Préfacé par le Pr. Souleymane Bachir Diagne, qui écrit d’ailleurs que Christian Valantin est tout à fait légitime dans ce rôle-là, lui le «témoin privilégié» des années-Senghor, l’ouvrage que vient de publier l’ancien directeur de cabinet du président-poète, un récit sur ses «Trente ans de vie politique avec Léopold Sédar Senghor», a été présenté ce mardi 1er mars à l’Institut français. Pourquoi maintenant, lui a-t-on demandé, parce qu’on a parfois tendance à oublier Senghor, et qu’il ne faudrait pas, répondra l’auteur…et certainement pas en cette période de revendications identitaires exacerbées. Senghor, lui, avait compris…
Elle n’avait pas grand-chose, la petite soirée de ce mardi 1er mars, d’une de ces cérémonies classiques pour ne pas dire très protocolaires, où mille et un lecteurs plus ou moins avertis s’amuseraient donc à vous décortiquer les pages d’un ouvrage qu’ils auraient peut-être lu entre les lignes ou à la hâte, en diagonale, de près ou de loin, ou de façon scrupuleusement studieuse, entre annotations et petits tracés au crayon. A la place, le public de l’Institut français a plutôt eu droit à quelque chose d’à la fois sobre, personnel pour ne pas dire intime, sur le ton de la confidence parfois, et Christian Valantin n’a pas eu besoin d’autres mots que les siens, sur un timbre de voix où l’on aurait du mal à retrouver l’homme de 87 ans, pour fouiller dans les souvenirs de ses «Trente ans de vie politique avec Léopold Sédar Senghor », intitulé de ce texte de 200 pages qu’il vient de signer aux éditions Belin, et qui devrait servir de rempart contre une certaine amnésie.
«J’ai fait ce livre», s’expliquera l’auteur, avec l’air d’assumer chacun de ses choix éditoriaux, «parce qu’il ne faut pas oublier Senghor», et certainement pas en cette période pour le moins trouble dira l’ancien directeur de cabinet de Senghor, où les querelles de chapelles, sur fond d’extrémisme aveugle, ont fini par créer une sorte de malaise.
Et si le Sénégal est plus ou moins à l’abri, dit-il, de certaines luttes ethniques ou religieuses, contrairement à ce qui se passerait dans d’autres pays de la sous-région, c’est à Senghor qu’il le doit, lui qui a toujours voulu «éviter tous ces écueils», lui qui avait comme qui dirait cultivé une sorte d’équilibrisme spirituel dépassionné, sur fond de compromis, autrement dit une foi sans fanatisme ou sans prison religieuse. Culturellement, Senghor avait fait du métissage un art de vivre, lui le Sénégalais catholique qui avait réussi à convaincre un peuple à majorité musulman de le porter à la tête de l’Etat. On lui connaissait d’ailleurs quelques relations très «courtoises» pour ne pas dire très amicales avec les chefs religieux musulmans, Serigne Fallou par exemple.
D’une vie spirituelle à l’autre… sans transition ?
Peut-être parce que Senghor avait lui-même connu plusieurs vies spirituelles, rappelle encore Christian Valantin : «animiste jusqu’à ses 7 ans», autrement dit jusqu’à sa rencontre avec les Pères du Saint-Esprit, le voilà qui découvre alors la religion chrétienne, vraisemblablement sans avoir le sentiment de s’être trahi. Il disait en effet qu’il avait trouvé dans le christianisme quelques rites qui ressemblaient étrangement à ceux que lui avait enseignés son oncle maternel, son «Tokor» Waly, et que là-bas, aussi, on avait foi en un être supérieur.
Dans cet ouvrage, Christian Valantin revient aussi sur ce qu’il appelle «une affaire malheureuse» ou la crise de 1962, du nom de ce duel au sommet de l’Etat entre le Président Senghor et son ami Mamadou Dia, alors président du Conseil. Et pour l’ancien directeur de cabinet de Senghor, ce n’est ni plus ni moins qu’une «amitié qui se fracasse» alors, dans un contexte où Senghor, qui ne voulait pas de cette situation, va devoir comme il dit, «contrarier ses propres convictions». Avec au final, une histoire «douloureuse» pour l’un comme pour l’autre.
Senghor se fait encore violence, dit Christian Valantin, lorsqu’il refuse de gracier Abdou Faye, qui avait assassiné, en 1966, le député-maire de Mbour, Demba Diop. Le président de la République était résolument «contre la peine de mort», précise l’auteur, mais Senghor refusera pourtant d’exercer son droit de grâce, pour l’exemple. Idem dans l’affaire Moustapha Lô, du nom de l’homme qui avait tenté d’assassiner le chef de l’Etat, et où Senghor se montrera tout aussi intransigeant.
Mais comme dirait la responsable socialiste Aïssata Tall Sall, c’était aussi cela Senghor : un homme complexe, multiple, insaisissable, qui n’était en fait que «contradiction».
Sud Quotidien
OU pourrais je trouver ce mémoire?