L’inter coalition version 2024 peut-elle mettre en difficulté PASTEF ? (Par Assane SINE)*

L’inter coalition version 2024 peut-elle mettre en difficulté PASTEF ? (Par Assane SINE)*

En 2022, l’inter coalition Yewwi-Wallu avait réussi à se partager l’intégralité des départements y compris les 8 circonscriptions des Sénégalais établis à l’étranger lors des investitures. Dès la sortie des listes validées par la Direction Générale des Elections (DGE), les deux coalitions avaient commencé le travail de sensibilisation de leurs militants et sympathisants sur le bulletin à choisir pour chaque département. Cette nouveauté que d’aucun a baptisé PDF – entendez Plan Déthié Fall – a permis de faire siéger à l’Assemblée Nationale quasiment autant de députés de l’opposition que de la majorité présidentielle (82 contre 83). Le jeu est beaucoup moins clair pour ces élections législatives anticipées du 17 novembre 2024.

D’abord parce qu’il y a trois grandes coalitions de l’opposition que tout oppose et qui doivent se partager les sièges dans chaque circonscription pendant que la grande majorité des départements n’envoient à l’Assemblée nationale que deux voire un seul député. A cela, il faut ajouter l’anticipation de ces élections qui ne laissent pas suffisamment de temps aux forces pour se mettre d’accord et confectionner des listes communes dans les départements. Last but not least, l’adversité récente ou naissante entre les trois forces n’arrange pas les choses. C’est pourquoi la configuration de l’inter coalition 2024 ressemble à un puzzle que même les politiciens ou analystes politiques les plus avertis auraient beaucoup de mal à assembler. Elle fera certainement moins bien qu’en 2022 surtout que la liste de la mouvance présidentielle pourrait bénéficier encore de l’état grâce, sept mois après l’élection du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

Répartition des départements entre les 3 coalitions de l’opposition

Si dans les 8 circonscriptions des Sénégalais de l’extérieur, les trois coalitions ne présentent qu’une liste par circonscription (3 pour Takku Wallu, 3 pour JammakNjariñ et 2 pour Samm Sa Kaddu), sur le plan national, le scénario est tout autre. Une observation des trois listes permet de constater différentes situations aux conséquences imprévisibles.

D’abord, des départements où l’on note une absence totale d’intercoalition. C’est le cas dans les départements de Rufisque, Kaolack, Nioro, Gossas, Tambacounda, Bignona, Kolda, et Koungheul. Dans ces 8 départements, chacune des trois coalitionsprésente sa propre liste d’investis.

L’un des principaux obstacles à l’alliance générale entre les trois coalitions est à chercher dans l’importance démographique des départements et le nombre de voix à récolter pour maximiser le nombre de députés à élire sur la liste nationale. En effet, chacune de ces listes a investi des personnalités politiques de premier plan pour la liste nationale. Même dans les départements où la victoire semble peu probable, chaque voix est cruciale, notamment pour le scrutin proportionnel qui attribue 53 sièges. Pour obtenir un siège, il faut recueillir un peu moins de 2 % des suffrages exprimés, représentant le quotient électoral.

Jamm ak Njariñ présente dans 45 départements sur 46

C’est sans doute là que réside la réticence de la coalition Jamm ak Njariñ : renoncer à l’électorat des cinq départements les plus stratégiques (Dakar, Mbacké, Pikine, Thiès et Mbour) et appeler ses partisans à soutenir les listes de Samm Sa Kaddu et Takku Wallu. Ce choix comporte un risque considérable, car chaque voix devient déterminante pour atteindre le seuil nécessaire (qui pourrait se situer entre 50 000 et 60 000 voix, selon le taux de participation) et obtenir un siège.

Ensuite il y a les départements où l’inter coalition est partielle. En effet Jamm ak Njariñ qui a des listes dans 45 départements sur 46 (absent seulement à Kébémer) fait face à Samm Sa Kaddu et surtout à Takku Wallu à peu près dans tous les départements sauf à Vélingara, Bakel, Médina Yoro Foula, Saraya, Bambey, Tivaouane et Guédiawaye. Samm Sa Kaddu et Takku Wallu n’ont pas de listes dans ces 7 départements. Mais si c’est à la suite d’un accord laborieux à Tivaouane et Guédiawaye, ce n’est pas toujours de gaité de cœur dans toutes les autres contrées comme à Bakel par exemple où la liste Takku Wallu a été invalidée par la DGE.

Les ambitions très limitées de Samm Sa Kaddu qui renonce à 75 sièges

À une semaine du lancement de la campagne électorale, les coalitions hésitaient encore à appeler leurs inconditionnels à soutenir d’autres listes. Finalement, Jamm ak Njariñ a été la première à appeler à voter pour Samm Sa Kaddu à Dakar, et en contrepartie, Samm Sa Kaddu a fait de même pour elle à Nioro. De son côté, Takku Wallu a bénéficié du soutien de la liste de Barthélemy Dias pour ses candidats à Tambacounda.

Cette situation complique sérieusement les chances de Samm Sa Kaddu, qui n’a investi que dans 16 départements, soit 37 sièges potentiels sur les 112 à pourvoir dans les listes majoritaires. En déposant leur liste, les leaders de cette coalition ont donc renoncé d’emblée à 75 sièges. Même si quelques-uns de leurs candidats sont élus sur les listes de JammakNjariñ ou TakkuWallu, cela ne suffira pas pour obtenir une majorité, car ces deux coalitions comptent aussi des représentants sur les rares listes départementales de Samm Sa Kaddu.

Takku-Wallu affaiblie par des ténors locaux en dissidence

Les partis de l’inter coalition devront en sus faire face à des dissidences importantes dans des départements gagnables :Kanel, Podor, Mbour, Louga, Tambacounda…

Des maires qui semblent tenir leur base électorale ont préféré partir en solo, favorisant une dispersion des voix. Maguette Sène maire de Malicounda, Cheikh Issa Sall, maire de Mbour, Abdou Karim Sall Maire de Mbao et originaire du département de Kanel, Moustapha Diop, maire de Louga, Racine Sy, maire de Podor et Amadaou Ba, maire de Missirah dans le département de Tambacounda vont bouleverser assurément les logiques électorales établies dans ces différents départements. Issus tous de l’ancienne majorité présidentielle passée dans l’opposition, leur participation est un gros caillou dans la chaussure de l’inter coalition.

Alors que pour le parti au pouvoir, les planètes semblent s’aligner avec des soutiens de taille comme le maire de Kolda, ceux de Bakel, Mbacké, NabadjiCivol, HLM, Pire Goureye, Yeumbeul Sud…

Subtilités et imperfections d’une trouvaille

Bien que l’inter coalition soit encore difficile à comprendre et à accepter pour certains électeurs, elle a montré son efficacité lors des élections de 2022. Même si elle n’a pas parfaitement fonctionné, elle a permis à l’opposition de remporter 17 départements sur 46 et 6 circonscriptions sur 8 dans la Diaspora. Toutefois, dans les départements où le rapport de force était très serré, quelques voix manquantes ont fait perdre à Yewwi et Wallu huit députés. Cela a concerné trois départements où le total des voix des deux coalitions était supérieur à celui de Benno BokkYaakaar : les 2 députés de Louga (BBY : 42 513, Yewwi : 41 302, Wallu : 2 968), les 4 députés de Mbour (BBY : 68 413, Yewwi : 63 796, Wallu : 5 306) et les 2 députés de Bounkiling (BBY : 16 028, Yewwi : 993, Wallu : 15 274).

Toutefois, ce n’est pas dans ces départements que la consigne de vote a été le moins suivie. En réalité, c’est à Pikine que la consigne a été la moins respectée, avec un électeur de l’inter coalition sur cinq qui n’a pas voté correctement. Cela n’a cependant pas affecté le résultat des élections départementales, car le retard de Benno BokkYaakaar sur la liste de Wallu était considérable (BBY : 49 814, Yewwi : 19 339, Wallu : 84 741).

Le mécanisme de l’inter coalition

Le travail de sensibilisation des électeurs de l’inter coalition est censé donc se concentrer au niveau local, d’autant plus que la loi électorale ne reconnaît pas officiellement le principe d’inter coalition, ce qui entraîne une présentation de toutes les 41 listes dans tous les bureaux de vote. Cependant, ce n’est pas toujours simplement une question d’incompréhension. Dans certaines zones où les résultats sont sans équivoque, certains militants ou sympathisants peuvent faire fi de la consigne et choisir délibérément de voter pour les candidats de leur coalition d’origine.

Concrètement, l’inter coalition consiste à constituer des listes électorales où figurent des candidats issus de différentes coalitions, de sorte que chaque entité puisse avoir des représentants sur les listes des autres coalitions dans un département donné, et vice versa.

Ensuite, chaque coalition encourage ses militants à respecter cette organisation, dans le but d’optimiser les chances de succès pour l’ensemble des partis impliqués. Une fois élus à l’Assemblée nationale, les députés retrouvent toutefois leurs affinités politiques d’origine. Par exemple, en 2022, Cheikh Thioro Mbacké, membre de PASTEF, a été élu sur la liste de Wallu dans le département de Mbacké, mais a siégé à l’Assemblée sous la bannière de Yewwi Askan Wi, dont il était vice-président du groupe parlementaire.
De même, cette année, les militants du PUR dans le département de Tivaouane sont appelés à voter pour la liste Jamm ak Njariñ, qui a investi leur député sortant Massata Samb, bien que le PUR fasse partie de la coalition Samm Sa Kaddu.

La question de l’inter coalition pose ainsi le débat sur l’illégitimité du scrutin majoritaire à un tour. En effet l’inter coalition est une façon de combler un deuxième tour qui permettrait de rebattre les cartes dans les départements où les candidats sont en ballottage.

Assane SINE
Journaliste / Communicant

3 COMMENTAIRES
  • Raak

    Les Lobies de l’assassin à l’action

  • Alioune Toure

    POLITIQUEMENT PARLANT AUCUN PARTI POLITIQUE OU MOUVEMENT POLITIQUE NE PEUT TENIR .TÊTE AU COURANT POPULAIRE ET PARTICULIEREMENT JUVENILE DU PASTEEF:ET L,ESAYER EST PEINE PERDUE ET CELA TOUS LES ACTEURS POLITIQUES EN SONT CONSCIENTS.

  • Laye Seck

    À force de combiner on finit par tout perdre

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