3e mandat : A quoi sert le droit sous les tropiques ? – Pr. Jean-Louis CORREA*

Le giri japonais, qui est un devoir que toute personne assume vis à vis de l’autre, sans que cela ne soit inscrit dans un texte, un devoir de vérité, de bienséance qui structure la société nippone est un référent culturel à la hauteur de Gor, ca wax ja.

Le droit, dans toute société, postule à un entendement commun de la justice, du bien, du dicible et du faisable, une représentation partagée de l’idéal social. Malheureusement, sous nos tropiques, il reste, comme l’État, un legs du colonialisme permettant à des élites comprador, pour reprendre une expression chère au philosophe Adama Diouf, de s’accaparer des privilèges facilités par leurs positions. Dès lors, l’État et son droit sont synonymes de violence pour des populations qui n’ont avec eux que des rapports d’interdiction, de privation et de limitation en tous genres.

Dogmatique juridique et dialogisme parcimonieux
Pendant longtemps, les non-juristes ont considéré les juristes comme des plombiers. « On fait appel à eux quand il y a quelque chose qui coule ou qui risque de couler », de simples techniciens du droit, des experts du droit, comme aiment se nommer certain juristes. Partant, on peut constater une certaine insouciance voire une torpeur intellectuelle dans laquelle baigne la communauté du droit (professeurs, avocats, magistrats etc.), rappelant ce propos de C. ATIAS que « l’absence de toute « crise » (le grec krisis signifie choix) dans la science du droit a permis aux juristes de continuer à la pratiquer sans se demander ce qu’elle était, quelle était sa mission, quelle était son influence et quelles devraient être ses méthodes. Le besoin de la réflexion épistémologique ne s’est pas fait sentir » en droit.

La dogmatique juridique, telle qu’elle est à l’œuvre, permet de dire que l’utilité du droit est marginale, sauf à perpétuer un système colonial de domination des élites lettrées, issues de cercles identifiés. Il n’est assigné au droit aucune mission véritable de construction d’un État de droit dans lequel tous les acteurs sont soumis au droit. Les institutions judiciaires participent de la routine administrative mais sont incapables d’assumer une fonction normative. Il n’est pas demandé au juge de faire la loi, mais il peut participer à l’œuvre de justice.

A s’attarder sur le juge constitutionnel, sa fonction herméneutique est quasi-inexistante, son dialogue avec les autres juges peu développé. Le juge constitutionnel sénégalais développe une forme d’idiosyncrasie, une autarcie résultante d’une histoire politique qui serait différente.

Pourtant, en se référant à ses homologues du Bénin, de l’Allemagne ou d’Espagne, le juge constitutionnel pourrait se donner un pouvoir créateur de norme, pour préserver les droits fondamentaux et les libertés individuelles. En définitive, comme le dit Michel Tropper, ce qui est important c’est moins la Constitution que l’interprète de celle-ci.

Le Conseil constitutionnel du Sénégal ne se donne tellement pas de pouvoir normatif que sa sempiternelle déclaration d’incompétence est connue et attendue. Aux États-Unis d’Amérique, où l’efficience économique est de rigueur, une telle institution aurait été supprimée parce que coûteuse et peu utile.

Si la disposition actuelle des choses interdit au Conseil constitutionnel de se comporter en véritable interprète, il faut vite le faire évoluer dans sa forme, ses compétences, sa composition et ses missions.
L’antienne du partisan et la fourche de la vérité du droit.

Le partisan qui clame que son candidat a droit à un troisième mandat est dans son rôle. Il a droit à l’excès, à l’exagération et même à la manipulation, cependant que la vérité est ailleurs. Le « juriste de haute lutte » qui estime aussi que seul le Conseil constitutionnel est apte à dire si le Président de la république peut être candidat ou pas, il faudra lui faire remarquer le tropicalisme de son parti pris.

Qui peut imaginer un instant le Président Biden (si jamais) ou Macron poser la question de la recevabilité d’un troisième mandat devant son organe national compétent ? Pourquoi demander ce que l’on sait déjà ? Pour s’entendre dire ce que l’on sait déjà ? Dans les Républiques non bananières, il est inconvenant, irrévérencieux et outrageant que de mettre le juge constitutionnel dans la posture de devoir arbitrer une joute politique qui ressemble plus à une corrida ensanglantée et meurtrière qu’à un débat juridique.

Tenu par la rigueur des principes, c’est un lieu commun que de répéter que la Constitution distingue le nombre de mandats de la durée des mandats. Ce qui est immuable et hors de portée de toute interprétation, c’est l’impossibilité absolue de faire plus de deux mandats, quelle qu’ait été la durée des mandats précédents.

Le droit n’est pas un instrument technique qui s’appuie sur une superstructure érigée en ordre (c’est-à-dire rang) judiciaire. Cette forme de droit et de justice demeure instituée, construite, pour se confondre avec la réalité. Le droit demeure une foi sertie de justice qu’un peuple se donne pour atteindre un but, grâce à un interprète qui assume son pouvoir normatif. C’est une vertu qui promeut et façonne le devoir-être. Lorsque l’on se réclame républicain, le fétichisme de la loi est un credo.

S’il n’a de fonction que l’utilitarisme, le droit est privé de sens et ne stimule pas nos imaginaires. Pour paraphraser le sociologue suisse Jean Ziegler : aucun savoir n’est neutre, comme toute science, le droit est un outil qui libère ou opprime.

*Agrégé des Facultés de Droit
Université numérique Cheikh Hamidou Kane (UN-CHK)

3 COMMENTAIRES
  • Cheikh Tourè

    En politique, on peut changer d avis. Votre patron Sonko est plus français que tout le monde. Qu est ce qu il n a pas dit sur les français. Même pour sa défense il est allé chercher un français. Récemment, on l a vu dénoncer Maky dans les bureaux de l ‘ union européenne

    • BAXAM

      DEUG REK MACHALAH SONKO REK INCHALAH CES DICTATEURS VAUTOURS COMPLOTEURS ASSASSINS MANIPULATEURS MENTEURS VOLEURS CRIMINELS DEUMS DÉLINQUANTS DE MERDE SANS VERGOGNE NI FOIE NI DIGNITÉ SONT LÀ QUE POUR LEUR PROPRE INTÉRÊT YEWOULENE CHÈRE JEUNESSE SÉNÉGALAISE YEWOULENE GATSA GATSA REK INCHALAH RÉSISTANCE REK MAQUIS SALLES DÉGAGE

  • Africain en colè

    Ça sert à vous laisser débiter vos inepties !!!

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