Pour un plan de redressement à la keynésienne (Par Cheikh Ahmed Tidiane Sy)

Les sénégalais attendent avec impatience la déclaration du Premier Ministre sur le Plan de redressement de l’économie suite à l’affaire de « Dette cachée » qui nous a valu la suspension de notre partenariat avec le FMI.
Deux grandes philosophies économiques se profilent, chacune avec ses promesses et ses potentiels écueils, et dont le choix déterminera l’avenir immédiat du pays.
D’un côté, L’OPTION TUUTI BËT, une approche de rigueur budgétaire, inspirée par les principes de prudence fiscale, et de l’autre, L’OPTION RËY BËT, une stratégie de relance par l’investissement et la demande, empruntant aux théories keynésiennes.
Option 1 : La voie du TUUTI BËT entre coupes budgétaires et ajustements structurels:
Cette première approche, que l’on pourrait caricaturer comme une « stratégie à la Sakho-Loum », privilégie une gestion orthodoxe des finances publiques. Elle se caractérise par une réduction significative des dépenses de fonctionnement de l’État et une réévaluation, voire une diminution, des investissements publics jugés non prioritaires à court terme. L’objectif principal est de maîtriser le déficit budgétaire, de réduire l’endettement public et de rassurer les partenaires financiers internationaux.
Les partisans de cette voie arguent qu’elle est indispensable pour assainir durablement l’économie, créer un environnement propice à l’investissement privé et éviter le surendettement. L’idée est que l’État doit d’abord se serrer la ceinture pour retrouver des marges de manœuvre.
Cependant, une telle stratégie s’accompagne souvent de mesures impopulaires. L’arrêt ou la réduction des subventions sur les produits de première nécessité (carburant, denrées alimentaires, électricité) est une conséquence quasi inévitable, entraînant une augmentation directe du coût de la vie pour les ménages.
Les services publics pourraient également être affectés par les coupes budgétaires, et le ralentissement des investissements publics risque de freiner la création d’emplois et de pénaliser la croissance économique à court terme.
La population, déjà sous pression, pourrait ressentir le poids de ces ajustements, menaçant la paix sociale.
Option 2 : la voie du RËY BËT ou La relance keynésienne, l’État comme moteur de la croissance
À l’opposé, une approche inspirée par les principes de John Maynard Keynes propose une voie radicalement différente. Plutôt que de freiner les dépenses, cette stratégie vise à doper l’investissement public et à stimuler la consommation pour relancer l’économie.
L’État y joue un rôle central, non pas en spectateur, mais en acteur principal, injectant des capitaux dans des projets d’infrastructure, des programmes sociaux et en soutenant activement la demande.
L’idée fondamentale est que, en période de sous-emploi des ressources (chômage, capacités de production inutilisées), une insuffisance de la demande globale est la cause principale de la stagnation. Pour briser ce cercle vicieux, l’État doit intervenir en augmentant ses propres dépenses. Ces dépenses créent des emplois directs et indirects, augmentent les revenus des ménages et des entreprises, ce qui, à son tour, stimule la consommation et l’investissement privé. C’est le fameux « effet multiplicateur » : chaque franc dépensé par l’État génère une activité économique bien supérieure.
Un plan de redressement « à la Keynes » pour le Sénégal impliquerait des investissements massifs dans des secteurs clés (énergie, agriculture, éducation, santé, infrastructures numériques), des politiques de soutien aux entreprises nationales, et potentiellement des mesures pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages (maintien des subventions ciblées, allocations).
Bien sûr, cette approche risque de creuser encore plus le déficit budgétaire à court terme. Cependant, ce déficit est un investissement nécessaire, car il est censé générer une croissance économique future et, par conséquent, des recettes fiscales additionnelles qui permettront de résorber la dette à moyen terme.
Pourquoi la stratégie keynésienne pourrait être la clé?
Les bienfaits d’une stratégie keynésienne sont multiples et pertinents pour le Sénégal :
* Stimulation rapide de l’emploi : L’investissement public dans les grands projets génère directement des milliers d’emplois, répondant à une urgence sociale.
* Dynamisation de l’économie locale : La relance de la consommation et les commandes publiques profitent aux entreprises locales, renforçant le tissu économique national.
* Amélioration des infrastructures : Les investissements publics ciblés contribuent au développement à long terme du pays en améliorant les infrastructures essentielles, ce qui attire également l’investissement privé à terme.
* Cohésion sociale : En protégeant le pouvoir d’achat et en garantissant l’accès aux services, cette approche réduit les inégalités et contribue à la stabilité sociale.
* Confiance et optimisme : Un État proactif qui investit et montre une vision pour l’avenir peut restaurer la confiance des ménages et des entreprises, éléments cruciaux pour la reprise économique.
Certes, la prudence budgétaire reste un objectif louable. Cependant, l’histoire a montré que les politiques d’austérité en période de crise peuvent étouffer la croissance et aggraver les difficultés sociales. En dopant l’investissement public et en stimulant la demande, le Sénégal pourrait non seulement sortir de l’impasse économique, mais aussi jeter les bases d’un développement plus inclusif et durable, en donnant la priorité aux besoins réels de sa population.
Quitte à savoir comment financer ce plan de redressement? Quoi qu’il en soit, au moment où le Sénégal prépare un Forum Investir au Sénégal pour attirer les investisseurs en octobre 2025, il serait contradictoire de prôner l’austérité.
Alors haro sur le RËY BËT!
#guessthinktank #jubjubaljubbanti #FMI #ousmanesonkolofficiel #BassirouDiomayeFaye

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4 commentaires

  1. Anonyme

    J’attends une réponse pour ta question sur le rey beut. Ou est qu’on va trouver le financement ?


  2. Ddb

    Tout a fait notre développement se basera sur nos modèles nos valeurs et nos réalités locales.Pour faire simple regardons ce qui est plus bénéfique pour notre pays entre importer des meubles fabriqués de l’étranger ou apprendre a nos concitoyens a le faire sur place et a le vendre sur place.Le savoir faire est la .Il nous manque le bon manque de l’éthique le sens de la rigueur , une bonne organisation et enfin des productions de qualité


  3. citoyen

    Intéressant, mais tout cela est de la théorie malheureusement.

    Il faut les bonnes personnes à la bonne place.

    Se succèdent au pouvoir depuis des décennies des hommes et des femmes avides de pouvoir, et d’argent incapables de créer de la valeur. Ils savent vendre nos ressources non transformées et lever l’impôt. Je ne les juge même pas.

    Cependant quid de leur corpus intellectuel, quid de leurs compétences qui auraient dû faire décoller le pays ?

    La corruption et les détournements de fonds existent dans tous les pays du monde, sauf que certains arrivent à faire prospérer ou émerger leur pays.

    Comment voulez-vous relever un pays où les notions de rentabilité et de productivité ne font pas sens pour ceux qui gèrent nos deniers ?

    Une bonne éducation et une bonne formation sont les seules clés du redressement.

    Tous les concepts importés n’impactent que les indicateurs macro-économiques des privilégiés de notre société.

    Faire société, ce n’est pas la concentration entre quelques mains qui ne savent pas créer de la valeur.

    Je crois plus aux entrepreneurs du quotidien et à nos diasporas pour le développement de notre pays et de l’Afrique.


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