Dakar, ville née de la mer, vit aujourd’hui tournée contre elle. « Sur la presqu’île la plus maritime d’Afrique, l’horizon marin est devenu invisible, voire interdit », déplore, dans une tribune, Oumar Ba. Plages clôturées, falaises bétonnées, sentiers effacés : les Dakarois ont perdu l’accès à ce qui faisait l’âme de leur cité. L’océan est désormais capturé par hôtels, résidences privées et gated communities, tandis que la majorité de la population n’hérite que de ruelles saturées et de plages encombrées. « On vit sur une presqu’île… sans voir la mer », insiste l’urbaniste.
Pour Oumar Ba, cette situation n’est pas une fatalité. Réconcilier Dakar avec sa mer est un acte « social, écologique, culturel et profondément politique ». Le droit à la mer, explique-t-il, s’inscrit dans le droit à la ville : « La mer n’est pas un décor pour riches et initiés, c’est une infrastructure naturelle et commune de santé, de culture et de liberté. » Garantir cet accès implique des servitudes publiques, une fiscalité juste pour ceux qui privatisent le littoral, et la création de promenades et espaces ouverts à tous.
L’urbaniste souligne les bénéfices concrets : « L’accès à l’eau réduit le stress, améliore la respiration et augmente l’espérance de vie. » Là où la mer est accessible, la ville bouge : Barcelone et Cape Town l’ont montré avec des espaces sportifs et promenade ouverts. « La plage est un rare endroit où les différences sociales s’effacent », rappelle-t-il, ajoutant que la protection des dunes et mangroves est à la fois écologique et économique.
Des exemples internationaux inspirent Dakar : Barcelone a restitué 4,5 km de plages publiques, Rio interdit toute construction bloquant la vue sur Copacabana, Vancouver protège 28 km de littoral public. « Ces modèles ne sont pas des recettes toutes faites : ce sont des choix politiques », précise Oumar Ba.
Pour Dakar, il propose un plan « Dakar Ville bleue » articulé autour de leviers concrets : restaurer l’accès public au littoral, créer un Fonds national du Littoral financé par la fiscalité des biens de luxe, reconvertir les zones polluantes comme la baie de Hann, aménager les villes oubliées du littoral (Guédiawaye, Rufisque, Bargny), et promouvoir un urbanisme tactique avec de petits aménagements citoyens.
« La mer n’appartient à personne en particulier donc elle appartient à tous », affirme l’urbaniste. Restituer l’accès à la mer, c’est retisser le lien entre la ville et son identité, créer des emplois, développer le tourisme durable et renforcer la cohésion sociale. Selon Oumar Ba, « le futur de Dakar se joue dans son rapport à la mer et au monde. Pour que Dakar redevienne la Porte de l’Afrique et que chaque habitant puisse dire autant ‘j’habite Dakar’ que ‘j’habite la Mer’.
