Traqué par la police, Jaber Albakr, réfugié syrien de 22 ans soupçonné d’avoir fomenté un attentat, avait été repéré le 10 octobre à Leipzig puis arrêté avec l’aide de trois compatriotes. Il a été retrouvé mort dans sa cellule la nuit dernière. Une polémique sur les responsabilités s’annonce.
“Cela n’aurait pas dû arriver, mais c’est malheureusement arrivé”, a déploré le ministre de la Justice de Saxe, lors de sa conférence de presse ce jeudi matin 13 octobre. Arrêté dans la nuit de dimanche à lundi à Leipzig après une traque de deux jours, le réfugié syrien soupçonné d’avoir planifié un attentat de grande envergure a été retrouvé mort la nuit dernière dans sa cellule à la prison de Leipzig.
Jaber Albakr s’est pendu à une grille avec sa chemise. Sa mort a été constatée vers 20 h 15. “C’est une surveillante en formation qui a trouvé Albakr mort dans sa cellule”, précise Der Spiegel.
“Pas de risque aigu de suicide”
La Justice de Saxe n’avait pas décelé “de risque aigu de suicide”, a souligné le ministre de la Justice. La thèse du suicide est pourtant largement admise, le médecin légiste ayant “très largement exclu” l’éventualité d’une intervention extérieure. Djaber Albakr, qui s’était mis en grève de la faim, avait tout d’abord été contrôlé tous les quarts d’heure, puis, après une expertise psychologique, toutes les demi-heures.
De son côté, le directeur de la prison de Leipzig a précisé, lors de la même conférence de presse, que des problèmes linguistiques avaient compliqué la compréhension avec le détenu. Il a tenu à souligner, ajoute la Frankfurter Allgemeine Zeitung, que l’établissement n’était “pas en mesure, financièrement, d’employer un interprète, mais qu’une demande aurait été faite si cela avait été sollicité”.
Besoin d’éclaircissements rapides
Les tensions sont palpables du côté de la justice et des autorités allemandes, comme en témoignent les propos du ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, dans son intervention aux actualités matinales sur la chaîne ZDF : “Ce qui est arrivé exige des éclaircissements rapides et détaillés de la part des autorités judiciaires locales.”
Les autorités allemandes avaient espéré obtenir, lors de l’interrogatoire de Jaber Albakr, des renseignements sur d’éventuels complices et commanditaires de l’attentat, d’autant que le soupçon de liens avec Daech existait.
Graves dysfonctionnements
En Saxe, “c’est l’incompréhension qui domine quant à l’appréciation de la situation par les responsables”, relate le quotidien régional Leipziger Volkszeitung. De nombreuses personnalités politiques de tous bords ont exprimé leur stupéfaction, largement teintée de critique.
“Si un terroriste sous surveillance permanente se suicide, c’est qu’il y a de graves dysfonctionnements dans les prisons de Saxe”, a par exemple commenté le groupe parlementaire des Verts à Dresde, tandis qu’une partie du SPD (Parti social-démocrate) s’émouvait d’une “perte totale de contrôle des autorités” du Land.
Selon la Leipziger Volkszeitung, le parti de gauche Die Linke impute au ministre président la responsabilité de l’événement, tandis que les libéraux s’offusquent : “Au premier abord, les événements des cinq derniers jours sont tellement absurdes qu’aucun chef de programme de l’audiovisuel n’accepterait un tel scénario pour une émission trash.” Seule l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, droite populiste) se refuse à accuser trop vite la justice et la police régionales. Elle envisage de demander une commission d’enquête pour déterminer les responsabilités.
La Saxe est gouvernée par une grande coalition dirigée par le ministre président chrétien-démocrate Stanislaw Tillich (CDU).
Avec courrierinternational.com