Jeudi, le président français Emmanuel Macron a, pour la première fois, qualifié de « massacre » le meurtre de soldats ouest-africains par l’armée française en 1944. Cette reconnaissance a été exprimée dans une lettre adressée aux autorités sénégalaises.
Ce geste intervient à la veille du 80e anniversaire de la tragédie de Thiaroye, un village de pêcheurs situé en périphérie de Dakar, la capitale du Sénégal. L’événement survient alors que l’influence de la France décline en Afrique de l’Ouest, une région marquée par une remise en question de l’héritage colonial français.
Entre 35 et 400 soldats ouest-africains ayant combattu pour la France durant la bataille de France en 1940 ont été tués le 1er décembre 1944. Les autorités françaises de l’époque ont présenté ces événements comme une répression d’une mutinerie liée à des salaires impayés. Les victimes, membres du corps des tirailleurs sénégalais, une unité d’infanterie coloniale de l’armée française, étaient pour la plupart désarmées lorsque les soldats français les ont encerclées avant de les exécuter.
Le président de la République Bassirou Diomaye Faye a confirmé avoir reçu cette lettre, dont l’Associated Press a pu prendre connaissance. Lors d’une déclaration à la presse jeudi soir, il a salué l’initiative de Macron, estimant qu’elle pourrait permettre de faire émerger la vérité sur cet épisode tragique.
« Nous avons longtemps cherché à tourner la page de cette histoire, et nous croyons que, cette fois, l’engagement de la France sera total, sincère et collaboratif », a déclaré Diomaye Faye .
Extraits de la lettre d’Emmanuel Macron
« La France doit reconnaître que, ce jour-là, la confrontation entre soldats et tirailleurs réclamant le paiement intégral de leurs salaires légitimes a déclenché une chaîne d’événements ayant conduit à un massacre », a écrit Macron. Il a également souligné : « Il est aussi essentiel d’établir, dans la mesure du possible, les causes et les faits qui ont mené à cette tragédie. J’ai demandé à mes services de me tenir informé des progrès des travaux du Comité pour la restauration des faits, que votre gouvernement a décidé de mettre en place sous la direction du professeur Mamadou Diouf, dont l’éminence et les qualités sont reconnues de tous. »
Contexte politique et tensions France-Sénégal
Cette reconnaissance intervient quelques semaines après les élections législatives sénégalaises, marquées par une nette victoire du parti au pouvoir, PASTEF. Ce succès offre au président nouvellement élu, Bassirou Diomaye Faye, un mandat clair pour mener les réformes ambitieuses promises durant sa campagne. Parmi celles-ci figure une volonté affirmée d’accroître l’indépendance économique du Sénégal vis-à-vis des entreprises étrangères, notamment françaises.
La France maintient actuellement environ 350 soldats au Sénégal, principalement pour des missions de soutien. Interrogé sur cette présence militaire, le président Diomaye Faye a laissé entendre qu’elle pourrait ne plus correspondre aux aspirations des Sénégalais. « Historiquement, la France a réduit à l’esclavage, colonisé et est restée ici », a-t-il déclaré. Il a ajouté : « Évidemment, je pense que si vous inversez les rôles, il serait difficile d’imaginer une armée chinoise, russe, sénégalaise ou d’un autre pays établir une base militaire en France. »