De la Rationalisation des dépenses de fonctionnement de l’Etat ( Par Papa Malick Ndour)
Lors du dernier conseil des ministres, « le Président de la République a affirmé sa volonté de poursuivre la dynamique de réduction du train de vie de l’Etat, en signalant les résultats satisfaisants concernant la rationalisation des charges locatives de l’Etat. Il a, sur ce sujet, instruit le gouvernement de réduire au strict minimum les locations à l’horizon 2020 ». Par ailleurs, le Chef de l’Etat a instruit son gouvernement à travailler sur divers schémas de rationalisation des charges de fonctionnement de l’Etat.
Il me semble important de partager un certain nombre d’idée sur la pertinence et la portée de ces directives, dans un contexte de débat sur le sens de ses mesures, affabulées par certains cercles ultrapessimiste comme « le début d’une politique d’austérité imposée par des partenaires techniques comme le FMI ou la banque mondiale»
Lecture faites de la décision annoncée par le Chef de l’Etat au conseil des ministres de réduire le train de vie de l’Etat.
Il faudrait d’abord réaffirmer que ce ne sont pas des mesures nouvelles. Vous pouvez lire dans toutes les lois de finances qui se sont succédées depuis la mise en œuvre du plan Sénégal émergent, on a même l’impression que le terme « rationalisation des dépenses de fonctionnement », en dehors de l’accroissement des recettes fiscales, a fini par s’imposer comme principal instrument de régulation de la politique budgétaire au Sénégal. En d’autres termes, la rationalisation des dépenses de fonctionnement a occupé, durant les cinq dernières années, une place de choix dans tous les documents budgétaires et autres mémorandums retenus avec nos partenaires techniques et financiers, le FMI en l’occurrence.
La nouveauté dans cette affaire est le niveau de portage de la responsabilité du ciblage des lignes de rationalisation et l’originalité des mesures annoncées. En effet, c’est très fort comme signal quand on entend le Chef de l’Etat, lui-même, donner des directives qui risquent de bouleverser des façons de faire qui ont fini par s’imposer comme « us et coutumes administratifs ». S’y ajoute que les lignes budgétaires qui ont été ciblées par le Chef de l’Etat ont toujours suscité un certain nombre d’interrogations de la part des sénégalais. Il s’agit, entre autres, du mode de dévolution et de gestion des véhicules administratifs et du carburant. En vérité, dans la conscience collective de nos compatriotes, les finances publiques subissent beaucoup de préjudice dans la façon dont l’Etat gère ses biens de consommation. Le spectacle des véhicules AD en souffrance dans les garages privés ainsi que les habitudes de consommation de l’eau et de l’électricité dans les bâtiments publics sont affligeants pour tous les patriotes de notre pays.
Ces mesures peuvent-elles avoir des impacts sur les finances publiques ?
C’est évident, cela peut bien permettre à l’Etat d’accroître ses marges de manœuvres budgétaires gage d’une ré-allocation des ressources vers des programmes sociaux ou des projets d’investissement. Il est toujours important de rappeler que dans un passé très récent, la mise en œuvre de certaines mesures de rationalisation moins révolutionnaires que celles qui sont annoncées a permis à l’Etat de dégager des marges budgétaires par exemple sur la facture téléphonique ou sur les logements conventionnés…. Ces mesures se sont traduites concrètement dans le tableau des opérations financières de l’Etat par une progression moyenne des dépenses de fonctionnement de 3% entre 2013 et 2018 très en deçà des 17% de croissance moyenne notée durant la période 2006-2012 sur la même « ligne fonctionnement » de l’Etat central. De même, il faut noter que depuis 2013, à l’exception de l’année 2014 marquée par une hausse exceptionnelle, les dépenses de fonctionnement n’ont cessé de diminuer d’année en année ce qui a sans doute permis à l’Etat d’accroître ses investissements et de mieux maîtriser son déficit puisqu’au même moment, des résultats pas négligeables ont été aussi notés sur ces deux indicateurs budgétaires.
Peut-on parler de mesures d’austérité imposées à l’Etat ?
On ne peut pas parler d’austérité puisqu’il ne s’agit ici nullement de comprimer le budget mais de dégager plutôt des marges budgétaires afin de les réaffecter éventuellement à des projets et programmes à fortes rentabilités économiques et sociales. Par ailleurs, je ne suis pas en phase avec ceux qui pensent que la mesure a été avancée sous la dictée du FMI. En vérité, le Sénégal n’est ni en crise encore moins sous perfusion financière donc il reste maître de sa politique budgétaire qu’il peut librement ajuster conformément à ses ambitions d’émergence dans un contexte de ressources limitées.
Papa Malick Ndour
Économistes, spécialistes des finances publiques.