Défis du football sénégalais : Le modèle économique et le mode de gouvernance
Les clubs sénégalais souffrent de deux situations anachroniques. Le modèle économique et le mode de gouvernance. Toute la problématique du football et du sport en général se pose en ces termes.
Les clubs sénégalais ou la plupart d’entre eux sont bâtis sur des modèles de mécénat ou de parrainage politique. Les clubs naissent avec des hommes politiques et meurent avec ces mêmes hommes politiques, soit des maires soit des ministres ou des directeurs de sociétés étatiques et disposant de rentes de situation. Ces clubs entretenus artificiellement et sous perfusion grâce aux ressources publiques, sont à l’image d’une certaine presse créée par des hommes politiques et qui disparaissent avec les mêmes hommes politiques.
On voit donc qu’on s’éloigne de l’esprit de la réforme Lamine Diack en 1969 qui voulait faire du club sénégalais un club omnisports inclusif et participatif avec un collectif de leaders économiques et sociaux acceptant d’unir leurs forces autour d’un projet commun. Ce schéma organisationnel est en train de disparaître avec la politisation du sport. Les Navétanes ont ouvert la voie aux hommes politiques qui ont trouvé une opportunité pour se positionner dans la sphère politique en utilisant le levier sportif, celui qui mobilise la jeunesse.
Les équipes du championnat n’échappent pas, pour la plupart, à cet état de fait. Des clubs naissent et disparaissent avec les hommes politiques. On s’en est rendu compte avec les alternances successives. Certains clubs qui avaient pour ancrage des hommes politiques ont disparu parce que les modèles de gouvernance étaient artificiels et relevaient de l’amateurisme et de l’informel. C’est sans doute là le plus grand défi de notre football qui ne repose sur aucun fondement juridique et institutionnel.
Même si en théorie on est passé professionnel, en pratique nos clubs sont restés amateurs dans les textes, les systèmes et les pratiques. Quand le gain politique prime sur l’intérêt sportif, les clubs se retrouvent dans une instabilité chronique. C’est en cela que notre football est encore confiné dans un anachronisme que tous les sportifs déplorent. Le débat interpellé tout le monde : l’État, le mouvement sportif, les fédéraux en particulier, les présidents de clubs, les collectivités, les hommes d’affaires, etc.
Il va de soit que tant que les hommes politiques utiliseront le sport pour se positionner, on restera dans une nébuleuse qui fait le lit du clientélisme, de la corruption et de l’instabilité. L’activisme politique ne devrait pas réguler l’évolution du sport car c’est par le biais de la politique que naissent et s’amplifient toutes les passions. Les violences dans le football et dans notre championnat en particulier procèdent de cette relation de causalité.
Mamadou Kassé
Journaliste-formateur