, l’Église dit que, même si on comment l’acte le plus condamnable possible, et bien, nous ne prenons pas la place de Dieu », confie monseigneur André Guèye.

« Ce n’est pas l’Église. Ce sont les membres de l’Église qui ont prêté le flanc… »

De son côté, le président de l’Association des catholiques de la justice et conférencier du jour souligne toute l’importance de prendre des mesures « drastiques » à l’éradication du viol sur les mineurs et les personnes vulnérables telles que les déficients mentaux. Affirmant que les accusations de viol concernent tout le monde, même si, au Sénégal, aucune agression sexuelle n’est encore commise par un prêtre ou un membre du clergé, l’avocat à la cour pense que les abus sexuels commis ailleurs impactent négativement sur l’image de l’Église.

« Ce n’est pas l’Église. Ce sont les membres de l’Église qui ont prêté le flanc. Mais le Sénégal n’est pas une exception dans le monde. Il est normal que cette loi soit vulgarisée afin que les prêtres, les séminaristes, les juvénistes et tous ceux qui sont en formation soient imprégnés de cette loi. Nous ne voulons pas de ça dans l’Église », précise Me Joseph Etienne Ndione, se réjouissant, au passage, du thème choisi par la juridiction ecclésiastique pour démarrer l’année judiciaire.

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