Discours de Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye, Président de la République du Sénégal, à l’occasion de la commémoration du 81e anniversaire du massacre de Thiaroye :
Thiaroye,1er décembre 2025
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président de la République de Gambie, cher frère Adama BARROW,
Monsieur le Vice-Président de la République de Côte d’Ivoire,
Monsieur le Président de la l’Assemblée nationale de la République Togolaise,
Mesdames, Messieurs les Chefs de délégation,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres et Secrétaires d’Etat,
Mesdames, Messieurs les membres du corps diplomatique,
Honorables députés,
Autorités administratives et religieuses,
Mesdames, Messieurs les descendants des familles des tirailleurs sénégalais,
Distingués invités,
Chers Populations de Thiaroye,
Mesdames, Messieurs,
À l’entame de mon propos, je voudrais d’abord saluer et remercier le Président Adama BARROW d’avoir bien voulu se joindre à nous pour cette commémoration. Je remercie également les Chefs d’État et de Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, du Togo, du Cameroun, des Comores, de la République du Congo, de la Mauritanie et du Tchad, qui ont dépêché des délégations de haut niveau, ainsi que tous les pays amis ayant bien voulu répondre à notre invitation.
Plus qu’un geste protocolaire, votre présence à Thiaroye témoigne d’une conscience africaine qui s’affirme, à travers notre histoire partagée qui se reconstruit, et notre volonté commune de rendre à nos peuples la vérité qui leur a été longtemps confisquée.
En ce jour de recueillement pour la Nation, nous sommes réunis sur cette terre meurtrie de Thiaroye, pour rappeler que la vérité ne s’efface jamais. Elle finit toujours par réclamer justice.
C’est le sens de notre présence ici, pour honorer la mémoire des tirailleurs sénégalais, héros africains venus de divers horizons, qui ont versé leur sang pour la libération de la France.
Leur sort fut tragique une fois la mission terminée, puisqu’ils furent brutalement assassinés par l’armée coloniale ; leur seul tort étant d’avoir réclamé le paiement de leur dû, la reconnaissance de leur dignité et le respect de la parole donnée.
Aujourd’hui encore, nous honorons leur sacrifice et affirmons que leur combat pour la justice et la dignité ne s’effacera jamais de notre mémoire collective.
Si le massacre a eu lieu ici, sur le sol sénégalais, le sang versé fut celui de l’Afrique. Dès lors, commémorer Thiaroye, c’est reconnaître que nos destins sont liés. C’est faire de cette tragédie un socle de solidarité panafricaine et un pilier de l’avenir que nous construisons. C’est renouveler notre engagement solennel de bâtir une Afrique qui se souvient de son passé pour vivre pleinement son présent et regarder avec confiance son avenir.
Je rends un hommage appuyé au Comité de Commémoration, aux historiens, chercheurs et artistes ; aux associations et à toutes celles et ceux qui ont œuvré — souvent dans l’ombre, parfois contre des résistances — pour rouvrir ce dossier longtemps verrouillé.
Grâce à eux, de nouvelles pistes d’investigation ont été explorées, et la mémoire refoulée de cette tragédie peut enfin être illuminée sous l’éclat de la lumière de l’histoire, dans toute sa vérité.
Je remercie du fond du cœur les populations de Thiaroye, les familles des victimes et les autorités locales, toutes gardiennes infatigables de cette mémoire. Depuis des décennies, vous portez la flamme et veillez à ce qu’elle ne s’éteigne pas pour que le monde n’oublie jamais.
Je salue également notre vaillante armée héritière de l’histoire de tous ces soldats qui ont servi avec honneur. Merci pour votre engagement dans la préservation de cette mémoire commune.
Mesdames, Messieurs, chers invités,
L’année dernière, à l’occasion du 80e anniversaire, nous avons franchi une étape historique. Pour la première fois, la France, par la voix de son Président, a employé le mot juste : massacre. Ce mot juste, cette reconnaissance, restitue à l’histoire la part de vérité qui lui avait été amputée.
Aujourd’hui, nous nous engageons, avec nos frères et sœurs africains, à poursuivre ce travail de vérité et de mémoire. Je me réjouis de la publication officielle du Livre blanc sur le massacre de Thiaroye.
Ce document fondamental, fruit d’un travail scientifique et d’une enquête minutieuse, s’appuie sur des archives, sur la parole des témoins et sur des preuves matérielles pour reconstituer les faits et restituer leur dignité aux martyrs.
Le Livre blanc devient désormais une référence incontournable pour comprendre Thiaroye. Il confirme que la mémoire ne peut plus être un territoire de dissimulation, mais doit devenir un espace de justice, de réparation morale et de reconstruction collective.
Pour que cette vérité soit visible, pour qu’elle habite notre espace autant que nos consciences, j’ai eu l’honneur de poser la première pierre de la Stèle commémorative du massacre de Thiaroye, située entre le camp et le cimetière, afin de réunir les deux lieux de vérité.
Cette Stèle ne sera pas un simple monument de pierre. Elle constituera le cœur d’un vaste ensemble mémoriel comprenant une esplanade pour les commémorations, des espaces éducatifs et culturels dédiés à la jeunesse, et des résidences pour accueillir des chercheurs du monde entier venus travailler sur les histoires et les mémoires coloniales.
La Stèle fera de Thiaroye un lieu de mémoire vivant, un phare de vérité historique et une citadelle de savoir pour les générations futures. Elle traduit notre volonté de transformer la douleur en force, le souvenir en apprentissage, et le passé en levier pour un avenir de souveraineté et de dignité retrouvées.
Ce travail de mémoire dépasse la simple commémoration. Il est aussi tourné vers l’avenir. C’est pourquoi le gouvernement s’engage à renforcer la place de l’histoire du massacre de Thiaroye dans nos programmes scolaires. Nos enfants doivent en connaître les séquences, les acteurs et les récits. Ils doivent comprendre les mécanismes de la domination coloniale et la valeur de la résistance. Cette transmission est le fondement même de notre conscience nationale, de notre citoyenneté et de notre engagement panafricain.
Thiaroye n’est pas qu’un fait historique. C’est tout un symbole : symbole de la violence du système colonial, mais aussi de la résistance africaine et de notre soif irrépressible de liberté et de souveraineté.
La dignité n’a pas de prix. La question des réparations et de la justice doit désormais être posée sereinement mais résolument, dans un dialogue fondé sur la vérité historique et le devoir de justice envers les familles des victimes.
En conclusion, le combat pour la mémoire de Thiaroye est un combat pour l’âme du Sénégal et de l’Afrique. Un combat pour que plus jamais un peuple ne soit nié dans son histoire, dans sa dignité et dans son droit à exister librement.
Pour ma part, je ne ménagerai aucun effort dans ce sens afin que la mémoire de nos martyrs continue de vivre dans notre mémoire collective et dans celle des générations futures.
Vive le Sénégal !
Vive l’Afrique unie, libre et prospère.
