L’abaissement, le 14 novembre, de la note souveraine du Sénégal de B- à CCC+ par Standard & Poor’s confirme la détérioration progressive du profil de crédit du pays. Il s’agit de la deuxième dégradation depuis le début de l’année 2025, signalant selon l’agence « une vulnérabilité substantielle vis-à-vis des exigences financières à court terme et une capacité réduite à absorber de nouveaux chocs budgétaires ».
Un profil de liquidité sous pression
S&P met en avant une contraction de la marge de manœuvre budgétaire de l’État, liée à :
une augmentation significative des besoins de financement brut,
un recours intensif au marché régional à des maturités de plus en plus courtes,
la montée des charges d’intérêts dans un environnement de taux durablement élevés.
Les analystes soulignent que le Sénégal fait désormais face à un risque de refinancement accru, la structure de sa dette s’étant progressivement « raccourcie » au cours des trois dernières années, rendant l’État plus sensible à la volatilité des marchés de l’UEMOA.
Taux en hausse et prime de risque élargie
Dans les semaines précédant la dégradation, les émissions sénégalaises sur le marché régional ont vu leurs rendements progresser entre 45 et 85 points de base. Plusieurs investisseurs institutionnels, notamment des SICAV régionales et des fonds obligataires panafricains, ont déjà ajusté leurs modèles internes de risque, intégrant un coût du capital plus élevé pour tout actif souverain sénégalais.
À l’international, la dégradation en catégorie « hautement spéculative » limite la capacité du Sénégal à émettre en devises, notamment sur le marché des eurobonds, où la demande est particulièrement contrainte pour les signatures notées CCC.
Exposition accrue du secteur privé
La détérioration de la notation souveraine peut également entraîner un effet de contagion sur les entreprises publiques et privées, dont le coût d’emprunt dépend largement du risque-pays. Les banques commerciales pourraient devoir renforcer leurs ratios prudentiels sur les engagements en faveur de l’État et des entités parapubliques, entraînant un resserrement supplémentaire du crédit.
Défis macroéconomiques immédiats
Le Sénégal fait face à une combinaison complexe de facteurs :
une consolidation budgétaire encore insuffisante,
un déficit courant alimenté par la hausse des importations et la pression sur les devises,
un niveau de dette publique proche de 130 % du PIB,
la nécessité de financer simultanément investissements publics, subventions et charges de fonctionnement.
Ces éléments créent un environnement où tout choc externe — retard d’un projet énergétique, hausse des prix des matières premières, recul des IDE — pourrait amplifier les tensions.
Rétablir la crédibilité financière
Pour de nombreux économistes, la priorité est double :
restaurer une trajectoire de dette soutenable et renforcer la transparence budgétaire, notamment sur les entreprises publiques et les engagements hors-bilan.
Les partenaires techniques et financiers, dont le FMI, devraient jouer un rôle clé dans la restructuration du cadre budgétaire.
Selon Ahmadou Bella Diallo, membre de l’Alliance Pour la République (APR), « cette dégradation constitue un signal sévère sur la perception extérieure de la discipline financière du pays. Le retour à une notation plus favorable dépendra d’un rééquilibrage budgétaire crédible et d’une meilleure gestion des risques liés à la dette ».
Perspectives
S&P signale que la perspective reste « négative », ce qui laisse ouverte la possibilité d’une nouvelle dégradation si la situation de liquidité se détériore davantage ou si les besoins de financement excèdent les capacités de mobilisation de ressources régionales.
Les prochains trimestres seront déterminants. La capacité du gouvernement à maîtriser le déficit, stabiliser la dette et restaurer la confiance des marchés conditionnera directement l’évolution de la notation et la viabilité financière du pays.
Ahmadou Bella Diallo*, Responsable politique APR Saly et Diaspora
