Marché de 10 milliards de F Cfa pour la réalisation de complexes frigorifiques : Mohan Exports, le scandale

Comme le révélait Libération, le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime avait attribué pour 10 milliards de Fcfa le marché portant sur la réalisation de complexes frigorifiques à Mohan exports Pvtl. Un marché que l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) a cassé. En vérité, dans cette procédure, tout élimine Mohan, même si, trois mois après la décision de l’Armp, un dilatoire qui ne dit pas son nom est constaté alors que le marché devait être attribué depuis à Expotec international.

Libération est en mesure de révéler de fortes manœuvres visant à ne pas octroyer au groupement Expotec international Ltd/ Neer entreprise le marché portant sur la réalisation de 19 complexes frigorifiques pour la conservation, la congélation, le stockage de poissons, de fruits et légumes. Des tractations prévisibles si on sait que le marché avait été octroyé pour 10,37 milliards de F Cfa à Mohan exports Pvtl, avant que l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) ne casse tout. En effet, pour le même service, Expotec international et son partenaire avaient proposé 18,8 milliards de F Cfa, soit un écart de 1,4 milliard de F Cfa.

Il se trouve que, depuis le 10 juin dernier, date de la publication de la décision de l’Armp, le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime fait preuve d’un dilatoire qui ne dit pas son nom puisque jusqu’à hier, il n’avait pas procédé à une ré- évaluation des offres comme l’a demandé le juge des marchés publics. A la vérité dans cette procédure, tout écarte d’office Mohan Exports que le ministère de la Pêche avait pourtant choisi comme adjudicataire du marché. Une décision qui, comme nous le révélions, avait irrité le Président de la République qui avait été informé des agissements de certains «souteneurs» intéressés de Mohan.

Les vrais faux arguments du ministère de la Pêche

En effet, le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime avait exigé des soumissionnaires, au titre de l’expérience spécifique, qu’ils fournissent les références attestées d’au moins deux (02) marchés de travaux de nature et de complexité similaires réalisés en Afrique au cours des dix (10) dernières années d’une valeur minimale de 5 000 000 Usd, soit 8,3 milliards F Cfa.

Pour prouver qu’il remplit le critère précité, Mohan avait présenté dans son offre des attestations portant sur la construction des lignes de transmission de 220 Kv et des postes électriques pour le projet d’anneau Khartoum, au Soudan, pour un montant de 28 050 000 Usd (46,5 milliards F Cfa), marché attribué en 2004, la construction sous forme de projet clé en main d’une usine agricole et d’équipement pour un montant de 5 375 000 Usd (8,9 milliards F Cfa) au Soudan en 2009, la fourniture de matériels et d’équipement pour le projet d’électrification d’auto-assistance au Ghana pour un montant de 16 000 000 Usd (26,5 milliards F Cfa) en 2005 etc.

Il se trouve qu’aucun de ces marchés n’a trait à la réalisation de complexes frigorifiques. Un fait que l’Armp avait souligné avant de décréter que «la décision de la Commission des marchés de déclarer le groupement Mohan export/Neptune /Modern Prefab qualifié n’est pas fondée». De même, l’Armp avait décrié l’argumentaire sur lequel s’est basé le ministère de la Pêche pour écarter Expotec et Cie.

En effet, la Commission des marchés du ministère de la Pêche avait affirmé que Expotec a proposé que les groupes électrogènes de secours soient à la charge du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime, alors qu’il s’agit d’un projet clé en main où le soumissionnaire doit produire l’intégralité du matériel. Mais, il ressort de l’examen de l’offre d’Expotec, contrairement aux affirmations de l’autorité contractante, a bien prévu l’installation de dix (10) groupes électrogènes de secours de 400 Kva (pour les complexes frigorifiques avec tunnel de congélation) et neuf (09) groupes électrogènes de 250 Kva (pour les complexes frigorifiques sans tunnel de congélation).

Mieux, contrairement aux déclarations du ministère de la Pêche, l’Armp avait estimé que le prix et l’installation de ces équipements figurent aussi bien dans le Bordereau des Prix unitaires (Bpu), que dans le devis estimatif et quantitatif pour une valeur unitaire de 21 millions F Cfa pour les groupes de 400 Kva et 17 millions de F Cfa pour ceux de 250 Kva. Mieux, les spécifications techniques des groupes proposés figurent bien dans l’offre technique du requérant.

Par ailleurs, l’Armp a remarqué pour s’en indigner que Mohan a présenté son offre, sur ce point, dans les mêmes formes que Expotec sans en être pénalisé en mettant dans le Bpu «Installation de groupes électrogènes de secours».

Trois mois après…

Un autre argument brandi par le ministère de la Pêche pour choisir Mohan a été démoli. En effet, selon ce département, le poste 1202 «réalisation d’un système d’alimentation électrique pour les complexes frigorifiques avec un tunnel de congélation et une salle de traitement et le poste 1302 «réalisation d’un système d’alimentation électrique» pour les complexes sans tunnel de congélation et sans salle de traitement d’eau, estimés chacun à un million cinquante mille (1 050 000) F Cfa par Expotec seraient sous-évalués puisque rien que le transformateur coûte entre quatre et cinq millions (4 000 000 et 5 000 000) F Cfa.

Il ressort de l’examen du devis estimatif et quantitatif contenu dans l’offre d’Expotec, que ce dernier a effectivement estimé les prix unitaires de chacun de ces postes à un million cinquante mille (1 050 000) F Cfa comme avancé par le ministère de la Pêche. Pour l’Armp, même si ce poste paraît sous évalué, «il est constant que cela ne relève pas d’un point de non-conformité, d’autant plus qu’il s’agit d’un projet clé en mains qui impose au requérant de fournir les éléments proposés aux prix qui figurent sur le Bpu. Dès lors, la décision de la Commission des marchés n’est pas fondée, étant entendu que le requérant est tenu de «réaliser un système d’alimentation électrique» pour les deux types de système, conformément à son engagement».

Encore que, concernant l’évaluation de l’offre technique des soumissionnaires, l’Armp a estimé que «le mode d’évaluation choisi par l’autorité contractante relativement à la conformité technique, ne permet pas de garantir le principe de transparence». Avant d’ajouter : «il résulte de tout ce qui précède que la décision de la Commission des marchés d’éliminer un candidat dont la conformité de l’offre est établie (ndlr, Expotec) pour l’essentiel n’est pas fondée, d’autant plus que ce rejet ne serait pas admissible au regard du principe d’économie avec le différentiel de prix de 1 424 579 600 F Cfa. (…)

Il y a lieu d’annuler l’attribution provisoire du marché et de reprendre à titre exceptionnel, l’évaluation des offres sur la base de l’appréciation de leur conformité et ne plus tenir compte de la grille de notation qui est contraire à la réglementation pour les marchés de fournitures et de travaux». Trois mois après cette recommandation de l’Armp, rien n’a bougé…

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