Migration clandestine : Le rêve européen brisé par la réalité, pourquoi nos politiques échouent ?, Aly Tandian

La question des migrations irrégulières, également appelées migrations clandestines, est un sujet complexe qui suscite de nombreuses interrogations. Le professeur Aly Tandian, sociologue, professeur titulaire à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et président de l’Observatoire sénégalais des migrations, apporte son éclairage sur la question dans une intervention.

Selon lui, il existe un manque de compréhension commune autour de la migration au Sénégal. Pour beaucoup, partir ne signifie pas uniquement rechercher un emploi stable, mais représente avant tout un symbole de réussite sociale et d’ascension économique. Migrer est perçu comme une façon de réaliser un rêve et d’aider sa famille. C’est dans cette optique que l’Espagne est souvent idéalisée comme un eldorado, un paradis économique accessible. Cependant, le problème réside aussi dans l’impact des technologies de l’information, qui véhiculent des images faussées et nourrissent des attentes irréalistes, bien éloignées de la réalité sur le terrain.

Une sensibilisation mal orientée
Pour le professeur Aly Tandian, sur rfm, les efforts de sensibilisation existent mais restent mal ciblés. « Les campagnes se concentrent principalement sur les zones de départ, alors qu’il serait plus pertinent de les mener dans les zones de transit ». De plus, les messages diffusés ne tiennent pas toujours compte des réalités locales des jeunes migrants. Au lieu de les considérer uniquement comme des jeunes en quête d’emploi, il faudrait adopter une approche plus large et reconnaître que la migration touche également les adultes. En témoignent les marches organisées par des parents pour retrouver leurs enfants disparus en mer, notamment entre 2006 et 2008. Il est donc essentiel de repenser notre manière de communiquer sur ce sujet.

Une analyse des causes profondes
L’émigration n’est pas encore une priorité politique au Sénégal, regrette Aly Tandian. Trop souvent, l’accent est mis sur les causes matérielles, alors que le phénomène est bien plus profond. Il invite à analyser les facteurs immatériels, notamment les frustrations sociales et économiques qui poussent les jeunes à partir. Beaucoup d’entre eux sont les aînés de familles modestes, ressentant une pression familiale et un manque d’opportunités dans des secteurs comme la pêche. Pour ces jeunes, la migration devient une réponse à un mal-être profond. Il est donc impératif de sortir de la logique sécuritaire et d’adopter une approche sociale pour traiter ce problème.

Quelles solutions ?
Malheureusement, selon Aly Tandian, aucun bilan détaillé des politiques de migration circulaire n’a encore été réalisé. Il est donc difficile de faire comprendre aux jeunes Africains que l’Europe n’a pas besoin de main-d’œuvre dans les conditions qu’ils imaginent. Le déficit de communication rend encore plus complexe la lutte contre la migration irrégulière.

Ce manque d’information contribue à entretenir l’illusion et encourage la migration illégale vers l’Espagne. Aly Tandian souligne que l’urgence n’est pas d’interdire la migration, mais plutôt de mettre en place des politiques réalistes, adaptées aux besoins réels des jeunes. Il estime enfin qu’il est essentiel de mieux comprendre le phénomène afin d’élaborer des stratégies efficaces pour y répondre.