En février 2013, Monsieur Tamsir Faye, doctorant en droit, a été nommé par décret Consul général du Sénégal à Marseille. Sa nomination a suscité des réactions contradictoires. Rien de plus normal, surtout en politique ! Jusqu’au 22 juillet 2015, date à laquelle son arrestation pour « ivresse et exhibitionnisme » a fait le tour de la toile, rien de problématique.
Compte tenu de la gravité des accusations, qui demandent d’ailleurs à être vérifiées, je salue la décision des autorités sénégalaises de relever et de rappeler à Dakar Monsieur le Consul général qui est présumé innocent, pour des « mesures conservatoires ». A ce niveau, il ne s’agit plus de l’honneur d’un seul homme, fut-il un diplomate mais de préserver l’image de tout un pays, le Sénégal, donc de l’intérêt supérieur de la Nation. Je suis plutôt convaincu que l’intéressé lui-même comprendra aisément cette décision.
Maintenant, l’Etat du Sénégal ne doit pas s’en laver les mains et laisser le Consul général entre les mains des autorités françaises. En effet, il doit venir à son secours comme il le fait pour tous les autres citoyens du pays. Dès l’instant que le diplomate est démis de ses fonctions, il urge de mener la bataille pour restaurer l’honneur d’un homme et, par la même occasion, rétablir l’image du Sénégal.
Les derniers développements de l’affaire laissent comprendre que le Procureur de Marseille voudrait demander l’autorisation aux autorités judiciaires de son pays qui se chargeront de remonter la requête au niveau du Sénégal pour poursuivre le Consul général de Marseille pour les faits qui lui sont reprochés plus haut, en plus de l’« outrage » aux policiers.
Si tout devait se passer ainsi, compte tenu surement du caractère diplomatique de l’affaire, je ne vois pas pourquoi l’Etat du Sénégal donnerait une suite favorable à cette demande. D’autant plus que le site d’informations français qui a rendu public cette arrestation en déformant, selon Monsieur le Consul général, les faits a publié des informations tirées du procès-verbal d’arrestation dont il ne devrait pas être en possession.
Par ailleurs, écoutons ce qu’a dit Monsieur le Consul général lui-même dont les propos ont été relayés par un autre site d’informations, cette fois-ci, sénégalais. « Je suis sorti de mon immeuble, sur la rue Paradis (8e) à Marseille, pour fumer une cigarette. J’étais habillé d’un pantalon jean, d’un tee-shirt et de sandales. Des policiers m’ont trouvé et m’ont dit qu’on leur a signalé qu’il y avait des jeunes noirs qui troublaient ici et m’ont demandé mes pièces. Je leur ai dit que je ne les ai pas avec moi car je suis en face de mon immeuble et que j’étais juste là pour fumer une cigarette. Ma surprise sera grande lorsqu’un des policiers m’a passé les menottes avant qu’on ne m embarque ».
Analysons. D’abord, selon ce récit, je ne vois pas pourquoi on parle d’exhibitionnisme. Tout simplement parce que quelqu’un a parlé de cela aux policiers ? Soyons sérieux ! En plein été à Marseille, habillé comme il était (« pantalon jean, tee-shirt et sandales »), qui peut mieux l’être que Monsieur le Consul général ? Admettons même que ce qu’a dit le dénonciateur soit vrai, est-il interdit de supposer que les « jeunes noirs qui troublaient », comme ils disent, puissent partir avant l’arrivée des policiers ? Je ne le pense pas car il ne faut négliger aucune hypothèse tant qu’on n’est pas fixé. Et ce n’est aux policiers que je devrais apprendre cela. Si Monsieur le Consul général se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment ?
Ensuite, je me demande pourquoi les policiers n’ont-ils pas essayé d’établir l’identité du Consul général ? Même si celui-ci n’avait pas ses pièces d’identité sur lui. Ce qui est tout à fait normal et compréhensible, compte tenu de l’endroit où il était c’est-à-dire devant sa résidence en train de prendre l’air comme tout le monde en ces temps chauds. Qui peut dire qu’il a toujours ses pièces sur lui, en toutes circonstances ? Vu qu’ils étaient, tous, devant l’immeuble, les policiers auraient dû vérifier avant tout son identité.
Ils auraient remarqué qu’il était diplomate protégé par l’immunité diplomatique. La preuve, c’est ce qu’ils ont fait au commissariat. Enfin, je pense que les policiers ont préféré croire une dame bourgeoise plutôt qu’un « jeune noir » catalogué fauteur de trouble de surcroît dans un quartier bourgeois. Qui plus est, selon le Consul général, un des policiers lui a dit : « qu’est-ce que tu fais en France, rentre chez toi en Afrique ». La connotation raciste de ces propos ne fait aucun doute. C’est ainsi que le Consul général a menacé de porter plainte. Dans cette affaire, le Consul général apparaît plus pour une victime qu’un coupable. Cherche-t-on encore une fois à rouler la victime dans la farine du coupable ?
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Sidy TOUNKARA
Doctorant en Sociologie
CERTOP-CNRS UMR 5044-Pôle PEPS
Bureau C358
Maison de la Recherche
Université Toulouse 2- Jean Jaurès
5, allées Antonio Machado
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