Fifagate: Lâché par Blatter, Valcke, les dessous d’une défenestration

«Comment analysez-vous la décision de la FIFA de virer Jérôme Valcke?

La rapidité avec laquelle il a été relevé de ses fonctions «avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre» démontre clairement qu’il a été lâché par Sepp Blatter. Il ne s’est passé que quelques heures entre le moment où il a été accusé d’être impliqué dans un système de revente de billets au marché noir lors du Mondial 2014 et le communiqué de la FIFA. Blatter n’avait pas d’autre choix, alors que les Suisses et les Américains enquêtent sur l’attribution des Mondiaux 2018 et 2022 et des contrats de marketing et de télévision suspects. Son message aux enquêteurs est clair: je n’ai plus que cinq mois (jusqu’à l’élection du 16 février, Ndlr), mais je vais faire le ménage. Même s’il aurait dû évidemment le faire bien plus tôt et qu’il agit clairement sous la pression des événements.

Sepp Blatter l’avait protégé jusqu’à présent…

Notamment après l’affaire Mastercard, en 2006, qui avait pourtant coûté 90 millions de d’euros à la FIFA. Jérôme Valcke avait négocié en sous-main avec Visa, alors qu’une clause du contrat donnait à Mastercard la priorité pour prolonger. Pourquoi, dix mois après la condamnation de la FIFA, Valcke a-t-il été réintégré et même promu secrétaire général? On peut penser qu’il n’avait pas agi de sa propre initiative et que Blatter était au courant, d’une façon ou d’une autre. Son éviction a pu servir à protéger d’autres responsables au sein des confédérations et du Comité exécutif. Sa réintégration aurait dû mettre la puce à l’oreille de tout le monde. Elle montrait déjà à quel point la FIFA était hors normes dans son fonctionnement.

«L’homme a un culot monstre, un carnet d’adresses extraordinaire»

Valcke, depuis cette époque, était au coeur du système…

L’homme a un culot monstre, un carnet d’adresses extraordinaire, une proximité avec de nombreux dirigeants, en particulier Ricardo Teixeira, l’ex-président de la Confédération brésilienne qui traîne aussi des casseroles qui ramènent à Valcke. Sa trajectoire est incroyable. Il commentait le ski sur Canal+. On le retrouve dans la négociation de droits à Sport+, où il sera entendu par la justice française dans l’affaire Nike/PSG sur le transfert de Ronaldinho. A la FIFA, c’est un dirigeant autoritaire qui a pris goût au pouvoir et à ses attributs. Nous racontons dans le livre comment il utilisait un jet privé payé par l’institution à des fins personnelles.

A-t-il eu un rôle dans l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022?
Indirectement. Il n’est pas membre du comité exécutif donc il n’a pas pris pas part au vote de désignation du 2 décembre 2010. En revanche, il a poussé, avec des arguments liés aux droits TV et marketing, à l’attribution simultanée de deux Coupes du monde dans des conditions qui posent beaucoup de problèmes aujourd’hui. Je sais qu’il était très atteint par tous les événements intervenus depuis fin mai (le coup de filet de la police suisse à Zurich, Ndlr). Il avait la certitude qu’il serait rattrapé par une affaire ou par une autre. Si Blatter le sacrifie aujourd’hui sans l’ombre d’une hésitation pour cette histoire de marché noir, une affaire dévoilée par des gens qui sont sujets à caution puisqu’ils seraient eux aussi dans la combine, on peut penser qu’il y a, probablement, d’autres éléments contre lui.»

avec l’Equipe
* Fifagate d’Eric Champel et Philippe Auclair, Ed. Michel Lafon, août 2015.

COMMENTAIRES
    Publiez un commentaire