Au début de l’année 1961 dans la région de Thiès se passa un fait sanglant qui rappelle ce qui vient de se passer dans cette même région il y a quelques jours, même si le bilan à l’époque fut nettement plus tragique.
Des griots voulant enterrer un mort dans le cimetière du village, trouvèrent la catégorique opposition des « geer », (nobles) qui intimidèrent le groupe de griots de sortir du village avec le cadavre et de l’accompagner à plusieurs kilomètres du village, leur interdisant de le poser par terre lors de la marche.
Les griots, fatigués de cette situation qui était courante, demandèrent audition au commandant de Cercle, qui organisa une réunion le 18 février avec les chefs de famille géer, le Gouverneur-adjoint de Thiès, le marabout de Thienaba et le représentant du khalife des Mourides.
Aucun geer du village ne se présenta à la réunion. Une nouvelle réunion fut remise au jour suivant, mais les géer attaquèrent la délégation de griots pour leur empêcher d’y participer. De graves accidents eurent lieu causant quatre blessés graves et la mort d’un griot, rappelle le quotidien « Paris-Dakar », du 22 février 1961.
La gravité de la situation obligea l’intervention du ministre de l’Intérieur, à l’époque Valdiodio Ndiaye, qui se rendit au village avec un grand contingent de forces de polices, qui obligèrent tout citoyen à sortir de son habitation.
Le Ministre a pris la parole face à toute la population du village, ordonnant que les griots soient enterrés comme les autres habitants, et annonçant que le gouvernement n’aurait dorénavant en aucun cas toléré la discrimination d’un seul citoyen sénégalais.
Plusieurs chroniqueurs du XIXeme siècle notaient l’habitude de ne pas enterrer les griots, mais de déposer les cadavres dans les creux des arbres, pour ne pas compromettre la fertilité des champs cultivables.
Ce fait est interprété à l’unanimité comme mépris à l’égard des griots. Le père Henry Gravand donne une interprétation originale à cela : « Si le porteur du Verbe est mis à l’écart, dans un baobab ou dans une vallée sacrée, ce n’est pas seulement par crainte ou mépris, c’est aussi par respect pour le Logos; car, même mort, sa parole peut s’échapper et devenir un fait en vertu de son dynamisme, et abîmer un champ cultivable par une puissance trop grande : le baobab des Griots est à la fois une fosse commune et le tabernacle du Logos. »