La France a récemment convoqué un Conseil de défense pour examiner une révision de sa stratégie militaire en Afrique. Dans un contexte marqué par une contestation croissante de sa présence sur le continent, notamment en Afrique de l’Ouest, Paris annonce un retrait progressif de ses bases historiques, à commencer par celles du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, et du Gabon. Cependant, de nombreux observateurs, ainsi que des voix panafricanistes au Sénégal, soulèvent des doutes quant à la réelle portée de ce retrait, suspectant une simple réorganisation stratégique, plutôt qu’un départ définitif.
Une réorganisation sous couvert de retrait ?
Derrière cette apparente volonté de « transfert de contrôle », des experts dénoncent une continuité de l’influence française. Les annonces françaises de réduire leur présence militaire ne se traduisent souvent que par des réajustements, avec la mise en place de centres de formation militaire, permettant à la France de maintenir une influence discrète mais opérationnelle. En Côte d’Ivoire, par exemple, la France conserve une présence via des centres de formation et des détachements temporaires, ce qui semble confirmer son objectif de rester un acteur stratégique dans la région.
Le scepticisme des observateurs africains
Pour beaucoup de Sénégalais interrogés lors du Micro-trottoir, cette stratégie de retrait partiel n’est qu’un voile cachant une politique de contrôle prolongé. Certains estiment que la France veut garder la mainmise sur ses anciennes colonies pour servir des intérêts qui vont au-delà de la sécurité régionale. Un habitant de Dakar souligne : « La France veut toujours dominer l’Afrique. Ils prennent nos militaires pour des missions dans certains pays. Ici au Sénégal il y a la base militaire française, mais il n’y a pas de bases africaines en France. »
D’autres commentaires vont dans le même sens, exprimant une méfiance croissante à l’égard de la formation militaire assurée par la France. En effet, comme le note un autre Sénégalais : « Quand on est formé par une puissance étrangère, cette dernière connaît nos faiblesses. Comment pouvons-nous prétendre à la souveraineté si nos propres forces sont dépendantes d’une aide étrangère pour leur formation ?« .
Abidjan, centre d’influence française ?
Un point d’achoppement reste la Côte d’Ivoire, qui, selon plusieurs experts et dirigeants de la région, servirait de base arrière pour des opérations de déstabilisation, notamment envers le Burkina Faso. Le président burkinabé de transition, Ibrahim Traoré, accuse ouvertement Abidjan de collaborer avec Paris dans une tentative de déstabiliser son pays. Cette accusation prend un relief particulier avec la montée de l’Alliance des États du Sahel (AES), un regroupement de nations cherchant à contrer l’influence étrangère et à préserver leur souveraineté.
Appel à l’autonomie militaire de l’Afrique
Pour de nombreux panafricanistes, l’heure est venue pour les nations africaines de rompre totalement avec cette dépendance militaire. « Nous avons suffisamment de capital humain pour former nos propres forces. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons jamais revendiquer notre indépendance et notre sécurité nationale. » Ce cri de ralliement pour une Afrique forte et indépendante résonne dans les rues de Dakar et au-delà, alors que les voix s’élèvent pour réclamer une rupture définitive avec la France.
Malgré les discours sur la fermeture de ses bases, la France semble opérer un simple redéploiement stratégique, visant à ajuster sa présence pour qu’elle soit moins visible mais toujours efficace. Tandis que Paris cherche à apaiser les tensions en Afrique, l’avenir de sa relation avec les nations africaines reste incertain.