Sortir de la spirale : Mamadou Mouth BANE décortique la crise au Sahel
Insécurité au Sahel : Sortir de la crise est un ouvrage analytique de Mamadou Mouth BANE, publié par Le Carré Culturel, qui explore en profondeur les enjeux sécuritaires dans la région sahélienne. En 203 pages, l’auteur propose une réflexion méthodique et exhaustive sur les causes, les dynamiques, et les pistes de solutions pour sortir cette région stratégique de la spirale de violence.
La préface, rédigée par le Professeur Ismaïla Madior FALL, ancien ministre de la Justice et des Affaires étrangères, confère une perspective institutionnelle et académique à l’ouvrage.
Mouth Bane est également l’auteur des ouvrages : Le Crime Organisé dans le Sahel, Les Sénégalais de Boko Haram, et Lutte Contre le Terrorisme et la Criminalité au Sahel.
Aperçu des thématiques abordées :
L’introduction plante le décor en posant les bases historiques et contextuelles de l’insécurité au Sahel. Le livre est ensuite structuré en six parties principales :
- Données historiques et état des lieux : Cette section retrace les origines de l’instabilité au Sahel, en examinant des pays clés comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la Libye, où l’insécurité s’est profondément enracinée.
- Les « clusters » terroristes au Sahel : Mamadou Mouth BANE identifie les principales zones d’insécurité, de la forêt de Sambisa au Nigeria aux camps de Tindouf en Algérie, en passant par des espaces comme le Liptako Gourma et le parc W en Afrique de l’Ouest, qui servent de sanctuaires aux groupes armés.
- Pour un recalibrage de l’approche algérienne : L’auteur analyse les initiatives d’Alger, telles que le Plan Tamanrasset et l’accord d’Alger, et plaide pour une révision de ces approches unilatérales afin de mieux répondre aux défis sécuritaires de la région.
- La démarche inclusive et communautaire du Maroc : Cette partie met en lumière les efforts du Maroc, notamment dans la déradicalisation, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et l’énergie, et les projets économiques porteurs comme Dakhla Atlantique.
- Le jeu trouble des grandes puissances au Sahel : Mamadou Mouth BANE décortique les implications et les intérêts contradictoires des grandes puissances dans la région, une analyse qui met en évidence leurs impacts sur la stabilité locale.
- Coconstruire une nouvelle coopération sécuritaire : L’auteur explore les opportunités d’une collaboration équilibrée entre le Nord et le Sud, tout en insistant sur l’importance d’une coopération Sud-Sud renforcée, illustrée par l’Alliance des États Sahéliens (AES) et des réformes nécessaires au sein de la CEDEAO.
Une conclusion tournée vers l’action :
L’ouvrage se clôt sur un appel à la collaboration, à la confiance mutuelle, et à l’innovation dans les approches sécuritaires pour assurer un avenir stable et prospère au Sahel.
Avec une perspective unique et des solutions pragmatiques, Insécurité au Sahel : Sortir de la crise est une contribution précieuse au débat sur la sécurité dans l’une des régions les plus complexes du monde.
Et pour les Bonnes Feuilles, l’auteur a choisi le chapitre VI
CHAPITRE VI
CO-CONSTRUIRE UNE COOPÉRATION NOUVELLE AVEC LES GRANDES PUISSANCES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ
La géopolitique des conflits politiques, les nids d’in sécurité et les territoires sous l’emprise des mouvements indépendantistes dans le Sahel exigent un vaste plan de co-constructuion dans un cadre régional. Il s’agit, pour les pays du Sahel et leurs voisins, de bâtir ensemble une stratégie globale, avec le soutien des puissances étrangères, de bonne foi, pour sortir de l’état d’insécurité que traverse la région sahélienne. L’instabilité politique alimente les crises sécuritaires dans toute la région. Il est question d’abord de mettre en œuvre une nouvelle coopération interafricaine et ensuite avec les puissances étrangères, afin de combler ces faiblesses structurelles qui touchent les états du Sahel. Dans cette région, les pays ont deux défis à relever : le défi démocratique et le défi sécuritaire. Il est extrêmement difficile pour un pays pauvre d’ouvrir à la fois deux fronts qui, dans le long terme, risquent d’affaiblir les ressources étatiques. Les pays qui traversent des crises politiques peinent à apporter des solutions durables face au défi sécuritaire. Voilà pourquoi chaque État devra résoudre ses contradictions politiques internes afin de répondre, dans un élan d’unité nationale, aux déficits sécuritaires pour un climat de paix et de stabilité. C’est seulement après cela, que les partenaires étrangers pourront légitimement poser les jalons d’une co-constructuion réussie au plan sécuritaire, seul gage d’un épanouissement économique. Au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Guinée et ailleurs, la classe politique et les militaires au pouvoir doivent s’entendre sur une feuille de route pour dépasser ces crises politiques. Car, les partenaires au développement ne seront rassurés et motivés que, lorsqu’ils auront en face des gouvernements légitimes capables de porter des projets dans le long terme. Quelle que soit la pertinence d’un programme économique, sa réussite ne peut être assurée que lorsque les dirigeants bénéficient de la confiance et de l’adhésion des populations. Autrement, une rupture inattendue peut survenir brutalement pour encore tout chambouler. Les pays africains doivent alors créer un environnement des affaires économiques et sécuritaires stable, pour atteindre les objectifs d’émergence économique et réussir les plans de coopérations internationales. Préserver la stabilité des pays, renforcer l’état de droit, assurer la sécurité des personnes et de leurs biens… tels sont les uniques facteurs pouvant favoriser l’atteinte des objectifs d’une co-constructuion aboutie.
6.1 Co-construction Sud/Sud : l’exemple de l’AES
Pour une superficie d’environ 2 780 000 km², l’Alliance des États du Sahel (AES) compte un peu plus de 69 millions d’habitants. Au-delà des défis sécuritaires, l’AES est confrontée aux enjeux de développement sur fond de crise de l’énergie. En tout état de cause, les États du Sahel devraient d’abord co-construire une coopération dynamique Sud/Sud. Les nouvelles orientations stratégiques de l’AES convertie en Confédération attestent de la volonté de ces dirigeants de marcher ensemble pour relever les défis. Toutefois, un État responsable ne doit pas externaliser sa sécurité en la confiant à une puissance étrangère. Et là, l’AES semble compter sur ses propres forces pour assurer sa sécurité et celle de son Peuple. Il s’agit là, d’un aspect positif dans leur option de démarcation par rapport à leurs anciens partenaires occidentaux. C’est tout le sens qu’il faut donner à la création de l’AES. Par exemple, le 17 mai 2024, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali et ses homologues du Burkina et du Niger, ont pris part à la réunion des titulaires des portefeuilles dont ils ont la charge, dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette rencontre a été précédée par une réunion des hauts fonctionnaires de ces pays. Ce conclave ministériel préparatoire au Sommet des Chefs d’État de l’AES a permis aux ministres chargés des Affaires étrangères d’examiner et de valider les textes soumis à l’adoption des Chefs d’État en vue de l’institutionnalisation et de l’opérationnalisation de la Confédération « Alliance des États du Sahel ». C’est un pas important vers l’intégration politique et socio-économique des trois pays. Il s’agit d’une vision partagée par le Capitaine Ibrahim Traoré, Président de la Transition du Burkina Faso, le Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition du Mali et le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie du Niger (CNSP). Cette entité politique est ouverte à tout autre pays partageant les mêmes idéaux. D’ailleurs, lors de sa création, les chefs d’État avaient approché le président guinéen, Mamady Doumbouya, pour intégrer son pays dans l’Alliance. Mais jusque-là, Conakry est dans l’expectative. Par ailleurs, dans son discours à la XVe session de la conférence de l’OCI, organisée à Banjul les 4 et 5 mai 2024, le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, avait rappelé les succès de l’armée malienne dans le nord du pays pour la reconquête de Kidal. Il est également revenu sur la création de l’AES qui vise, selon lui, « à établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle, en vue, notamment, de lutter plus efficacement contre les groupes terroristes, les menaces d’agression extérieures, mais également de promouvoir le développement des trois états au profit de nos populations ». Aujourd’hui, l’AES a décrété la mort du G5 Sahel plongé dans une profonde agonie. Ces pays ne veulent plus s’impliquer dans une initiative inspirée ou soutenue par la France et ses alliés occidentaux. La démarcation des pays de l’AES à l’égard de Paris est matérialisée par la dénonciation des accords de défense et le rappel de certains ambassadeurs comme celui de France au Niger. Le 30 novembre 2023, lors d’une réunion des chefs de la diplomatie de l’AES, le ministre Abdoulaye Diop encourageant la coopération interétatique, déclarait que « la prévention et la gestion des défis sécuritaires exigent une coordination sans faille et une collaboration étroite. Nous devons être proactifs dans la préservation de la paix et de la stabilité, tout en favorisant des voies pacifiques et diplomatiques pour résoudre les conflits qui pourraient surgir sur notre chemin ». Toutefois, il a tenu à préciser que les objectifs de l’Alliance dépassent le domaine sécuritaire. Selon lui, l’AES aspire à être un espace de développement économique. Le chef de la diplomatie malienne a salué la rupture d’avec « certains partenariats toxiques ». Défendant les choix stratégiques de son pays, il a soutenu que : « Près de deux ans après le départ des Forces Barkhane et Takuba, le Mali est plus que jamais debout et libre, je dirai même libéré. Ce n’est certainement pas le fait d’un heureux hasard, si les vaillantes Forces maliennes ont repris le contrôle de la région et de la ville de Kidal, réussissant ainsi une prouesse que 10 ans de présence internationale n’ont pas permise». La coopération Sud/ Sud est certes une option à encourager. Toutefois, l’AES doit s’engager dans une coopération internationale de large ouverture. Les pays du Sahel, plus particulièrement ceux de l’AES, ne peuvent pas se soustraire aux effets de cette globalisation de l’économie mondiale qui exige une coopération (Sud/Sud et Nord/Sud), ouverte, diversifiée et assumée sans aucune contrainte. Il revient à l’AES d’imposer sa volonté et sa vision politique à ses partenaires européens, américains et russes. Car les états défendent leurs intérêts. Et l’alignement aveugle n’est pas sans risque.
6.2 L’offre marocaine aux états de l’AES
L’AES est une confédération enclavée sans aucune façade maritime. L’adhésion de la Guinée allait permettre aux États de l’AES d’avoir un accès sur l’Atlantique. Toutefois, l’offre marocaine semble la plus généreuse, au vu du plateau technique du Royaume chérifien dans le domaine portuaire avec un réseau d’infrastructure très performant. L’annonce a été faite par Rabat le 6 novembre 2023. Par la suite, une rencontre de concertation s’est tenue à Marrakech pour harmoniser les visions et mettre en place les orientations globales de ce projet ambitieux, en présence de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères marocain, ainsi que des représentants du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad.
À cette occasion, M. Bourita a exposé les objectifs de l’Initiative lancée par le Maroc. Le ministre marocain a explicité la vision sous-jacente à cette Initiative royale. Il a rappelé à cet égard que les autorités marocaines ont placé le Sahel au cœur de la politique africaine du Royaume chérifien. Selon le ministre, cette initiative vise à soutenir les partenaires du Sahel, afin de libérer le vaste potentiel de la région, accélérant ainsi la croissance et favorisant un développement durable et inclusif des économies régionales. Rabat cherche à faire du Sahel un pôle majeur de croissance et de développement en Afrique. « Alors même que les forces du mal, telles que les groupes terroristes, les mouvements séparatistes et d’autres facteurs perturbateurs, cherchent à régionaliser leur menace, il n’y a aucune raison pour que les forces du bien ne puissent pas, elles aussi, promouvoir une croissance régionale », a affirmé M. Bourita devant ses collègues du Sahel. Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a exprimé lors de cette réunion le fort soutien de Bamako à l’Initiative royale. Il a souligné que cette proposition représentait une réponse positive aux préoccupations des populations du Sahel. Mettant en avant l’engagement du Mali dans cette initiative, il a souligné que cela permettrait d’exploiter le potentiel du pays, de favoriser les échanges régionaux et de moderniser les infrastructures. Le ministre a également mis en évidence la vision harmonieuse de cette initiative avec les objectifs de l’Alliance des États du Sahel (AES), insistant sur l’importance du développement économique et la contribution du Maroc en tant que partenaire engagé. M. Diop a aussi mis l’accent sur la nécessité d’investir dans diverses infrastructures et de favoriser la libre circulation des personnes pour créer des conditions propices à la paix, à la sécurité et à l’essor économique, offrant ainsi des opportunités aux jeunes. Bakary Yaou Sangaré, ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des Nigériens de l’extérieur a fait part de l’adhésion de son pays à cette initiative, soulignant l’impératif pour le Niger de reprendre en main son destin, après le départ des troupes étrangères. Il a exprimé un soutien sans réserve à l’Initiative royale, soulignant son importance cruciale pour l’accès à l’Atlantique et le développement des États sahéliens. Selon M. Sangaré, cette initiative est en harmonie avec les objectifs de l’Alliance des États du Sahel, visant à établir la sécurité, à mettre en place des politiques économiques viables et à développer une politique monétaire efficace. Il a précisé qu’il s’agissait d’un projet qui s’intègre parfaitement dans cette dynamique et représente une réponse à l’incapacité d’autres organisations africaines à impulser une dynamique de croissance basée sur une vision claire et intégrée. Tout en exprimant son optimisme quant à l’aboutissement de cette initiative, mettant en avant les opportunités qu’elle offre, en termes de commerce, de développement industriel, de connectivité et de partage équitable, le ministre nigérien a souligné la nécessité d’unir les efforts pour transformer le Sahel en une zone de prospérité, éradiquant ainsi le terrorisme qui y progresse. Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabés de l’extérieur, Karamoko Jean Marie Traoré, a lui aussi loué l’initiative de Mohammed VI, qui dénote une compréhension approfondie des défis du Sahel. Il a souligné l’importance de l’accès à la mer pour le Burkina Faso, pays enclavé, tout en rappelant les valeurs de solidarité ainsi que le droit des pays enclavés à bénéficier d’un accès maritime. M. Karamoko Jean Marie Traoré a, par ailleurs, déploré les préjugés persistants concernant le Sahel, soulignant que ceux qui en parlent méconnaissent la réalité de la région. Il a également relevé la pertinence de l’Initiative qui s’aligne sur l’objectif de l’Alliance des États du Sahel visant à transformer le potentiel régional en opportunités concrètes. Le ministre burkinabé a indiqué qu’il s’agit d’un premier pas vers la création d’un véritable espace économique pour la région. Hassan Adoum Bakhit Haggar, ambassadeur du Tchad au Maroc, représentant le département des Affaires étrangères, des Tchadiens de l’étranger et de la coopération internationale, a salué, pour sa part, l’initiative du Roi visant à faciliter l’accès à l’océan Atlantique, en particulier pour les États du Sahel. Il a souligné que cette région, autrefois carrefour d’échanges économiques et culturels, est devenue, depuis 2013, un terrain propice aux groupes terroristes et au trafic, nécessitant un besoin crucial de soutien aux initiatives de développement. Pour le Tchad, il est impératif de favoriser ces initiatives de développement. Il a ajouté que de tels projets sont de nature à favoriser le progrès et l’emploi, ce qui permettra de lutter contre les groupes terroristes qui ciblent souvent les jeunes, en raison de leur vulnérabilité économique. L’ambassadeur du Tchad au Maroc a souligné l’importance capitale du futur port de Dakhla Atlantique dans le cadre de l’Initiative royale, pour l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique. Ce futur port « fera la fierté de l’Afrique et de tous ceux qui vont tirer profit » de cette infrastructure portuaire, a-t-il insisté.
Mieux encore, lors de cette réunion de Marrakech, il a été décidé la création de Task Forces nationales dans chaque pays participant. Ces groupes de travail seront chargés de définir les modalités pratiques pour mettre en œuvre cette initiative novatrice. Rabat a lancé un projet d’envergure dans le secteur de l’énergie. La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a affirmé que le projet de gazoduc Maroc Nigeria était un catalyseur du développement et de l’intégration économique régionale et un levier de l’interconnexion entre l’Afrique et l’Europe. S’exprimant lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des représentants, Leila Benali a passé en revue l’état d’avancement de ce projet stratégique lancé par le roi et l’ancien président nigérian, Muhammadu Buhari, notant que « la plupart des études de faisabilité et de conception techniques ont été achevées, de même que l’identification du tracé optimal du gazoduc qui sera raccordé au gazoduc Maghreb Europe », en plus de « la poursuite des études d’évaluation sur le terrain et des études d’impact environnemental et social ». Ce projet stratégique aura une capacité de 30 milliards de mètres cubes par an de gaz naturel, tandis que l’enveloppe globale de l’investissement s’élève à 25 milliards de dollars US, a-t-elle précisé, notant « qu’entre 2022 et 2023, plusieurs mémorandums d’entente ont été signés » à cet effet. La responsable a également indiqué que le développement du gazoduc Maroc-Nigeria passera par trois phases, la première étant celle du « Sénégal-Mauritanie-Maroc », soulignant, par ailleurs, le rôle que joue le gaz naturel en tant que composante clé de la stratégie de transition énergétique du Maroc.
6.3 Coopération Militaire au sein de l’AES
Aux yeux des pays de l’AES, tout programme de développement doit être adossé à une stratégie sécuritaire cohérente. Ainsi, suite à la validation de l’initiative marocaine pour l’accès à l’Atlantique, les pays de l’Alliance ont enchaîné avec un programme visant à renforcer les capacités de leurs forces armées. C’est pourquoi les forces armées nationales des pays de l’AES, celles du Togo et du Tchad, ont effectué ensemble des exercices militaires. Baptisées « Tarhanakale», ces opérations sécuritaires se sont déroulées dans le Centre d’entraînement des forces spéciales de Tillia, au Niger. L’objectif est de renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées du Niger, du Mali, du Burkina Faso, du Tchad et du Togo pour faire face à toute menace potentielle. On remarque une ouverture des FDS de l’AES aux forces armées tchadiennes et togolaises. Même si au plan politique, ces deux pays n’ont pas encore adhéré à l’AES, ils partagent les mêmes objectifs dans la lutte antiterroriste, vu l’ambition des groupes armés de progresser vers l’Atlantique. Il s’agit aussi d’une initiative pour coordonner les plans stratégiques et sensibiliser les populations locales. Les pays de l’AES, du Togo et du Tchad font face à un ennemi commun, les terroristes. Selon certains médias, le Centre d’entraînement des forces spéciales de Tillia, qui a abrité l’exercice, a été financé par l’Allemagne depuis juillet 2021. Les équipements militaires ont été fournis, avec une valeur de 8,5 milliards F CFA par les États-Unis. Il faut rappeler d’ailleurs que c’est à Tillia que des terroristes de l’État islamique et d’Al-Qaïda ont tenté de s’installer pour prendre le contrôle du Centre.
Les États du Sahel doivent multiplier les Forces multi nationales mixtes (FMM) pour organiser des opérations de sécurité interarmées dans toutes les zones à risques, surtout dans les zones grises. D’ailleurs, le Tchad, le Cameroun, le Niger, le Bénin et le Nigeria avaient constitué une Force multinationale Mixte (FMM). Cette force interarmée avait travaillé pour asseoir un plan de sécurité capable de renforcer la paix et la stabilité dans la région. Au terme de ces opérations, le général Ibrahim Sallau Ali a présenté un bilan détaillé des activités menées depuis le lancement de cette opération dénommée « Lake Sanity 2 », le 23 avril 2024. Le général Ali a souligné les efforts déployés pour nettoyer certaines localités stratégiques, dans la région du Lac Tchad. La démarcation des pays de l’AES de leurs partenaires internationaux traditionnels risque de limiter leurs moyens opérationnels et de réduire leur capacité dans la lutte antiterroriste. Chaque année, les États-Unis finançaient des opérations militaires comme Flintlock en Afrique. Cette initiative américaine permet tait de renforcer les capacités des armées africaines. Ce fut aussi l’ambition de la Task Force Takuba. Face à la volonté politique et au ferme engagement des autorités pour combattre la menace terroriste, les pays de l’AES ont besoin d’un encadrement et des équipements de pointe pour l’alerte précoce, pour la surveillance et surtout pour le contrôle au niveau des frontières. Les forces armées des pays africains n’ont pas la technologie militaire nécessaire dans la lutte contre l’insécurité. Cette bataille demande une haute connaissance du terrain, des outils techniques militaires performants, une formation adaptée pour l’utilisation de ces outils et une compétence pointue dans l’analyse et l’interprétation des données numériques et électroniques. Seule la coopération militaire peut aider ces Armées à combler ce retard. La coopération Sud/Sud permet de bâtir des plans communs, comme ce fut le cas entre le Tchad, le Niger et la Libye. Par exemple, les offensives du FACT sur le territoire tchadien avaient amené le gouvernement de Mahamat Kaka à se rapprocher des autorités libyennes et nigériennes pour sécuriser ses frontières nord et ouest. Mieux, le Tchad avait sollicité l’appui de ses voisins nigériens et libyens pour neutraliser les forces rebelles établies dans le Sud libyen. Le Niger avait accepté d’assister son voisin de l’Est, de même que le nouveau pouvoir libyen. Bien que situé en dehors de la zone géographique de l’AES, le Tchad est un allié crédible dans la lutte contre le terrorisme, dont l’adhésion dans l’AES serait une bonne nouvelle. Cette intégration du Tchad à l’AES pourrait être demandée par la Russie, vu les récentes avancées positives notées dans les relations entre N’Djamena et Moscou. D’ailleurs, le général Mahamat Idriss Déby Itno, avait effectué le 23 janvier 2024, une visite officielle en Russie, à l’invitation de son homologue Vladimir Poutine. Si le jeune président tchadien a accepté cette invitation de Moscou, à 4 mois de la présidentielle, c’est parce qu’il a dû soupçonner une entente secrète sur son dos, entre Paris et son principal adversaire, Succès Masra. Soutenu et intronisé devant Macron, suite au décès de son père, Idriss Déby, l’adhésion du Tchad à l’AES serait un coup fatal, voire un désaveu pour la France. Le Tchad a toujours été un allié privilégié de la France dans le Sahel. Rappelons que le 6 juin 2024, le ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Lavrov, était en visite à N’Djamena où il a rencontré le successeur d’Idriss Déby Itno, à savoir Mahamat Déby Kaka élu président du Tchad. L’offensive diplomatique russe n’exclut aucun secteur de l’activité économique.
6.4 Réformer la CEDEAO avec de nouvelles missions
L’auto-exclusion des pays de l’AES de la plus haute instance politique de l’Afrique de l’Ouest a bouleversé l’institution. Aujourd’hui, la stratégie de lutte contre l’insécurité dans le Sahel ne saurait se dérouler dans un espace géographique limité à 3 pays, alors que la menace se situe de l’Atlantique à la Mer rouge. Face à l’insécurité, il faut alors bâtir des plans globaux inclusifs, impliquant tous les pays du grand Sahel et leurs voisins. Par conséquent, les pays de l’AES et de la CEDEAO s’affaiblissent en essayant d’évoluer séparément face à des groupes terroristes unis et avec des méthodes guerrières transnationales. Ces frontières artificielles que l’AES et la CEDEAO dressent entre elles s’effacent devant la détermination des groupes terroristes, ce qui, d’ailleurs, renforce leur capacité de résilience et leur performance sur le terrain. Il n’existe pas d’une part, de groupes terroristes qui se limitent exclusivement dans les contours géographiques de l’AES et d’autre part, des djihadistes figés uniquement dans l’espace de la CEDEAO. Il n’existe pas de groupes terroristes opérant uniquement au sein de l’AES et des djihadistes actifs seulement dans l’espace de la CEDEAO. Les groupes armés sont unis et solidaires dans leurs actions criminelles. Pourquoi alors l’AES et la CEDEAO devraient-elles se séparer en affaiblissant leur capacité opérationnelle déjà dérisoire ? Il urge aujourd’hui d’unir leurs forces pour combattre cette menace dans l’unité. Ces pays sont trop vulnérables pour espérer remporter cette bataille contre l’insécurité, dans la division. Toutes les préoccupations d’ordre politique soulevées par l’AES doivent être appréciées et intégrées, à la limite du possible, dans un plan de réforme de la CEDEAO. Cette organisation sous régionale doit répondre aux exigences de l’AES pour sa réadaptation aux enjeux du moment. Les réalités politiques, économiques et sécuritaires qui prévalaient en Afrique de l’Ouest, lors de la création de la CEDEAO en 1975, ne sont plus adaptées au contexte géopolitique actuel. Il faut alors redéfinir une nouvelle mission, élargir son champ d’exercices, tout en renforçant la prédominance de ses pouvoirs sur les états. Le blocage réside dans le rejet par la CEDEAO, de toute prise du pouvoir par des voies antidémocratiques. Or, tous les régimes de l’AES sont dirigés par des putschistes qui ont renversé des pouvoirs démocratiques. Cependant, la Charte de la CEDEAO rejette les coups d’État. Faudrait-il attendre alors une normalisation démocratique dans les pays de l’AES par la tenue d’une élection présidentielle, pour revoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso regagner leur place au sein de la CEDEAO ? Les pays de l’AES se sont radicalisés par la création de la Confédération qui annonce une rupture définitive d’avec la CEDEAO. Plusieurs fois, la junte malienne a accusé Paris d’avoir dicté à la CEDEAO, les sanctions prises contre ces régimes militaires. Logique alors pour eux, de quitter cette instance sous régionale. On peut également imaginer, derrière cette sortie de la CEDEAO des États de l’AES, la main de Moscou qui manœuvre pour réduire l’influence française dans le Sahel. Véritablement, si Paris est soupçonné d’avoir un contrôle sur la CEDEAO, le tutorat de Moscou sur les pays de l’AES est également assumé. Les dirigeants de l’AES et de la CEDEAO perdent en s’engageant dans une guerre froide par procuration qui ferait l’affaire des grandes puissances. La coopération interafricaine doit être élargie à tous les niveaux, comme cela a été préconisé lors du sommet de Lomé. Il a été annoncé le plan d’échange d’informations entre la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ces Organisations sous régionales devraient redynamiser des organes comme la Commission du bassin du Lac Tchad (CBLT), très utile dans la lutte contre Boko Haram. L’Union africaine avait joué un grand rôle dans ces initiatives visant le renforce ment de cette coopération sécuritaire autour du bassin du Lac Tchad, avec la Force multinationale Mixte (FMM). La coopération interrégionale entre la CEDEAO et la CEEAC avait permis de mieux coordonner les opérations de lutte contre Boko Haram. Dans cet esprit de co-construction, les FDS de la CEDEAO doivent s’ouvrir en créant des cadres d’action avec les blocs régionaux : l’UMA, la CEEAC, la Communauté Est africaine (CAE). Nous assistons aujourd’hui à une urgente nécessité d’unir ces blocs pour une meilleure coordination des stratégies de lutte antiterroriste.
6.5 La «Coalition pour le Sahel » précède l’AES
C’est en plein vol que le G5 Sahel a sombré dans une zone de turbulence, perdant ainsi toutes ses capa cités. Plusieurs facteurs expliquent l’échec du G5-Sahel qui tente, tant bien que mal, de se débattre dans son cercueil. D’abord, on peut citer la non-implication dans la conception et dans le fonctionnement, des pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et le Cameroun. Ensuite, la configuration actuelle de cette menace dynamique et diffuse démontre que la mise à l’écart du Bénin, du Togo, du Ghana, de la Guinée et de la Centrafrique dans le G5-Sahel, a été une hérésie. Les terroristes, à l’instar du virus de la COVID-19, ignorent les frontières. Et par souci d’efficacité, les dirigeants devraient adopter une vision globale pour les régions touchées par la menace terroriste et celles susceptibles de l’être dans l’avenir. Enfin, les coups d’État au Niger, au Mali, au Burkina Faso et la mort de l’ancien président du Tchad, Idriss Déby, sont des facteurs explicatifs de l’échec du G5 Sahel. Ces putschs ont freiné l’élan du G5 Sahel, plongé ensuite dans une profonde léthargie par la naissance de l’AES qui semble plus engagée pour combattre l’insécurité. C’est justement pour relancer les activités du G5 Sahel que les autorités des pays membres ont tenté de mettre sur pied, un nouveau cadre pour donner un souffle novateur à l’organisation. Il est évident que, n’eût été l’implication de Paris et de Washington dans les activités du G5 Sahel, les autorités de l’AES allaient justement se contenter de renforcer ce cadre sous régional. Ce serait une belle occasion de maintenir le Tchad dans le groupe et peut-être la Mauritanie aussi. L’option irréversible russe avait déjà été prise, malgré les énormes efforts déployés par Paris et ses partenaires européens pour apporter leur soutien aux populations locales, dans le cadre de « l’Alliance Sahel ». Cette structure a développé des programmes d’aide aux populations, surtout aux femmes et aux jeunes. Des projets d’accès à l’eau, à l’électricité et des modules de formation ont été lancés dans certaines localités frontalières au Mali, au Niger, au Tchad, au Burkina Faso et à la Mauritanie. Cependant, « l’Alliance Sahel » connaîtra le même sort que le G5 Sahel depuis l’avènement des pouvoirs militaires dans ces pays. Bamako, Ouagadougou et Niamey ont gelé leurs activités dans l’ensemble des organisations sous-régionales bénéficiaires d’un soutien des Occidentaux. Cette démarcation des pays de l’AES par rapport à la CEDEAO, à « l’Alliance Sahel » et au « G5 Sahel », est un gage de fidélité exprimée à Moscou qui prend ainsi sa revanche sur les Occidentaux. C’est alors, pour apporter des réajustements structurels, qu’a été créée la « Coalition pour le Sahel » dans les instances internes du « G5-Sahel » toujours en agonie. M. Hamadi Ould Meimou, porté à la tête de la Coalition pour le Sahel, a pris fonction le mercredi 27 septembre 2023. Annoncée lors du sommet de Pau le 13 janvier 2020, par les chefs d’État du Burkina Faso, de la France, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, en présence du Secrétaire général des Nations unies, du président du Conseil européen, du Haut représentant de l’Union européenne, du président de la Commission de l’Union africaine et de la Secrétaire générale de la Francophonie, la « Coalition pour le Sahel » avait, entre autres objectifs, d’apporter une réponse plus collective et solidaire à la crise au Sahel. Les initiateurs ont estimé que « la gravité de la crise que connaît le Sahel, le sentiment d’urgence, l’importance des besoins nécessitent une action plus forte, plus solidaire ». Ils ont noté que « la mise en place de cette Coalition reste un puissant signal de solidarité à l’égard des États sahéliens ». La « Coalition pour le Sahel » vise à renforcer « la visibilité de l’engagement international et constitue un gage de la pérennité de cet appui. Elle amplifie et optimise ce soutien international, en facilitant les échanges et les interactions, ainsi que l’élaboration d’une approche commune ». Les fondateurs de la « Coalition pour le Sahel » ont la pleine conscience que la solution du terrorisme « n’est pas uniquement sécuritaire ». Ainsi, « l’effort doit porter sur le redéploiement de l’administration et des services de l’État autour des besoins des populations ». Par ailleurs, la « Coalition pour le Sahel » promeut une approche intégrée au niveau régional, comprenant l’ensemble des leviers et acteurs impliqués au Sahel, qu’ils soient militaires, sécuritaires, politiques et de développement.
6.6-L’AES dépouille le «G5 Sahel »
À l’exception de la Mauritanie et du Tchad, les autres pays fondateurs du G5 Sahel composent l’Alliance des États du Sahel (AES). Le rejet des coups d’État par Paris et ses alliés a poussé l’AES à se démarquer du G5-Sahel, dont la France et les Usa sont les bailleurs. Malgré les programmes économiques sectoriels prometteurs réalisés par le G5, tout le commandement militaire du Mali, du Burkina Faso et du Niger a migré vers l’AES, laissant le G5-Sahel aux mains de quelques fonctionnaires en attente d’une nouvelle mission. Et pourtant, lors de sa création en 2014, le G5-Sahel était une nécessité au plan politique pour combattre l’insécurité dans le Sahel. Il a été créé le 16 février 2014, à Nouakchott en République islamique de Mauritanie. Pour son fonctionnement, le G5-Sahel a élaboré en 2016, « la Stratégie pour le développement et la sécurité (SE), autour de laquelle devaient s’ordonnancer les projets portés par l’organisation. Pour décliner en actions les recommandations de la SE, le G5 s’est doté d’un outil de programmation pluriannuel, le Programme d’investissements prioritaires (PIPE), destiné à orienter les financements des partenaires vers les priorités du G5 », ont noté Alain Antil et Thierry Vircoulon. Dans la mise en œuvre des programmes, les pays du G5 Sahel n’ont pas été à la hauteur pour confectionner des projets sérieux. Les bailleurs ont remarqué beaucoup de lacunes dans la préparation des projets structurants. Ainsi, décision a été prise de s’appuyer sur « l’Alliance Sahel », puis sur la « Coalition pour le Sahel », pour coordonner les projets de développement au sein du G5-Sahel. La France a porté l’ensemble de ces projets d’aide au G5 Sahel. D’ailleurs, comme l’ont écrit Alain Antil et Thierry Vircoulon, du côté de la France, il a été noté « la nécessité de combiner action militaire et effort de développement, formulée officiellement avec l’approche 3D (défense, diplomatie et développement) et la création de l’Alliance pour le Sahel». Le manque de transparence dans la gestion des projets a freiné leur mise en œuvre. Les bailleurs avaient exigé des garanties de transparence dans la gestion des projets qu’ils avaient financés. D’ores et déjà, il faudra créer des mécanismes pour que les financements octroyés aux populations ne soient pas utilisés à d’autres fins. C’est valable aussi bien pour le G5 que pour l’AES.
6.7 La coopération Nord/Sud
En dépit des nombreuses initiatives lancées par les puissances étrangères dans les pays du Sahel, l’insécurité n’a pas reculé, comme on l’espérait. Même si des avancées importantes ont été notées dans certaines régions. Il a été remarqué une constellation de plans et de stratégies rare ment aboutis. Les pays du Sahel ont vu naître le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) en 2010, le Processus de Nouakchott en 2013, le G5 Sahel en 2014, Barkhane en 2014, Forces multinationales mixtes (FMM) en 2015, l’Alliance Sahel en 2017, Task Force Takuba en 2020, la Coalition pour le Sahel en 2023, l’Alliance des États du Sahel (AES) en 2023, etc. Malgré cela, en 2024, l’insécurité n’a pas faibli dans le Sahel, la bataille de Tinzaouatine les 25 et 27 juillet 2024 et l’attaque de l’école de la Gendarmerie à Bamako, le 17 septembre 2024, suffisent comme preuves, sans oublier l’attaque de Barsalogho en août 2024 au Burkina Faso. À l’exception de l’AES, tous les plans ont été accompagnés par les partenaires européens, plus particulièrement par la France. Toutefois, l’objectif d’éradiquer l’insécurité et de stabiliser le Sahel est loin d’être atteint. Les partenaires étrangers peuvent apporter leur soutien, mais il revient aux États du Sahel de prendre en charge leur propre sécurité. C’est là, l’un des mérites de l’AES qui cherche à voler de ses propres ailes, avec une volonté assumée de varier ses partenaires étrangers. Dans le passé, les Français et les Américains ont été plusieurs fois sollicités par les gouvernements successifs des pays de l’AES. Les armées de ces puissances étrangères ont été qualifiées de forces d’occupation par certains opposants, activistes et intellectuels. Or, ces partenaires étrangers disposaient de bases militaires dans ces pays, sur la base d’accords de défense. Depuis 2008, Paris semble être décidé à se retirer progressivement du front sahélien, en restant moins visible. L’armée française faisait face à deux options : répondre à la sollicitation des gouvernements africains ou suivre le discours d’une certaine élite activiste et émotionnelle, hostile aux accords de défense. La présence de l’armée française dans les pays africains suscitait beaucoup de passion volontairement exagérée. Ainsi, le Général Thierry Burkhard parlant des bases militaires françaises en Afrique déclare : « Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités (« moins posé, moins exposé ») ». Le général d’armée français Thierry Burkhard a estimé qu’en matière de lutte contre le terrorisme, la France ne peut pas tourner le dos à ces pays du Sahel, en les laissant se débrouiller, seuls, sans en subir les conséquences sur son propre territoire. Cependant, ce point de vue du général français n’encourage pas les pays du Sahel à apprendre à assumer leur souveraineté. La coopération est une nécessité stratégique pour la sécurité du Sahel. Toutefois, l’initiative doit venir des Africains qui ont intérêt à échapper à la tutelle des puissances étrangères pour grandir, marcher, puis voler de leurs propres ailes. Selon le Général Burkhard, Paris doit « conserver une approche réaliste et une vision stratégique à long terme ». Au-delà du fait que les Français veulent aider les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme, la France cherche également à anticiper sur la menace, dans la mesure où il existe des liens entre les groupes terroristes du Sahel et des cellules dormantes basées en France et en Europe en général. Depuis l’arrivée des juntes au pouvoir dans les pays de l’AES, on assiste à des dénonciations des accords militaires suivies d’un alignement systématique de ces pays derrière Moscou. Seulement, il faut reconnaître que les pays de l’AES ont la liberté d’initiative dans le choix de leur partenaire. Et la coopération relève de la volonté exclusive des États souverains. Au Niger, la rupture d’avec la France a failli produire un drame dans les locaux de l’ambassade de France à Niamey attaquée par des manifestants. Pour le Général Tiani, il fallait accélérer la prise du pouvoir, annoncer une rupture totale d’avec Paris, suspendre les programmes des médias français sur le territoire nigérien, dénoncer les accords militaires et rejoindre le Mali et le Burkina Faso. Cet enchaînement rapide des événements devrait permettre d’éviter une intervention militaire de l’armée française, pour rétablir Bazoum dans ses fonctions. Cette abstention de l’armée française dans les événements politiques à travers le Sahel laisse croire que Paris a totalement changé son approche politique africaine, tournant ainsi la page des années d’intervention militaire en Afrique. Le divorce précipité par le Niger d’avec la France obéit à une volonté d’adhérer en urgence dans le bloc malien et burkinabé adoubé par Moscou. Le Général Tiani et ses hommes qui craignaient véritablement une intervention militaire française ont placé le président Bazoum en résidence surveillée. La coopération entre Paris et Niamey était un bel exemple dans la lutte contre l’insécurité. Les services des deux pays ont participé à des opérations de sécurisation des régions exposées à la menace terroriste et à d’autres formes de criminalité. L’accent a été mis sur les trafics d’êtres humains puisque le circuit qui part de la région du Lac Tchad et passe par Agadez est l’un des principaux couloirs de trafic d’êtres humains vers la Libye et l’Italie. Seulement, une rupture de confiance entre les Occidentaux et l’AES n’a pas permis de poursuivre cette coopération. Après évaluation, les autorités de l’AES ont remis en cause les résultats enregistrés par les partenaires étrangers dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Sylvain Itté défend le contraire lorsqu’il déclare : « Depuis que nous ne sommes plus au Niger, il ne se passe pas de jour sans attaques terroristes – en quatre mois, il y a eu plus de morts au sein de la population civile et des forces de sécurité qu’au cours des trois années précédentes ». Les leaders de l’AES soutiennent le contraire. Ils estiment également que l’approche de coopération devrait être révisée, afin d’éviter de subir la dictée d’une puissance étrangère. En tout état de cause, le partenariat doit être l’expression d’une volonté partagée entre l’AES jalouse de sa souveraineté et les partenaires occidentaux. Aujourd’hui, le retrait des forces franco-américaines permettra de tester l’efficacité des stratégies de ces pays africains dans la lutte contre l’insécurité. Dans tous les cas, on remarque un certain nationalisme galvaudé chez les armées de l’AES, apparemment fortement motivées pour défendre leur territoire. On sent également dans les états de l’AES, une volonté de prouver leur savoir-faire sans aucune assistance étrangère. Seulement dans les faits, on a remarqué une présence des hommes de African Corps ex-Wagner sur le terrain, aux côtés des armées de l’AES.
6. 8 Approche de restauration de la confiance ?
Cette question est capitale, tant l’effritement de la confiance entre une partie de ces pays africains et leurs partenaires étrangers classiques s’est fortement accru ces dernières années. Dans les relations entre la France et ses anciennes colonies du Sahel est arrivé le moment de passer à l’inventaire, pour corriger les erreurs commises de part et d’autre, afin de dégager des perspectives nouvelles d’une coopération innovante. Certes, les pays africains veulent maintenir leur coopération avec Paris et les Occidentaux de manière générale, comme l’a dit Sylvain Itté, mais dans un esprit co-constructif. Tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, surtout ceux de l’AES, ont bénéficié à un moment de leur histoire, d’une belle coopération avec les puissances étrangères. La France, les États-Unis, l’Allemagne, la Russie, etc. ont beaucoup soutenu les armées africaines, et ce, depuis les indépendances. Le hic demeure cette tendance à vouloir transformer l’Afrique en une zone de guerre froide entre ces puissances étrangères. Les peuples d’Afrique ayant plus souffert de l’instabilité, il revient alors aux dirigeants africains d’impulser une nouvelle dynamique dans leurs relations avec leurs partenaires étrangers, pour une nouvelle coopération. Il ne faudrait pas se livrer, tête et mains liées ni au bloc de l’Est ni à celui de l’Ouest. Se séparer aveuglément d’un pays pour s’allier avec un autre, uniquement pour satisfaire une opinion publique peu avertie, ne saurait être la meilleure solution. En plus, remplacer Paris par Moscou ou vice versa, ne saurait être une pertinente décision mûrement réfléchie. Car, chaque partie peut apporter sa touche à cette dynamique co-constructive pour l’Afrique. Il faut juste savoir tirer son épingle du jeu, sans pour autant verser dans un séparatisme irréfléchi. L’Union européenne et les États-Unis ont formé beaucoup de cadres militaires africains, la Russie aussi. Le Général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées françaises, a trouvé la bonne formule pour renforcer la coopération avec les pays africains. Il préconise aux autorités françaises « d’agir en coordination étroite avec les pays africains partenaires et avec nos alliés, sans entrer en compétition avec eux ». Le Général insiste sur la nécessité de suivre la ligne tracée par les pays africains qui tiennent à affirmer leur souveraineté. Pour éviter des préjugés autour des questions liées à la souveraineté et à l’indépendance, il est préférable que les puissances étrangères laissent l’exclusivité de l’initiative aux Africains pour ensuite les accompagner selon leur volonté. Que les pays du Sahel, par exemple, lancent leur propre stratégie de sécurité, qui pourrait être soutenue par les puissances étrangères, ouvertes à cette offre de coopération sans aucune forme de soumission. Le Général d’armée Thierry Burkhard milite pour l’affirmation de la souveraineté des pays africains, lorsqu’il soutient que « L’exigence de souveraineté exprimée par les pays d’Afrique, qui aspirent à un nouvel ordre et à un change ment de paradigme, est aisément compréhensible ». Alors, les pays africains ont-ils tort de concevoir leur propre politique sécuritaire avec des partenaires stratégiques de leur choix ? L’intervention de l’armée française en Libye est souvent citée comme un exemple d’échec par les Africains qui ne veulent plus importer des solutions pour lutter contre l’insécurité. En tout état de cause, les cadres militaires africains sont assez préparés pour bâtir des plans sécuritaires cohérents et efficaces. Maintenant, face aux besoins de soutien logistique, financier et de renforcement de capacité des troupes, les partenaires étrangers peuvent intervenir. Les officiers africains qui maîtrisent mieux le terrain et comprennent plus les enjeux doivent désormais démontrer leur compétence opérationnelle et leur savoir faire. Alors, il restera juste à demander aux puissances étrangères de rester sincères dans leurs relations avec leurs partenaires africains. Le combat contre le terrorisme en Afrique permet de contrer une probable propagation de la menace vers l’Europe. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’approche de Paris qui voulait à tout prix, accompagner les pays africains où vivent des ressortissants français. Le Directeur général adjoint de la sécurité extérieure de la France a tenté d’apporter des éléments factuels pour prouver le succès des opérations de l’armée française dans le Sahel. Il affirme que « les opérations conduites par les forces françaises au Sahel… ont permis la réduction drastique des actions terroristes…, empêché la création d’un sanctuaire d’Al Qaïda susceptible de devenir un lieu de projection de la menace sur le territoire français et profondément affaibli Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Il en est résulté qu’aucune attaque meurtrière contre les intérêts occiden taux n’a été perpétrée en Afrique occidentale depuis 2018 ni en Europe depuis l’Afrique». Les leaders de l’AES n’ont pas la même perception de la situation que cet officier français. Voilà pourquoi, dès leur accession au pouvoir, les juntes ont toutes dénoncé l’échec de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité qui gangrène leurs pays respectifs, surtout dans les régions frontalières. Les Occidentaux devraient juste comprendre qu’au jourd’hui, la meilleure approche pour aider le Sahel dans sa lutte contre l’insécurité, c’est de laisser les gouvernements, définir leur propre stratégie et de tester son efficacité.
6.9 Une co-constructuion sécuritaire
Le 2 février 2024 à Paris, le président de la République de France, Emmanuel Macron, a nommé Jean-Marie Bockel, « envoyé personnel » dans 4 pays d’Afrique qui abritent des bases militaires françaises. Il s’agit là d’inventer une nouvelle forme de partenariat avec ces pays dans un esprit de « co-constructuion » partagée.
Dans la note détaillant la mission confiée à Jean Marie Bockel, le président français a d’abord rappelé le cap qu’il avait fixé pour « une relation refondée et tournée vers l’avenir ». C’était dans son discours qu’il avait prononcé à Ouagadougou en 2017. Il avait répété cette position lors de son discours sur la revue nationale stratégique tenue à Toulon, en novembre 2022, sans oublier son discours sur le partenariat Afrique France, à l’Élysée, en février 2023. Selon le Président Macron, « il s’agit de bâtir avec les pays africains des partenariats, renouvelés, équilibrés, mutuellement bénéfiques, assumant pleinement nos intérêts. Ces orientations ont été confirmées lors de la réunion que j’ai tenue avec mes ministres début décembre 2023 et qui a fixé un cap pour des évolutions dans les champs tant civils que militaires ». Dans la feuille de route de Jean-Marie Bockel, il a rappelé qu’il a voulu « refonder nos relations avec nos partenaires africains et, s’agissant de notre dispositif militaire, revoir ses formats et ses modalités d’action. Notre coopération civile et militaire, notre présence étatique, doivent continuer de s’adapter ». Il a soutenu « qu’il est indispensable d’aborder cette adaptation avec une attention particulière aux pays qui accueillent nos bases : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Tchad – le cas de Djibouti où la France dispose d’une base aux côtés d’autres pays, États-Unis, Chine – n’entrant pas dans le périmètre de la réflexion », lit-on sur la note. Le Président Macron a indiqué que la France doit « expliquer à nos partenaires les raisons et les modalités de ces adaptations, intégrer dans la mesure du possible leurs observations et recommandations tout en étant à l’écoute de leurs besoins en matière de formation, de coopération opérationnelle et structurelle, d’équipements et de renseignements ». Toujours dans son ordre de mission, il a signifié à M. Bockel que « dans le cadre de votre mission, vous rencontrerez les autorités de ces pays, y compris au plus haut niveau, afin de leur expliquer notre démarche, et de recueillir leurs besoins, dans un esprit de respect et de co-constructuion ». Ensuite, il a invité Monsieur Bockel à « s’appuyer sur l’expertise et l’accompagnement du ministère des Armées et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères », tout en veillant « également à associer étroitement nos ambassadrices et ambassadeurs dans le dialogue que vous mènerez avec vos interlocuteurs africains ». Le Président Macron a invité son « envoyé personnel », à « mettre en avant notre volonté d’adapter nos coopérations, pour être au plus près des besoins de nos partenaires africains. Vous pourrez surtout insister sur notre engagement à rester un partenaire fiable de ces pays, dans la durée, mais de façon moins visible s’agissant du volet militaire ». L’ordre de mission de Bockel précise que « cette approche et cette réflexion intégreront des recommandations au plan civil comme militaire. Vous pourrez faire des propositions en ce sens pour renforcer nos stratégies bilatérales de partenariat dans ces pays au service de nos intérêts ». Macron a estimé « que cette reconfiguration de notre dispositif soit comprise, co-construite, et accompagnée d’éventuelles évolutions plus larges de nos engagements vis-à-vis de ces pays. Vous veillerez à ce que ces partenariats soient équilibrés, chacune des parties devant trouver son bénéfice propre ». Par ailleurs, « la diversité des situations dans les quatre pays pourrait vous amener à des recommandations de mise en œuvre différenciées.
Vous veillerez à la bonne compréhension de cette approche « sur mesure » et à la juste tonalité de la communication pour éviter de prêter le flanc à une exploitation politique locale », a indiqué la feuille de route. Pour les besoins de cette mission, « vous disposerez d’un dispositif interministériel conjuguant adaptabilité, réactivité et capacité d’agrégation des compétences », lit-on. Enfin, le président français a demandé à son « envoyé personnel » de lui présenter en juillet 2024, des recommandations « dans un esprit d’approche globale, l’adaptation du dispositif militaire ayant vocation à être mis en œuvre dans un calendrier de 18 mois ». Le président français a parlé de « partenariat équilibré » entre son pays et l’Afrique. Les Africains ne veulent plus être assistés comme par le passé. Et Paris semble également décidé à prendre du recul au front africain, pour taire les accusations et rassurer les panafricanistes de sa volonté sincère de laisser l’Afrique aux Africains. Dans le cadre de cette mission, Jean-Marie Bockel a effectué une visite en Côte d’Ivoire où il a parlé d’un « remodelage » de la présence française en Afrique. En visite au Tchad, après son entretien avec le président Mahamat Kaka, il a affirmé que le président Emmanuel Macron lui a demandé de travailler avec N’Djamena, « à une adaptation, à une évolution de notre dispositif de manière à mieux l’adapter (…) aux enjeux militaires, sécuritaires de la région ». Au Gabon, Monsieur Bockel a déclaré, après son tête-à-tête avec le président de transition : « Je suis venu pour étudier, en concertation avec les autorités gabonaises, l’avenir de notre partenariat militaire. » Sa visite au Sénégal a été retardée par l’élection présidentielle qui est marquée par l’élection d’un nouveau président de la République. Paris n’entend pas s’éloigner de l’Afrique. Le maintien de ses bases militaires en Afrique de l’Ouest (Sénégal et Côte d’Ivoire) obéit à une volonté d’avoir une position proche des zones de tension comme le Nord Mali, le Niger et le Burkina Faso. Les bases françaises à Dakar et à Abidjan permettent à l’armée française d’avoir les moyens de se déployer à tout moment en Afrique de l’Ouest en cas de crise qui nécessiterait une intervention sollicitée. La base de Libreville permet de couvrir l’Afrique centrale et celle de Djibouti, l’est de l’Afrique. Le Général Thierry Burkhard déclare : « Nous avons la chance d’avoir une culture de l’alerte et de la projection, il ne faut surtout pas la perdre. Nos déploiements tous les quatre mois au Sénégal ou dans le cadre de l’opération Barkhane relevaient davantage de la culture expéditionnaire opérationnelle. ». Malgré cela, il faut noter que la présence de l’armée française dans ses anciennes colonies relève d’une volonté souveraine du pays d’accueil. Au Sénégal par exemple, le président Me Abdoulaye Wade avait exigé le départ des Français des bases françaises à Dakar en 2010. Les officiers sénégalais et français avaient pris toutes les dispositions pour libérer ces bases françaises. C’est le président Macky Sall qui avait annulé ce processus de fermeture de ces bases en 2012 après son élection. Aujourd’hui, Paris propose la redéfinition de nouvelles conditions d’une solidarité stratégique avec l’Afrique. Il vise aussi la poursuite de l’adaptation de son réseau africain composé de points d’appui locaux, de bases militaires, d’écoles et d’académies de formation de cadres militaires avec l’implication de l’UE, des États-Unis. Les pays du Sahel ne peuvent pas se soustraire à une ouverture au monde pour renforcer leur coopération. D’où la pertinence de l’offre française relative à la formation de cadres africains dans les pays qui en font librement la demande. Ailleurs, en matière sécuritaire, la Russie entend soutenir ses alliés de l’AES avec les éléments d’Africa Corps ex-Wagner. Dans le domaine économique aussi, Moscou travaille à ouvrir des Chambres de commerce en Afrique. Par ailleurs, dans le secteur des finances, la Russie serait intéressée par l’ouverture de bureaux de représentation de banques russes dans le continent. Et, les autorités russes n’écartent pas la possibilité de porter la candidature de certains pays de l’Afrique francophone pour adhérer aux BRICS. Les pays de l’Alliance ont besoin d’une coopération militaire franche, pour encourager des échanges de renseignements avec les partenaires étrangers parce que la plupart des groupes terroristes du Sahel ont des cellules en Europe (France, Belgique). Il existe des branches d’Al Qaïda, de l’État islamique en Europe, connectées à des cellules établies dans le Sahel. Et c’est uniquement dans les échanges de renseignements que les pays de l’AES pourraient renforcer leur plan antiterroriste avec l’aide de leurs partenaires étrangers. Donc, cette coopération dans le domaine du renseignement est nécessaire pour ces pays du Sahel, avec des États comme la France, le Maroc et la Belgique. Même si la Russie dispose de l’outil technique qu’elle peut mettre à la disposition de ses alliés sahéliens, Moscou n’est pas la destination des djihadistes africains. C’est en France ou en Europe, de manière générale, qu’il faudra trouver les traces des mouvements djihadistes entre Paris, Bamako, Bruxelles, Niamey, etc.. Beaucoup de djihadistes établis en France sont d’origine africaine. En plus, les États-Unis également, dans leur partenariat avec Paris, disposent d’une plateforme de surveillance ciblée qu’ils pourraient mettre à la disposition de l’AES. Par conséquent, la rupture des relations entre l’AES et ces partenaires occidentaux pourrait constituer un frein à la performance recherchée dans la lutte antiterroriste. Maintenant, l’AES aspire à un partenariat sincère, équilibré et respectueux de sa souveraineté.
6.10 Le défi énergétique et insécurité au sahel
Ces pays de l’AES souffrent d’un déficit énergétique de très haute intensité. Au Mali, par exemple, les coupures d’électricité rythment le quotidien de la population. Les activités économiques sont au ralenti dans certains territoires ruraux et urbains. Des groupes électrogènes alimentent le décor dans certains services administra tifs pour combler le déficit. La situation est identique au Burkina Faso, ainsi qu’au Niger, pour ne citer que ceux-là. Les dirigeants de ces pays s’investissent pour résoudre cette situation qu’ils ont héritée de leurs prédécesseurs. D’ailleurs, il a été révélé que la société russe, Novawind (une filiale de Rosatom), va commencer la construction d’une centrale solaire dans la ville malienne de Sanankoroba. Le 23 mai 2024, le Président Goïta a reçu le président de Novawind, Grigory Nazarov, au palais de Koulouba, avant le début des travaux d’installation. La centrale solaire aura une capacité de 200 mégawatts. Il a également indiqué que Novawind a de nombreux projets d’énergie renouvelable au Mali. En outre, une délégation de la Société Nationale d’Électricité du Burkina Faso (SONABEL) devrait se rendre à Moscou et au Tatarstan, pour finaliser des projets dans le domaine de l’énergie. Par ailleurs, exploitée par la société française Orano, la mine d’uranium du Niger intéresse la société russe Rosatom qui chercherait à obtenir un contrat d’exploitation, de même que les Chinois. Le projet de construction du gazoduc Nigeria-Maroc rejoint cette ambition d’aider les pays du Sahel à relever ce défi énergétique dans le cadre d’un partenariat Sud/Sud. L’énergie permet de soutenir le secteur des PME/PMI dans les pays à faibles revenus. Elle permet également aux jeunes de mener des activités productrices de revenus. La lutte contre l’insécurité ne saurait se limiter aux armées, les états doivent investir dans les domaines économiques pour aider les jeunes et les femmes. Les pays africains (AES-CEDEAO, etc.) ont plus d’intérêt à marcher ensemble pour relever les grands défis du moment. Ils doivent préserver leurs relations avec toutes les puissances étrangères qui souhaitent contribuer à cette œuvre de co-constructuion d’une Afrique stable et émergente.