Plaidoyer pour la liberté académique : abroger la réforme Abdourahmane Diouf sur les Masters 2

Depuis l’adoption du système Licence–Master–Doctorat (LMD) au Sénégal, notre enseignement supérieur a connu de nombreuses évolutions destinées à harmoniser les parcours universitaires avec les standards internationaux.


Cependant, la réforme introduite sous le mandat de l’ancien ministre Dr Abdourahmane Diouf, visant à restreindre les conditions d’accès aux Masters 2, a créé une situation problématique et profondément injuste pour de nombreux étudiants et professionnels.

Cette mesure interdit désormais à un étudiant titulaire d’un Master 1 dans une discipline donnée de s’inscrire directement à un Master 2 dans une autre spécialité, sauf s’il obtient au préalable un Master 2 dans son domaine d’origine.
En pratique, cela bloque la mobilité académique, retarde les carrières, et freine la formation continue des citoyens désireux d’adapter leurs compétences à l’évolution du marché du travail.

Conséquences observées sur le terrain

  1. Allongement des parcours universitaires

Les cycles de Master 2, censés durer une année académique, s’étendent souvent sur deux à trois ans, notamment en raison du manque d’encadreurs, de soutenances tardives et de difficultés organisationnelles.

Les étudiants perdent de précieuses années, sans possibilité de reconversion ni d’adaptation rapide à leurs réalités professionnelles.

  1. Blocage des reconversions professionnelles

De nombreux diplômés, déjà insérés dans la vie active, souhaitent suivre un Master 2 dans un domaine connexe à leur activité (gestion, gouvernance, finances publiques, passation des marchés, etc.).

La réforme les en empêche, les forçant à revenir vers un Master 2 dans leur ancien domaine, souvent sans lien avec leur trajectoire professionnelle actuelle.

Exemple : un juriste devenu gestionnaire public ne peut plus suivre un Master 2 en gouvernance économique sans repasser d’abord par un Master 2 en droit.

  1. Rupture avec les principes du système LMD

Le LMD repose sur la souplesse, la modularité et la pluridisciplinarité.

La réforme actuelle va à l’encontre de ces principes, instaurant un cloisonnement artificiel entre les disciplines et empêchant l’évolution naturelle des parcours.

  1. Conséquences sociales et économiques

Des milliers d’étudiants se retrouvent dans une impasse administrative et financière.

Certains abandonnent définitivement leurs études faute de temps ou de moyens.

D’autres se tournent vers des instituts privés, augmentant ainsi la charge financière des familles sénégalaises.

Enfin, la mesure contribue à l’exode intellectuel vers l’étranger, où les passerelles entre disciplines sont plus ouvertes.

Problèmes de fond soulevés par la réforme

Atteinte à la liberté académique : l’étudiant doit pouvoir choisir son domaine de spécialisation selon ses aspirations ou son évolution professionnelle.

Injustice intellectuelle : la mesure crée une hiérarchie artificielle entre les filières et nie la valeur du travail acquis dans un autre domaine.

Incohérence administrative : elle impose de refaire un Master 2 pour accéder à un autre, ce qui revient à faire deux Masters 2 successifs, situation sans équivalent dans la sous-région.

Inadéquation avec les besoins du marché du travail : dans un monde en mutation, la reconversion et la formation continue sont des leviers essentiels d’employabilité. Cette réforme les bloque.

Propositions de réforme ou d’ajustement

  1. Abrogation pure et simple de la mesure restrictive

Restaurer la liberté pour tout titulaire d’un Master 1 de s’inscrire dans un Master 2 de son choix, sous réserve d’une étude de dossier et d’un avis pédagogique favorable de l’institution d’accueil.

  1. Reconnaissance de la formation continue comme levier légitime d’évolution

Permettre aux professionnels déjà en activité de suivre des Masters 2 adaptés à leur carrière, même dans un autre domaine que celui de leur formation initiale.

  1. Mise en place d’un système de passerelles académiques

Créer des équivalences entre disciplines connexes (ex. : droit–gouvernance publique–passation des marchés, économie–gestion–développement territorial, etc.) afin d’encourager la mobilité et l’interdisciplinarité.

  1. Réduction de la durée effective des Masters 2

Renforcer les capacités d’encadrement, fixer un calendrier de soutenances obligatoire, et garantir que toute formation de Master 2 se tienne dans les limites d’une année académique.

  1. Concertation nationale sur la gouvernance du LMD

Associer les étudiants, les enseignants-chercheurs, les instituts privés et les partenaires sociaux à une évaluation complète du système LMD pour en corriger les dérives.

La réforme imposée sous le magistère du Dr Abdourahmane Diouf a profondément dénaturé l’esprit du système LMD et entravé la liberté d’orientation des étudiants sénégalais.
Elle constitue aujourd’hui un obstacle structurel à la mobilité intellectuelle, à la formation continue, et au développement du capital humain national.

L’Université doit rester un espace d’ouverture, de mobilité et d’épanouissement personnel.
Aucun système éducatif ne peut prospérer dans la contrainte ou l’immobilisme.

C’est pourquoi, dans un esprit de construction nationale et de justice académique, nous recommandons vivement :

L’abrogation immédiate de la mesure restrictive sur les Masters 2, et l’ouverture d’une concertation nationale pour repenser la flexibilité et la cohérence du système LMD au Sénégal.

Amadou GUEYE Juriste : Analyste Membre de YITTÉ SÉNÉGAL

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