Témoignage – Il est parti sur la pointe des pieds un lundi à Paris : Il s’appelait Umbań U Kset

Pour la majorité des musiciens et mélomanes sénégalais, ce nom étrange n’évoque pas grand-chose. Pourtant, ce Dakarois, originaire de la Guinée-Bissau, est un précurseur des scènes théâtrale, musicale et cinématographique sénégalaises, voire africaines. Son vrai nom était Emmanuel Gomes. Lorsque, vers la fin des années 50, Ibra Kassé, le parrain de la musique moderne sénégalaise, avait décidé de mettre sur pied le Star Band Orchestra de Dakar, Umbań en fut le premier chanteur. Cette formation mythique aura vu défiler, après lui, tous les grands ténors de la nouvelle musique sénégalaise, tels Labah Soceh, Pape Seck, Youssou Ndour, etc.

A l’issue d’une participation honorable, en tant que comédien, sur les planches du Théâtre Daniel Sorano, durant le premier Festival mondial des arts nègres de 1966, Emmanuel Gomes bénéficiait d’une bourse du Sénégal, pour joindre le Théâtre national de Paris (Tnp), sur les traces de Bachir Touré, Douta Seck, James Campbell Badiane, en compagnie de Doura Mané et Badou Kassé. C’était l’époque où Paris, émergeant des soubresauts socio-politiques de Mai 1968, bouillonnait de culture cosmopolite, accueillait des intellectuels et artistes africains américains, sud-africains, etc.

Dix ans plus tard, il lançait le single Tuti La Ma Nan avec le groupe West African Cosmos dont il était le leader et le chanteur. Ce single lui avait valu l’attention de l’industrie musicale. Un premier et unique album fut produit en 1976 par l’illustre maison de disques Cbs, laquelle comptait Miles Davis parmi ses artistes. Cet album mythique révolutionna la musique africaine par la nouveauté de l’approche musicale des sons venus de partout, une voix rauque venant de nulle part. Parmi les membres du West African Cosmos, il y avait, entre autres, Wasis Diop à la guitare, Loy Elrich au clavier, Madiama Fall à la batterie. . .

La musique offerte par West African Cosmos, un mélange explosif d’afro, de funk et de jazz, a préfiguré le style musical qu’est l’afro-beat, lequel affole les chartes de nos jours. Si Fela est considéré comme le roi de l’afrobeat, si Touré Kunda est reconnu comme le pionnier de la «World Music», si Burna Boy est la star qui remplit le Madison Square Garden de New York, il ne faudra jamais oublier que Umbań U Kset est l’inventeur du genre.

Son rôle dans le cinéma, quoique discret, car il n’apparaissait pas beaucoup à l’écran, fut non moins crucial, car il avait servi de doublure dans la version française de plusieurs films américains. De même qu’il avait composé la musique du premier film long métrage de Ben Diogaye Bèye, l’actuel doyen du cinéma sénégalais, et conseillé Djibril Diop Mambety sur son film classique Touki Bukki.
Ces dernières années, répondant aux appels incessants des mannes ancestrales, auxquelles il vouait respect et adoration, Umban transitait souvent par Dakar et Gorée lors de visites régulières à Bissau, où il avait décidé de construire un hôtel. Aux dernières nouvelles, le chantier est terminé. A son épouse, à ses enfants, aux amis et compagnons, toute notre sympathie. Puisse la terre africaine de Bissau célébrer le retour de Umbań avec honneur et respect.

Bara Diokhané

3 COMMENTAIRES
  • Un passant qui p

    Merci beaucoup, cher Monsieur pour ce bel hommage . Qu’il repose en paix. Comme d’habitude, dommage qu’il n’ait pas reçu les honneurs de son vivant. 
    Ce soir,je dormirai moins bête .

  • Kiry

    Merci beaucoup @CTK pour cet article fort enrichissant. Il nous faudra le célébrer à un moment à travers un film ou un documentaire comme l’auraient. Les autres nations n’ont pas plus d’artistes de renom que chez nous mais elles les célèbrent mieux que nous.

    Encore merci, la rédaction ou CTK!

    Kiry

  • Kiry

    Merci beaucoup @CTK pour cet article fort enrichissant. Il nous faudra le célébrer à travers un film ou un documentaire comme l’auraient fait toute nation fière de ses hommes illustres. Les autres nations n’ont pas plus d’artistes de renom que chez nous mais elles les célèbrent mieux que nous.

    Encore merci, la rédaction ou CTK!

    Kiry

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