« Production arachidière 2020: La guerre des chiffres »

A quelques encablures de la fin de la campagne de commercialisation arachidière les acteurs de la filière oléagineuse, ne s’accordent guère sur le niveau de production de l’année dernière. Le chiffre de 1826000 tonnes avancé officiellement est loin de faire l’unanimité dans le milieu où on évoque des quantités en dessous du million de tonnes. Un contre argument corroboré par la hausse généralisée du prix au producteur dans les marchés à travers le pays.

Qui peut dire avec exactitude la quantité de graines d’arachides récoltée pour la campagne agricole 2019/2020 ? La question divise au sein des acteurs de la filière oléagineuse. Une controverse qui perdure et qui oppose le camp des acteurs publics tenus par le devoir de réserve et qui s’en tiennent aux chiffres officiels livrés par la Direction de l’Analyse, de la Prospective et des Statistiques Agricoles (DAPSA) et les autres qui s’arc boutent à la réalité du terrain dénonçant des données biaisées par des considérations politiques. Quand les uns avancent le record de 1,8 million de tonnes les autres battent en brèche et situent la production aux alentours de 800 000 tonnes. Trouvez l’erreur !

Au Sénégal la méthodologie du calcul de la production semble immuable depuis l’indépendance. 54 agents sur le terrain doivent visiter 63000 producteurs. Cela fait à l’arrivée un cumul de 1200 visites par agent, soit sur la période des récoltes 25 visites par jour ! Impossible tranche Saliou Ndiaye, un ancien de l’ONCAD qui est aujourd’hui à la tête d’une union de producteurs semenciers basés dans le Saloum. Pourtant cette hypothèse de travail semble avoir ses adeptes en dehors des fonctionnaires du ministère de l’agriculture.

C’est le cas du patron du Collectif des Producteurs et Exportateurs de graines d’arachides COPEGA. « Personnellement je m’en tiens aux statistiques de la DAPSA qui ont des instruments et des moyens d’évaluation que je ne maitrise pas. Aussi je me garderai de réfuter des chiffres sans donner des arguments solides prouvant le contraire » a souligné l’exportateur basé à Taïba Niassene. Il est conforté dans cette conviction par le responsable local de la direction de l’agriculture. Selon le DRDR de Kaolack, le ministère agrège les chiffres fournis par les différentes zones de productions à travers le pays et qui sont corrélés avec les semences distribuées et les rendements moyens par hectares.

Le Dr Souleymane Diop confirme le chiffre de 1,8 million annoncé par le ministre de l’agriculture. « Il faut attendre le mois de mars pour attester de la production réelle » fait observer le technicien. Un échafaudage scientifique qui tombe comme un château de cartes en à croire certains producteurs. « La DISEM n’a aucun moyen, dans certaines régions il n’y a même plus d’agent titulaire. Il n’y a aucune traçabilité des schémas multiplicateurs. Certains opérateurs ne peuvent pas vous dire à qui ils ont vendu les bases ou les R1. On a vu des opérateurs distribuer des semences qui ne sont plus dans la carte variétale.

Quand des producteurs refusent d’acquérir les semences subventionnées en vous disant qu’elles ne sont même pas bonnes à faire le mafé, ils savent de quoi ils parlent » ironise Cheikh Tidiane Cissé le secrétaire général de l’Association des Agriculteurs du Bassin Arachidier (AABA) par ailleurs grand producteur dans le sud de la région de Kaffrine. Selon ce leader paysan le tonnage réel ne devrait pas dépasser les 800000 tonnes « Les graines cultivées cette année ne sont pas de bonne qualité leur poids est faible. En outre la distribution des semences et des intrants continue de se faire par le biais d’opérateurs véreux qui sont peu regardant sur la qualité. Autant de facteurs qui limitent substantiellement les rendements qui ne dépassent guère 600 à 650 KG à l’hectare loin des 1,3 tonne pris comme base de calcul par la DAPS » renchérit le producteur de Nganda.

Dans ce face à face entre les deux camps, d’autres acteurs choisissent la neutralité. C’est le cas de Sidy Ba est porte-parole du CNCR « La position de notre organisation est de ne pas entrer dans une controverse stérile et d’en rajouter à la confusion. Toutefois la tension entourant le prix d’achat au producteur est révélateur sur la disponibilité ou non du produit ». Du coté des opérateurs privés cet arbitrage du marché est suggéré à demi-mot « S’il y avait la production annoncée la tendance serait à une baisse des prix selon le principe de de l’offre et de la demande, donc l’effet inverse renseigne à suffisance qu’on est loin du compte » souffle un responsable de l’antenne centre de la Fédération Nationale des Opérateurs Privés Stockeurs et Transporteurs (FNOPS/T) sous le couvert de l’anonymat

Avec Libération

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