« Les ICS : un condensé de risques et une catastrophe écologique en devenir » (Pathé Dieye, Expert en gestion environnement…)

« Les ICS : un condensé de risques et une catastrophe écologique en devenir » (Pathé Dieye, Expert en gestion environnement…)

Lorsque la probabilité pour que des événements redoutés dans des installations dangereuses augmente de plus en plus, il devient urgent de sensibiliser les véritables preneurs de décision et les acteurs locaux, car tout accident lié à la vétusté de certaines installations des ICS aura des conséquences extrêmement dommageables sur les travailleurs, la santé, l’environnement, les populations de Darou Khoudoss, de Khondio, de Mboro, de Tivaouane entre autres et des zones traversées par les vétustes véhicules de transport des substances chimiques. Ce texte présenté au public en tant qu’ancien des ICS alerte et propose des solutions urgentes ; nous avons gardé une grande partie des données scientifiques sur les problèmes de cette entreprise.


OFFRIR DE L’EAU A LA POPULATION : EST-CE UN PRIVILÈGE OU UNE OBLIGATION d’une société d’exploitation de phosphate qui pompe des quantités extrêmement élevées d’eau afin d’accéder au minerai pour la mise en place de ses infrastructures perturbant l’approvisionnement normal en eau des zones riveraines.
En effet, les experts hydrogéologues ayant étudié cet environnement savent que le contexte hydrogéologique local est caractérisé par la nappe des sables quaternaires et la nappe des calcaires Eocène. Ces deux dernières étant situées à des niveaux très peu profonds et sont exploitée par les populations locales pour des besoins domestiques et agricoles. La nappe de l’éocène se trouve dans le niveau minéralisé en phosphate ce qui fait que l’exploitation des phosphates nécessite un dénouement du minerai entrainant un pompage de grand volume d’eau. Ces pompages sont la conséquence d’un rabattement du niveau de la nappe qui a des conséquences très négatives sur la disponibilité de la ressource par une baisse des niveaux des puits, mais également une dégradation de la qualité de l’eau. Cette baisse des niveaux des puits est constatée à l’aide du suivi piézométrique (voir photo) et peut avoir aussi des conséquences sur la disponibilité de l’eau pour les populations, les espèces végétales et les écosystèmes dépendants de la zone des niayes (palmiers) dont leur présence est essentiellement liée au caractère affleurant de la nappe. Avec la baisse des niveaux de la nappe, il faut également noter une augmentation du coût de réalisation des ouvrages hydrauliques de l’état tels que les forages et les puits. Les travaux de recherches soutenus publiquement à l’UCAD sur le suivi piézométrique (voir photo) effectué dans cette zone révélaient que plus qu’on s’approche de la mine, plus le rabattement de la nappe est important.
La zone d’influence négative s’étendait sur 3000m au droit de la fouille (la mine). Ce rayon pouvait varier en fonction de l’intensité des pompages de la nappe. Par conséquent, une entreprise qui a un impact aussi négatif sur la disponibilité en eau dans sa zone d’intervention devrait augmenter considérablement son appui social en infrastructures hydrauliques de qualité.
Enfin, l’inclinaison générale de la nappe est Sud/Est-Nord/Ouest. Elle forme un dôme dont l’axe, grossièrement parallèle à la côte, se situe à une vingtaine de kilomètres de l’océan, soit à l’Est du site minier. L’écoulement se fait de part et d’autre de ce dôme c’est-à-dire vers l’océan et vers l’intérieur des terres ; par conséquent, les grands pompages d’eau dans une zone aussi proche des océans (cas de la zone couverte par les ICS) créera tôt ou tard si les autorités n’y veillent pas une intrusion d’eau de mer par l’avancée du biseau salé et donc une salinisation des nappes de Mboro qui par conséquent la salinisation des terres qui est un des plus grands désastres écologiques.
UNE ZONE AVEC UNE FORTE PRÉSENCE DE MALADIES BRONCHOPULMONAIRES, DERMATOLOGIQUES ET D’ORL
Les campagnes de consultation médicale organisée à Darou Khoudoss (ICS) par les médecins de l’ONG amis de la Nature/cellule UCAD et supervisée par le Docteur Abdérahmane Koné ancien chef de service médical des ICS/mine et également en collaboration avec les associations riveraines de la mine avaient permis de noter une présence inquiétante de maladies respiratoires, des ORL… L’air y est irrespirable dans cette zone ; la consultation était divisée en trois groupes : Pédiatrie, Gériatrie, Médecine générale. L’équipe médicale était constituée de 57 médecins, 2 chirurgiens-dentistes et 1 Pharmacien. Aussi bien au niveau de la pédiatrie que de la médecine générale, les maladies ORL, bronchopulmonaires, dermatologiques étaient les dominantes dans le contexte d’une zone où une usine chimique (ICS) s’est installée. Les données statistiques sur la santé communautaire font aujourd’hui peur par rapport aux maladies broncho-pulmonaires.
Au-delà de ces maladies, les travailleurs actuels ont constaté la faible longévité des anciens travailleurs qui souvent décédèrent quelques années après leurs retraites ou subissaient des traumatismes très sévères (paralysie). Durant ces consultations, les travailleurs avaient révélé que les sociétés contractuelles des ICS permettaient à l’entreprise de minimiser les cas de décès et d’accident qui devaient lui être imputés, mais ils étaient enregistrés dans le registre des sous-traitants ; par conséquent lors des contrôles de l’état, les nombres d’incidents et d’accidents répertoriés par les corps de contrôle habilités étaient très faibles pour une entreprise à fort potentiel de risques majeurs. Cette stratégie est aussi utilisée de plus en plus par les grandes sociétés extractives cotées à la bourse pour leurrer l’IFC et les états.
DES CRAINTES QUE LES BRULURES DES VÉGÉTAUX SOIENT LIÉES AUX PLUIES D’ACIDES DES ICS ET LA PRÉSENCE DU CADMIUM COMME MÉTAL LOURD DANS LES BASSINS MARAICHERS
Dans le cadre de l’étude des bonnes pratiques dans les industries extractives en Afrique de l’Ouest/Cas des ICS (UICN, coopération néerlandaise), les villageois ont présenté des feuilles d’anacardes, des hectares de terres d’arachides victimes de brulures que ces derniers ont liées à l’entreprise (voir photo ci-dessous), car selon eux, les végétaux étaient tous normaux avant l’implantation de l’entreprise.
Cette situation est en général liée aux émissions de vapeurs d’acides (gaz) par les cheminés des ICS entrainant une saturation d’acide dans l’atmosphère et leurs retombées sur les matrices biologiques (eaux, sols…). L’étude avait recommandé que des filtres soient intégrés au niveau des cheminées.

Quelques facteurs de vulnérabilité environnementale dans la zone des ICS (Pathé DIEYE)
LE CADMIUM, UN MÉTAL LOURD TRÈS DANGEREUX LIE AU PHOSPHATE

Les craintes liées à la présence du cadmium dans les résidus fins de phosphate ( schlamms) avaient motivé le centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) à y mener des études; comme pour la plupart des éléments traces métalliques ETM ou métaux lourds, le cadmium est cancérigène à certains seuils et la consommation des produits maraichers venant des ICS devient très
risquée pour la santé humaine; les rapports scientifiques du CIRAD ont été estampés confidentiel et n’ont jamais été rendu public malgré le risque très élevé de développement des cancers liés au cadmium dans les Shlamms.
LES ICS : UN CONDENSÉ DE RISQUES MAJEURS
Est qualifié de risques majeurs, quand la gravité des conséquences qu’ils sont susceptibles de causer à l’environnement extérieur est importante. La faiblesse de la probabilité d’apparition des événements redoutés entraine chez certains acteurs une préoccupation très faible de ces risques. Aujourd’hui, la vétusté de certaines composantes des ICS implantées dans des environnements très sensibles (forte population de Darou Khoudoss, de Tivaouane, de Meouane, de Mboro, proximité avec l’océan, zones maraichères… ), où travaillent un grand nombre de pères et de mères de famille, des unités de transport des substances chimiques (trains) extrêmement vétustes traversant des villes très peuplées et de grandes
terres agricoles augmentent considérablement l’exposition de ces derniers aux risques industriels. S’il y’a explosion accidentelle de l’usine ou d’une de ses composantes liées à la vétusté des installations des ICS, les conséquences en perte de vie humaine seraient inestimables. Toute la zone couverte par les ICS est aujourd’hui très dégradée soit par les rejets de soufre de ses trains et de ses camions de transports des substances chimiques soit par l’excavation sans aucune véritable initiative de réhabilitation.
Les ICS constituent la face sombre de l’exploitation des ressources minières. Ce papier n’a traité que quelques aspects de dégâts environnementaux et sociaux. Plusieurs inquiétudes liées aux non-respects des normes de travails sont également avancées par les travailleurs.
PROPOSITION DE SOLUTIONS URGENTES
Les industries chimiques constituent à travers le monde des zones où le danger est à surveiller, car le risque d’accident est majeur. La plupart des experts refusent de se prononcer sur ces types d’industrie, car elles sont souvent dirigées par de puissants lobbys capables de tout acte malveillant pour protéger leurs intérêts.
Pour rappel, les catastrophes de Bhopal en Inde, de Sonacos au Sénégal, plus récemment du port de Beyrouth au Liban et de l’explosion des cuves d’hydrocarbure en Guinée entre autres resteront des événements très sombres de l’histoire avec des centaines de morts et des dégâts incommensurables ; or, des rares gestionnaires de risques et d’impacts environnementaux avaient alerté par des rapports souvent tenus confidentiels sur ces événements.
Donc nous présentons ces quelques lignes pour proposer des mesures opérationnelles très urgentes à mettre en œuvre pour éviter ce que nous appelons dans le jargon d’expert «des événements redoutés » qui s’ils se produisent dans ce cas précis des ICS prendront la vie de milliers de personnes situés dans la zone rouge. Sans préjudice économiques et financière majeure les actions suivantes doivent être prises :
1. Procéder à un démantèlement des installations des ICS et implanter de nouvelles
unités de production aux standards sécuritaires, environnementaux et sanitaires
les plus élevés ;
2. Acquérir et mettre en service de nouvelles unités de transport terrestre et
ferroviaire du minerai et des substances chimiques et procéder à l’arrêt de
l’utilisation des vieux trains qui peuvent dérailler à tout moment et créer des
préjudices aux villes et aux terres agricoles traversées ;
3. Engager une structure indépendante pour faire le bilan éco toxicologique de la
zone et de toutes les composantes des ICS ;
4. Procéder au traitement périodique des terres et des eaux polluées par les rejets
du transport de souffre, d’acide,
5. Procéder à l’élimination dans le process des déchets afin d’arrêter leur rejet en
mer (zone Khondio) et installer un procédé industriel en circuit fermé ;
6. Remblayer les fosses dans la zone et procéder à la restauration des fonctions
écologiques de ces sites exploités et abandonnés qui à long terme deviennent
dangereux pour la sécurité des populations et de leurs biens ;
7. Augmenter considérablement les investissements hydrauliques à l’endroit des
populations et si le démantèlement et l’installation d’une nouvelle usine toute
neuve sont adoptés, favoriser le recrutement des industries locales surtout pour
la menuiserie métallique, la mécanique… qui peut permettre de recruter
énormément de jeunes de la localité extrêmement qualifiés dans ces domaines.
Le ……………………..
Pathé DIEYE
Expert en gestion environnementale, sécuritaire et sociale du secteur minier

Ancien des ICS

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