J’étais en pèlerinage à la Mecque cette année-là. Je crois que j’avais 40 ou 41 ans en ces années 2003 ou 2004. En tous cas, j’étais un « jeune pèlerin » parmi les vieux et vieilles qui formaient le contingent. J’en profite d’ailleurs pour dire aux jeunes, d’aller à la Mecque, en étant jeunes. Pleins de forces et d’énergie. Les trucs de ‘’j’attends d’avoir un certain âge, c’est des Sénégalaiseries rek. Le Pèlerinage à la Mecque, c’est un parcours du combattant. On combat avec la force.
A la Mecque, j’étais dans la même chambre qu’un grand et ami à moi, et nous sortions souvent ensemble. C’était un monsieur en qui, j’avais énormément de respect, et qui me le rendait bien. Nous étions souvent ensemble à prier dans des Mosquées différentes et cachées, loin du tohu-bohu causé par la présence de millions de personnes qui faisaient tous, la même chose, en même temps.
Un jour, que nous étions devant une Mosquée, dans le quartier Nigérian de la Mecque, je pris un livre des mains d’un monsieur, et commençai à le parcourir. Mon grand qui était à près de moi, fit quelques pas de côté. J’étais à un passage du livre, quand, je m’approchai de lui, pour lui montrer une phrase. Il eut une réaction inattendue, il repoussa le livre et ma main qui le tenait avec une brusquerie telle que, je fus surpris et sidéré. Là, il se retourna, et à grands pas, prit la direction de nos quartiers. Il est évident que j’étais surpris de sa réaction que rien n’expliquait ou prévoyait.
Je ne le revis que le lendemain, car, de là, où, on s’était séparés, j’étais allé à une Mosquée, où je suis resté jusqu’au petit matin, après la prière de Fajr.
Il m’attira dans un couloir, et se mit à pleurer à chaudes larmes. Je n’avais rien compris. Certes, sa réaction n’avait pas été des plus élégantes, mais, je ne devais pas valoir toutes ces larmes. De simples excuses ou même une tape sur l’épaule m’auraient amplement suffi. Devant l’ampleur de ses pleurs, je l’ai attiré dans un endroit discret où j’attendis patiemment qu’il se vidât de son chagrin, que je ne m’expliquais pas.
Quant, il put retrouver son calme, il me serra longuement dans ses bras, et me dit «je suis désolé de ce que je t’ai fait ». « Pas grave ! mon grand, ce doit être la fatigue ». « Non » me dit-il ‘’Sais –tu, ou peut-être, as-tu oublié que le Prophète (PSL) était analphabète ? . C’est pourquoi, lire une lettre, à fortiori, un mot, alors que lui, ne le pouvait pas, me remplit de honte ». « Excuse-moi encore » me dit-il, avant de disparaître par un couloir.
J’étais là, debout, sonné, assommé, incapable de mettre de l’ordre dans mes pensées. Ma FOI, en lambeaux. Je n’étais rien, ma FOI ne valait absolument rien devant l’immensité de la FOI de cet homme. Sa croyance m’était largement innacessible , nettement au-dessus de mes convictions et comportements Religieux.
Mon Pèlerinage a continué, mais, je posais un autre regard sur les hommes. A chaque fois, que je rencontrais quelqu’un dans les rues de la Mecque, j’avais envie de me prosterner devant lui, comme font les Mourides, pour m’excuser de ma présence, de la petitesse de ma FOI. Mon absence de FOI.
Depuis ce jour, j’ai peur de la FOI des hommes. Je n’ose même pas les évaluer en pensée.
Depuis ce jour, je me dis ‘’Là, où s’arrête ma FOI, commence, celle des autres.
Moi, homme de peu de FOI.
Cet homme-là, on lui aurait donné le livre de la Tunisienne, qu’il en aurait fait une source élevée de Foi.