Au Sénégal, face à un taux de chômage élevé, une part croissante de la jeunesse se tourne vers l’auto-emploi. Cette tendance, qui concerne également de nombreuses femmes, se présente davantage comme une solution de nécessité que comme un choix de carrière, dessinant un nouveau paysage économique marqué par la débrouillardise et la résilience.
Selon les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), près d’un jeune sur cinq est actuellement sans emploi. Cette situation pousse de nombreuses personnes à créer leur propre activité. « J’ai ouvert mon atelier de couture après trois ans de recherche d’emploi infructueuse. Ce n’était pas mon premier choix, mais je n’avais plus d’alternative », témoigne Marième, 28 ans, à Thiadiaye. Les initiatives se multiplient, allant des livreurs à moto aux vendeurs en ligne, en passant par les réparateurs de téléphones. Les outils numériques, notamment les réseaux sociaux et les services de paiement mobile, jouent un rôle clé dans cette dynamique, permettant à ces micro-entrepreneurs d’élargir leur clientèle.
Cet essor de l’entrepreneuriat est particulièrement marqué chez les femmes, qui investissent des secteurs variés comme l’agroalimentaire, la couture ou la cosmétique. « Je suis partie d’un simple compte Instagram pour vendre des jus naturels. Aujourd’hui, j’emploie deux jeunes filles et livre à Dakar chaque semaine », explique Awa, 26 ans, basée à Nguekokh. Des organisations locales apportent leur soutien par des formations et l’accès à des microcrédits. Toutefois, les obstacles restent nombreux. Selon nos informations, environ 60 % des projets féminins cessent leur activité dans les trois premières années, souvent en raison d’un manque de financement structurel et de garanties bancaires.
Derrière quelques réussites, la réalité quotidienne est souvent difficile. De nombreux auto-entrepreneurs luttent pour atteindre la rentabilité. « Je vends des accessoires de téléphone depuis deux ans, mais je ne me paie pas encore un salaire régulier. Il faut tenir bon, même quand on perd », confie Boubacar, 32 ans, à Mbour. Une grande partie de ces activités se déroule dans le secteur informel, privant ces travailleurs d’une protection sociale adéquate, comme une couverture santé ou une perspective de retraite. Cette précarité rend la pérennisation des entreprises particulièrement compliquée et souligne le besoin d’un cadre adapté pour le secteur informel.
Pour que cette vague entrepreneuriale se transforme en un véritable moteur de développement, plusieurs pistes sont évoquées, comme le rapporte le journal Sud Quotidien. La mise en place d’un statut pour les travailleurs indépendants, la simplification des démarches administratives et un accompagnement technique renforcé sont considérés comme des priorités. L’intégration de la culture entrepreneuriale dans les cursus scolaires et le soutien aux modèles coopératifs sont également cités comme des leviers pour consolider cette économie émergente.
