Dialogue politique: le pari de l’action par Abdourahmane Babou

L’appel lancé par le président de la république aux forces vives du pays pour un dialogue d’envergure national est un acte fort qu’il a posé à l’endroit de l’opposition. C’est une initiative responsable qui suscite à juste raison, des attentes et de l’espoir parmi les populations.La démocratie qu’elle soit représentative ou participative repose toujours en pratique sur le socle d’une interaction habile, et d’une communication efficace entre les différentes composantes du système. Aucune théorie politique, économique ou sociale, pour n’en citer que celles-ci, ne peut aboutir à un fonctionnement correcte si elle n’est pas sous-tendue par le mécanisme du dialogue fécond entre les acteurs concernés.

Cela requiert au préalable l’instauration d’un cadre d’échanges à même de favoriser une confrontation d’opinions diverses dans le respect absolu de l’autre. Une culture du débat contradictoire entre les différents protagonistes et la faculté remarquable des uns et des autres de dialoguer le dialogue même, participent du renforcement et de la consolidation des acquis démocratiques dans un pays. Un tel mécanisme sert en plus l’élaboration de modalités et de pré-requis conformes aux besoins et aspirations communs des citoyens. Le défi de tout dialogue reste néanmoins la capacité pour les acteurs engagés dans le processus à convenir ensemble d’un gentleman agreement, c’est à dire d’une convention tacite qui fait qu’en règle les interactions au sein de la société aient lieu dans un cadre apaisé et civilisé. Ainsi les relations entre les différentes parties impliquées se réhabilitent et se relancent d’elles-mêmes créant une dynamique unitaire forte. Alors l’intérêt général reprend sa place au coeur des préoccupations de tous et au coeur des grandes résolutions et causes communes de la nation.

En effet le président de la république lance cet appel au dialogue national dans un contexte politique et social délétère. Les tensions au sein de la classe politique s’accentuent de plus en plus et le front social est en ébullition constante. L’opposition demande aujourd’hui entre autres doléances le départ du ministre de l’intérieur de la tête de ce département. Elle l’accuse d’avoir favorisé la victoire du oui lors du référendum du 20 mars dernier. Le parti démocratique sénégalais qui est majoritaire au sein de l’opposition réclame la libération de Karim Wade dont le parti a fait son candidat pour les élections présidentielles de 2017, et qui croupit encore en prison. La crise presque chronique qui s’est emparé du secteur de l’éducation au Sénégal aujourd’hui est plus que préoccupant. Les enseignants dont le patriotisme ne cesse d’être remis en cause par l’état ne comprennent pas en effet que ce dernier puisse dédommager Adama Bigtogo à hauteur de 12 milliards fcfa au moment ou le manque de ressources est évoqué pour expliquer la non prise en charge effective de leurs doléances qui ne datent pas d’hier. Des secteurs importants tels que celui de la santé et du tourisme connaissent aussi depuis un certain moment des périodes difficiles. Autant de raisons qui plaident en faveur de concertations larges et inclusives, et qui peuvent justifier cette initiative du chef de l’état.

En convoquant ainsi des autorités d’obédiences diverses à échanger avec lui sur des questions d’intérêt national, le président de la république a pris une sérieuse option dans le sens d’un apaisement et de plus d’accord dans le champ politique et social. C’est une démarche responsable et utile au vu de l’intérêt que cet appel au dialogue a provoqué, et de l’attente qu’elle a suscité chez les sénégalais. En théorie rien n’obligeait le président de la république à engager des discussions pour mettre en oeuvre une politique pour laquelle d’ailleurs il avait été élu. Cet appel survient alors que le pays sort à peine d’un référendum à l’issue de laquelle le camp du chef de l’etat a obtenu 62,54% d’opinion favorable au projet de reforme constitutionnelle qui était soumis au peuple contre 37,44% pour le camp adverse. C’est incontestablement une décision politique hautement symbolique dont le mérite revient au président de la république.

Cependant il faut souligner que au-delà de l’accueil enthousiaste que les sénégalais ont réservé à cette initiative du chef de l’état, se dégage un message claire qu’il faudra bien décoder et surtout retenir. A tous celles et ceux qui seront engagé sen effet dans ce dialogue le peuple rappelle qu’il ne négociera avec aucun gouvernement ou lobbie, qu’il soit national ou étranger et aussi puissant fut-il, la sauvegarde de sa stabilité et la consolidation de sa démocratie. Aujourd’hui plus que jamais il exhorte l’état du Sénégal à mettre d’avantage l’accent sur l’amélioration des conditions de vie des populations qui restent encore très précaires pour la majorité d’entre elles. Les manœuvres politiciennes n’intéressent pas le peuple souverain.

D’ailleurs il finira toujours par sévir contre ses auteurs. Si le peuple soutient l’idée d’un dialogue national aujourd’hui c’est aussi et surtout parce qu’il considère qu’il est à peine besoin de rappeler que le dialogue national doit être inséré dans l’armature politique et institutionnelle de notre pays, et qu’il doit s’inscrire dans une dynamique forte. Celle de contrebalancer et de compenser d’une part les dysfonctionnements dans le jeu politique, et d’autre part le déficit de communication entre l’état et les acteurs sociaux.
Si tant est que la volonté et la sincérité des autorités qui s’engageront pour la réussite de ces concertations soient réellement acquise, notre pays tient peut-être à travers le génie de l’unité nationale dont seul les grandes nations ont le secret, une opportunité historique d’approfondir et de maintenir durablement sa démocratie.

Abdourahmane Babou

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