L’affaire Kocc Barma doit inviter le législateur à revoir la loi sur la production de vidéos intimes aussi bien de manière volontaire par les individus concernés dans ces vidéos, que par ceux qui les enregistrent sans être eux-mêmes vus dans ces vidéos, même avec l’autorisation de la personne.
La loi existe pour protéger les individus. Toutes les actions qui mettent en danger la vie d’autrui, ses biens, son intégrité, son honneur, sa liberté, doivent être encadrées par la loi qui doit protéger les individus des actions néfastes et dangereuses venant des autres mais aussi contre leurs propres actions. En effet, l’ignorance, la faiblesse, la naïveté, l’inconscience, le vice et la passion sont quelques facteurs qui expliquent pourquoi un individu peut s’enregistrer ou se faire enregistrer dans un état donné, pour ensuite comprendre et mesurer l’impact de ses actes bien plus tard.
La production de vidéos à caractère sexuel doit être interdite à tous les sénégalais, même à titre dit privé, du fait de sa nature contraire aux bonnes mœurs, les troubles à l’ordre public que ces vidéos suscitent, le danger que cela constitue pour la sécurité nationale, lorsque ces vidéos concernent des personnalités publiques ou membres de leur entourage, les conséquences sur la culture et l’éducation des enfants.
L’affaire Kocc appelle à interroger la responsabilité pénale des personnes concernées par cette affaire, notamment le sieur Dioum et ses acolytes. Mais elle appelle aussi à interroger la responsabilité des personnes qui ont choisi de se filmer dans de tels actes ainsi que la licence tacite accordée par nos lois qui protègent de tels actes, comme étant des actes de liberté personnelle, protégés par la loi. La loi ne punit actuellement que les actes de diffusion de données personnelles et non le fait que des personnes ont choisi de se mettre en film dans des postures d’intimité sexuelle.
Si l’affaire Kocc passe sans en tirer les conséquences, ce sera une forme de banalisation. Or, banaliser cet acte de production de vidéos intimes, c’est aussi donner le message à nos enfants que ce n’est pas aussi grave, juste une actions risquée, mais sans conséquence pénale pour celui qui le fait, puisque la loi punit celui qui diffuse et non celui qui filme avec autorisation ou accepte d’être filmé.
Tantôt nous voulons être une société morale respectueuse des principes alignés sur nos valeurs religieuses et traditionnelles, tantôt nous voulons une société de libertés contraires à ces valeurs. Entre les deux, nous hésitons et donnons l’impression que nous ne sommes ni cohérents, ni sincères.
Nul parent, prêtre, marabout ne conseillerait à ses enfants de se filmer pour son époux/épouse. Comment pouvons nous donc collectivement permettre cela dans nos lois ? Nos lois doivent refléter le bon sens des membres de la société et non être appliqués comme des principes désincarnés. La sincérité collective est d’interdire clairement ce qui est mauvais et contraire à notre bon sens. C’est en posant des principes de libertés contraires à notre sens du bien que nous nous retrouvons en contradiction avec nous-mêmes. Ce qui est jugé mauvais par la société doit être simplement interdit.
Nous ne sommes pas cohérents de penser que nous pouvons donner à tout individu la liberté et la responsabilité de produire des vidéos à caractère intime, tout en sachant que les technologies permettent aujourd’hui de disposer de ces vidéos, à l’insu des personnes qui en sont détentrices sur leur mobile ou ordinateur, clé usb et quelque autre support numérique. Les plateformes digitales sont d’abord des plateformes qui ne nous appartiennent pas, même si elles sont installées et utilisées gratuitement sur nos appareils mobiles et ordinateurs. Toutes les données collectées par les plateformes ne sont ni effacées ni ignorées, quoiqu’un utilisateur puisse le faire sur son appareil. Elles sont gardées pendant un temps. Leur usage ultérieur dépend du propriétaire de la plateforme. Les données dites effacées sont comme les poubelles. Elles sont exploitées pour y chercher et trouver des choses utiles, les recycler, notamment pour l’intelligence artificielle dont c’est une matière première. Il s’ y ajoute que les appareils mobiles et ordinateurs, sont généralement connectés par l’internet et accessibles par des réseaux wifi, bluetooth et physiquement par des tiers lors de réparations, emprunts ou vol, autant d’occasions de subtiliser les données du propriétaire à son insu.
Laisser la liberté de filmer des actes à caractère sexuel est aussi un danger public, dont les conséquences ne sont pas à chercher uniquement sur la réputation de la personne concernée.
Une jeune fille, une dame mariée ou un homme marié qui se filment, pourrait être la porte d’entrée d’un acte de chantage contre des personnalités publiques au coeur de l’Etat, sur des autorités religieuses, des juges, des militaires détenteurs de secrets, un ministre, premier ministre, chef d’institution ou président de la République sans qu’ils soient personnellement impliqués mais pourraient être vulnérables face à un chantage sur des membres de leur famille.
On peut spéculer que sur 10 qui choisissent d’aller déposer plainte publiquement, une centaine ont accepté de se plier au chantage.
Avant même la généralisation des mobiles et ordinateurs, la collecte de données compromettantes a été un moyen pour déstabiliser des personnalités et individus d’intérêt par les agences de renseignement des États et groupes criminels. Le Kompromat, la compromission des individus est un puissant moyen de chantage.
On peut imaginer dans un futur proche des virus ou outils invisibles facilement accessibles qui auront comme tâche essentielle de scanner un téléphone à l’insu de son propriétaire pour y chercher des vidéos intimes. L’affaire Pegassus est déjà bien connue. Ce scandale pour certains a été un succès pour d’autres. Il n’y a aucun doute que le développement de tels outils continuera encore avec plus de moyens. La globalisation fait de tous les Etats et citoyens des sources de données d’espionnage et de pression. L’affaire Epstein en cours aux Etats Unis est un exemple démonstratif de la puissance de ce moyen de chantage.
Il faut donc mettre fin à cette faille morale, technologique et culturelle qui se développe et dont l’affaire Kocc n’est qu’un symptôme. Lutter contre la corruption, c’est d’abord lutter pour l’intégrité morale.
Les parlementaires ont l’occasion de jouer leur partition en corsant l’encadrement de la loi afin que nul ne soit autorisé à filmer une personne dans un état d’intimité, de nudité, incluant sa propre personne, son mari, son épouse, ses enfants dont les images doivent aussi être protégées.
Sans blague !
Faut-il interdire le mariage sera la prochaine question !
Si on commence à contrôler comment quelqu’un d’autre pense bonjour les dégâts.
Ce que les couples mariés font entre eux ne regarde personne.
Si l’un d’entre eux divulgue une vidéo censée être intime celui où celle a l’origine de cette divulgation devra subir les foudres de la loi point barre.