Tabaski 2025 : Pour la première fois de son histoire, le Sénégal mise sur un nouveau moyen pour absorber le flux de voyageurs

Le 7 juin 2025, plus de 17 millions de musulmans sénégalais célébreront la Tabaski, mais pour des centaines de milliers de familles, rejoindre leurs proches s’annonce comme un parcours du combattant. Seuls 30 à 40% des Sénégalais peuvent désormais se permettre de voyager sans contrainte financière majeure, révèle une analyse des données économiques récentes. Cette réalité marque un tournant dans une tradition séculaire qui voit chaque année des milliers de citadins prendre la route vers leur région d’origine.
La situation illustre parfaitement le paradoxe économique sénégalais de 2025 : malgré une inflation maîtrisée à 0,8% et des perspectives de croissance prometteuses (+8,8% prévus), les salaires ont chuté de 9,5% entre les deuxième et troisième trimestres 2024, passant en moyenne de 124 663 à 112 758 FCFA par mois. Dans le même temps, les prix des transports doublent systématiquement pendant la période de Tabaski, transformant ce qui était autrefois un pèlerinage familial naturel en un luxe de plus en plus inaccessible.
Une révolution ferroviaire face à l’urgence
Pour la première fois de son histoire, le Sénégal mise massivement sur le rail pour absorber les flux de la Tabaski. Trois rames réversibles des Grands Trains du Sénégal effectueront 10 rotations spéciales entre le 5 et le 7 juin, transportant plus de 3 000 passagers sur les axes Dakar-Tivaouane et Dakar-Mbacké. Cette innovation marque une rupture avec le modèle mixte bus-train des années précédentes, selon les décisions du gouvernement de Bassirou Diomaye Faye.
« Le président a donné instruction au Gouvernement de prendre les dispositions appropriées pour la bonne organisation de la fête de la Tabaski 2025 », précise la note circulaire du Premier ministre Ousmane Sonko. Concrètement, cela se traduit par un dispositif sans précédent : 160 bus Dakar Dem Dikk mobilisés quotidiennement les 5 et 6 juin, soit 50 unités supplémentaires par rapport à 2024, et l’ouverture de huit points de départ officiels contre trois habituellement.
Pourtant, ces mesures gouvernementales, bien qu’innovantes, ne couvrent qu’une fraction de la demande. Le Train Express Régional (TER), fierté nationale avec sa capacité théorique de 115 000 passagers par jour, reste sous-utilisé avec seulement 60 000 voyageurs quotidiens. Cette situation révèle un décalage persistant entre les infrastructures disponibles et leur appropriation par les populations.
L’équation impossible des familles sénégalaises
Pour Fatou Diallo, mère de famille de Pikine, le calcul est impitoyable. Avec son salaire de 85 000 FCFA par mois, elle doit débourser 18 000 FCFA aller-retour pour emmener ses trois enfants à Kaolack, soit plus de 20% de ses revenus mensuels uniquement pour le transport. « Cette année, nous resterons à Dakar. C’est trop cher », confie-t-elle, résignée.
Les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux sénégalais. Un internaute de Ziguinchor dénonce : « Les billets ont tout simplement doublé cette année. » Vers cette destination de Casamance, les tarifs atteignent désormais 18 000 FCFA aller-retour contre 8 000 à 9 000 FCFA en temps normal, selon plusieurs transporteurs interrogés.
Face à cette flambée, les familles développent des stratégies d’adaptation remarquables. Rokhaya Ndiaye, fonctionnaire à Dakar, a acheté son mouton il y a six mois et l’élève sur sa terrasse. « C’est devenu notre assurance Tabaski », explique-t-elle. D’autres familles négocient des avances sur salaire – jusqu’à 50 000 FCFA autorisés par certaines entreprises – ou comptent sur les transferts de la diaspora.
Innovation technologique et solidarité communautaire
L’application sénégalaise Yobbalema, développée en 2020 par Djibril Sarr, connaît un succès croissant avec plus de 500 demandes quotidiennes pendant les périodes de tension transport. Cette plateforme de covoiturage « permet une limitation rationnelle de la saturation des routes » selon ses créateurs, qui estiment pouvoir retirer « 150 voitures par jour » de la circulation dakaroise.
Le Collectif des usagers pour l’encadrement et la légalisation du covoiturage au Sénégal (CUELEC), qui regroupe 1 200 chauffeurs « Allô Dakar », milite pour une reconnaissance officielle de ces nouveaux modes de transport solidaire. Leur président Abdoulaye Ndiaye souligne : « Ce secteur emploie des milliers de Sénégalais et répond à un besoin réel. »
Parallèlement, les initiatives caritatives se multiplient. L’ambassadeur d’Israël à Dakar a distribué 77 moutons aux familles démunies, tandis que le maire de Kaolack, Serigne Mboup, a offert 4 000 kits alimentaires pour 30 millions FCFA. L’influenceur Pape Sidy Fall a marqué les esprits en vendant des moutons à 3 500 FCFA, provoquant l’émotion d’une mère « aux larmes » selon les témoins.
Un défi infrastructurel persistant
Malgré les 283 milliards FCFA investis dans les infrastructures et transports en 2024 (+5 milliards par rapport à 2023), le Sénégal peine à résorber ses déficits structurels. Le pays ne dispose toujours pas de schéma routier directeur, tandis que ses 14 959 km de routes classées souffrent d’un déficit chronique de maintenance.
La situation est d’autant plus critique que 2025 présente une particularité exceptionnelle : la coïncidence entre la Tabaski (7 juin) et le pèlerinage marial de Popenguine (7-9 juin). Cette convergence inédite crée « une pression considérable sur les infrastructures », selon le ministère des Transports.
L’analyse des prix révèle l’ampleur du défi. Avec des carburants à 990 FCFA le litre – le tarif le plus élevé d’Afrique de l’Ouest – et une hausse de 100 FCFA appliquée en janvier 2024, les coûts opérationnels des transporteurs s’envolent. Cette inflation se répercute mécaniquement sur les usagers, créant un cercle vicieux d’exclusion.
Évolution démographique et mutations sociales
Les données du cinquième Recensement général de la population (RGPH-5) de 2023 éclairent l’ampleur des défis futurs. La population sénégalaise a bondi de 34% en dix ans, passant de 13,5 millions à 18,1 millions d’habitants, avec une concentration croissante sur Dakar qui abrite désormais 25% de la population nationale.
Cette urbanisation accélérée transforme la nature même des flux de Tabaski. Alors qu’autrefois, les déplacements concernaient essentiellement des visites de proximité, ils impliquent désormais des migrations internes massives depuis la capitale vers l’ensemble du territoire. Plus de 95% de la population étant musulmane, ce sont potentiellement plusieurs millions de personnes qui souhaitent se déplacer sur une période concentrée de 48 heures.
Dr. Aminata Touré, sociologue à l’Université Cheikh Anta Diop, observe : « La Tabaski révèle les tensions d’un Sénégal en mutation. Elle reste un impératif spirituel et familial incontournable, mais devient un marqueur d’inégalités sociales croissantes. »
Perspectives régionales et comparaisons
Dans le contexte ouest-africain, le Sénégal fait figure d’exception par sa stabilité institutionnelle. Alors que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont quitté la CEDEAO en janvier 2025, formant l’Alliance des États du Sahel (AES), le Sénégal maintient sa position de hub régional avec des infrastructures de transport relativement développées.
Cette stabilité contraste avec les défis rencontrés par les pays voisins. La Mauritanie, sortie de la CEDEAO en 2000, maintient des accords bilatéraux spéciaux avec Dakar. Le corridor historique Dakar-Bamako, ligne ferroviaire centenaire, subit les contrecoups des tensions géopolitiques régionales.
Comparativement aux Tabaski précédentes, 2025 marque une professionnalisation des dispositifs. En 2024, le ministre El Malick Ndiaye avait mobilisé 100 bus supplémentaires dans un modèle mixte. L’innovation 2025 réside dans l’adoption d’une stratégie ferroviaire pure, abandonnant les solutions hybrides pour se concentrer sur les modes de transport de masse.
Conclusion : entre tradition et modernité
La Tabaski 2025 cristallise toutes les contradictions du Sénégal contemporain. D’un côté, des traditions religieuses et familiales inébranlables qui poussent des millions de fidèles à rejoindre leurs proches. De l’autre, une réalité économique qui exclut progressivement les classes populaires de cette célébration mobile.
Les chiffres sont éloquents : avec un salaire moyen de 112 758 FCFA par mois et des coûts de transport doublés, un voyage familial représente désormais jusqu’à 20% du budget mensuel. Pour les travailleurs au SMIG (36 376 FCFA mensuels), certains trajets équivalent à la moitié de leurs revenus.
Les innovations gouvernementales – train spécial, doublement de la flotte publique, huit points de départ – témoignent d’une prise de conscience politique. Mais elles ne résolvent qu’en partie un problème structurel qui dépasse la seule question du transport : celui d’un développement économique qui n’irrigue pas uniformément la société sénégalaise.
L’émergence de solutions technologiques (Yobbalema) et solidaires (covoiturage, élevage urbain, achats anticipés) révèle la capacité d’adaptation remarquable des populations. Reste à savoir si ces innovations pourront compenser durablement l’érosion progressive de l’accessibilité économique d’une fête qui reste, pour 95% des Sénégalais, bien plus qu’une tradition : un impératif spirituel et social fondamental.
La Tabaski 2025 pourrait bien marquer un tournant historique, celui où une célébration millénaire bascule définitivement du registre de l’évidence culturelle à celui du privilège économique.
La honte .Allez vous informer et un conseil descendez bien avant 2022 car pour vous certainement les sources de l info commencent en 2022 2023 . .DDD SDD les chemins de fer…
J’ai l’impression que y a que le nord du Sénégal qui compte. Les infrastructures en casamance sedhiou c’est en OPTION ??????? QUELLE HONTE !! TOUJOURS LES MEMES VILLES QUI RECOIVEBT DES AIDES ET NOUS EN CASAMANCE RIEN. J’ai cru en ce gouvernement mais j’ai eu tort.
« Cette situation révèle un décalage persistant entre les infrastructures disponibles et leur appropriation par les populations »
Chaque jour dou Tabaski aussi
Quelle honte le régime actuel a trouvé sur place des bus des trains des routes tout est lui pour mettre en place ces bus la c est du premier dans l histoire du Sénégal on est foutue
Bilay .Oubien cet auteur ne s informe point .Je me rappelle que les transporteurs étaient même contre les SDD surtout pendant ces événements ou leurs périodes de grève