Sénégal – FMI : tirer les leçons d’une étape délicate

Jules Aloïse Prospère Faye

La mission du Fonds monétaire international (FMI), tenue à Dakar du 19 au 26 août 2025, a confirmé la révision du stock de dette publique du Sénégal : de 74,4 % du PIB fin 2023, celui-ci a été réévalué à 111 %, puis à 118,8 % fin 2024. Cette progression rapide, soit +7,8 points de PIB en un an, intervient dans un contexte où la croissance hors hydrocarbures demeure limitée à 3,1 %.

Si les premiers échanges avaient évoqué des « comptes falsifiés » ou des « dettes cachées », les conclusions récentes parlent désormais de « passifs non divulgués » et de « problèmes systémiques ». Ce changement de terminologie traduit une volonté d’objectiver la situation et d’éviter une dramatisation inutile.

L’économiste Joseph Stiglitz rappelait à juste titre : « Le FMI traite souvent les pays comme s’ils avaient un problème de liquidité, alors qu’il s’agit de problèmes structurels de développement. » Cette réflexion éclaire le cas du Sénégal : la question dépasse la technique comptable et touche à la gouvernance, à la transparence et au choix des instruments de financement.

Des enseignements importants

Trois leçons principales peuvent être dégagées :
1. Réduire la dépendance aux financements extérieurs. Comme le disait Kwame Nkrumah : « Celui qui contrôle votre pain contrôle votre indépendance. » Il est crucial de diversifier les partenaires et de valoriser les ressources locales.
2. Renforcer la gouvernance institutionnelle. Ni l’IGF, ni l’IGE, ni la Cour des comptes n’ont pu identifier ces anomalies à temps. La réflexion de Max Weber reste d’actualité : « La domination bureaucratique repose sur la compétence technique, et non sur la faveur personnelle. »
3. Mieux maîtriser la communication économique. Les messages adressés aux marchés doivent rassurer et inspirer confiance.

Des pistes de réajustement

À présent, il convient de regarder vers l’avenir et de proposer des solutions constructives :
• Consolider les organes de contrôle et de supervision, en garantissant leur indépendance.
• Centraliser la gestion de la dette et renforcer la transparence des finances publiques.
• Privilégier les compétences avérées dans la conduite économique et financière.
• Diversifier les instruments de financement : marchés régionaux (UMOA-Titres, BRVM), fonds souverain alimenté par la diaspora et les revenus extractifs, partenariats public-privé productifs.
• Réinvestir les ressources des hydrocarbures dans les secteurs porteurs : agro-industrie, énergies renouvelables, infrastructures industrielles.

Comme l’exprimait Thomas Sankara : « On ne peut pas libérer un peuple sans que ce peuple ne participe à sa propre libération. » L’enjeu pour le Sénégal est désormais de transformer cette étape délicate en opportunité pour asseoir un modèle de développement plus autonome, plus transparent et plus productif.

Jules Aloïse Prospère Faye
Directeur Général, STRATEGIA AFRIQUE

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