Libération de Khalifa Sall: Une obligation citoyenne (Alassane K. KITANE)*

« Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau » Alexis de Tocqueville.

Notre génération est pauvre sur le plan de l’engouement et de l’initiative ; nous n’avons pas encore réussi à nous constituer en peuple nouveau ; nous nous contentons de perpétuer un héritage politique bâti sur la base de sacrifices (que nous ne voulons pas consentir) et dans un contexte très différent du nôtre. Nous n’avons pas encore trouvé un idéal qui nous est propre : nous ne faisons que nous gargariser, de façon narcissique, des luttes que nos devanciers ont accomplies. Pour paraphraser Rousseau, nous dirons qu’il nous faut d’abord réussir à constituer un peuple, une nation, si nous voulons un État solide, juste et prospère. Les factions que représentent les partis politiques ne doivent pas nous diviser au point de perdre notre unité en tant que peuple et notre détermination en tant que citoyens.

Le professeur Malick Ndiaye a finalement raison : quand l’arbitraire fait office de loi, désobéir à l’arbitraire devient la seule alternative qui s’offre aux citoyens pour rétablir la justice. La libération de Khalifa Sall devra être accomplie par une force de résistance susceptible de contraindre le régime à revenir à la raison. Nous devons aller sortir Khalifa Sall de Rebeuss, non pour lui faire plaisir, mais pour sauver notre république et notre démocratie ! Quand un président fait de l’injustice et de l’arbitraire son mode de gouvernance, le peuple qui le laisse faire est tout aussi coupable que lui. Nous devons nous montrer dignes d’avoir une vraie république, une vraie justice, une vraie démocratie. Un peuple amorphe ne mérite pas la liberté ; un peuple indolent ne mérite pas le progrès ; un esclave qui bénit son maître prouve qu’il ne mérite pas la liberté.

Ce qui se passe au Sénégal est quand même extraordinairement ridicule : on emprisonne à la hâte des gens pour des soupçons de détournement d’objectif de la caisse d’avance, on en exile d’autres pour des histoires d’enrichissement illicite et on reste muet comme une carpe face à des scandales quasi quotidiens. Que représentent les faits reprochés à Khalifa Sall devant le scandale abyssal des 94 milliards ? Que représentent les accusations portées contre Karim Wade face aux 6000 milliards dont est délesté le Sénégal dans l’affaire du pétrole ? Les milliards de la Prodac n’ont même pas fait l’objet d’une investigation judiciaire ! Les scandales d’État sont aujourd’hui érigés en faits divers ! C’est quoi ce pays où la justice fait du yoga à l’air libre pour ne pas avoir à traiter les faits évidents ?

C’est toujours comme ça que la tyrannie devient légitime et qu’un phénomène purement accidentel devient une fatalité : petit à petit les différents segments de la population se détachent de la vie politique et laissent faire les professionnels de la politique. L’indifférence généralisée est un relâchement dans la dynamique de constitution d’une démocratie, car les ennemis de la démocratie sont tout aussi déterminés que ses partisans. Ragal déé du téré déé ! La peur de mourir qui inhibe la résistance n’empêche guère de mourir ; au contraire elle la précipite. L’esclave (le prisonnier de guerre) croit conserver sa liberté en acceptant la captivité comme substitut et alternative à la mort, mais son erreur est qu’il n’a pas vu que la vie (servile) qu’il accepte est la pire mort, car il n’existe plus que pour autrui. La preuve est que nous mourons par centaines dans la méditerranée, dans des accidents absurdes, à cause d’une mal-gouvernance que nous n’avons pas le courage de combattre efficacement.

Le président, par populisme avait ramené l’âge d’importation des véhicules de cinq à huit ans alors qu’il fallait non seulement renforcer cette le mesure des huit ans, mais détruire tous ces cercueils roulants qui convoient nos concitoyens vers la mort. De notre côté, nous acceptons de soudoyer le policier ou le gendarme pour avoir le droit de rouler dans une voiture totalement irrégulière. Nous nous abstenons de dénoncer le dealer d’à côté parce qu’il est le fils du voisin. Nous avons peur de dire la vérité à nos hommes politiques parce que nous craignons d’être sevrés de leurs promesses de nous mettre quelque sucette dans la bouche : chacun présente son fils diplômé à ce voleur à col blanc dans l’espoir de lui trouver un emploi, les Woyaan-Kat (ces sangsues voraces et dévergondées) le présentent comme un modèle. Nos journalistes n’informent plus, ils se contentent de communiquer au service du plus offrant, car « leurs moyens de vivre » ont eu raison de « leur raison de vivre » en tant professionnels. Bref nous ne sommes pas libres parce que nous ne sommes pas disposés en à payer le prix.

Il faut aller chercher Khalifa Sall en prison pour briser nos propres chaînes, car c’est nous qui sommes asservis par la peur de faire face à ce monstre sans nom ni grâce qui est tombé comme un chapeau de plomb sur notre destin national. La vraie grandeur d’un homme, c’est d’être capable de sacrifier quelque chose qui lui cher pour le bien d’autrui. La vraie grandeur d’un peuple c’est d’être prêt à se sacrifier pour des principes universels qui transcendent les générations. Un peuple qui laisse ses membres êtres broyés par la machine folle d’un apprenti dictateur a le même sort qu’un corps qui laisse certains de ses membres être gangrénés par la peur de souffrir d’une opération chirurgicale.

* Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal

2 COMMENTAIRES
  • Birame Ndoye

    « OBLIGATION CITOYENNE  »
    CESSEZ DE JOUER AVEC LES MOTS.

  • M Mboup

    M KITANE a décrit son Sénégal imaginaire qui n est pas le mien et qui n est pas non plus celui de millions de sénégalais . La démocratie sénégalaise comporte, certes , beaucoup de lacunes mais nous ne vivons pas quand même en dictature .

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