Les 15 limites des 15 mesures prises par le président Macky Sall (Par Birame Khoudia Lo)

Avec la crise mondiale occasionnée par la guerre en Ukraine, le Président de la République du Sénégal vient de prendre 15 mesures pour atténuer la souffrance des masses populaires. Il vient de tenir une réunion pour donner la parole aux professionnels des secteurs d’activité clés. Il croit ainsi, avoir posé les jalons d’une atténuation de la souffrance des Sénégalais qui, pourtant ont vécu cette situation depuis l’avènement de son accession au pouvoir en 2012.

Ce qui a attiré son attention, ce sont les évènements de mars, suivis de ses déboires durant les élections municipales et législatives. Le président a souvent tenté d’apaiser la souffrance des populations, notamment en diminuant le prix des loyers. Mais ici, la méconnaissance ou la non-prise en compte des éléments de notre culture a fini par faire échouer cette mesure partie pour être révolutionnaire. Les locataires ne vont pas intenter une action en justice pour un bien qui ne leur appartient pas : ils préfèrent chercher ailleurs.

Ainsi, tous les prix des loyers sont revenus plus chers car, les bailleurs augmentent les prix dès que le locataire cède l’appartement . Pour les mesures que notre cher président vient de prendre, nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu’il s’agit là d’un tâtonnement expérimental qui ne peut donner des résultats probants, tout au mieux, ils obtiendront des résultats d’apprentissage par l’échec. Ainsi le temps ne leur permettra pas de rectifier, d’améliorer. C’est pourquoi nous avons le devoir de lui montrer les limites de chaque mesure prise pour attirer son attention sur l’échec prévisible.

Le recrutement de 1000 volontaires pour appuyer les services de contrôle ne peut profiter à une régulation des prix. Ceux qui acceptent d’être des volontaires sont souvent des nécessiteux incapables de ne pas céder à la tentation et à la corruption. Même les agents de contrôle titulaires acceptent souvent d’être corrompus face aux difficultés occasionnées par la faiblesse de leurs revenus amplifiée par l’inflation.

Les milliards dégagées pour subventionner les prix du riz profitent à ceux qui ont les possibilités d’être proches de ceux qui gèrent. Le contrôle strict basé sur les nouveaux outils de verrouillage est presque inexistant, en atteste la gestion du fond COVID.

Nous vivons dans un pays où les hommes d’affaires cherchent à s’allier au gouvernement pour obtenir un allègement, voire une suppression de leurs impôts. L’économie est contrôlée par un secteur informel qui occupent 97% des entreprises. Ce secteur est peu ou pas contrôlé par l’État.

La plupart des activités appartiennent aux agents de l’État qui les attribuent à des prête-noms pour échapper aux textes régissant leur profession. Les Sénégalais n’ont pas la culture de la dénonciation. Même si on met un numéro vert, si vous dénoncez un commerçant, il ne vous fera plus de crédit.

Les acteurs de l’économie qui étaient invités au palais ne font pas confiance à un État qui doit des milliards de dettes publiques. Le secteur de l’agriculture , de l’élevage et de la pêche appelé secteur primaire ne bénéficie pas de subvention pour une organisation et des méthodes de travail moderne en mesure de booster la production pour permettre aux acteurs d’avoir une indépendance financière leur permettant d’acquérir des matériaux de transformation pour appuyer le secteur secondaire.

Les agriculteurs, pêcheurs et éleveurs restent éternellement pauvres à cause d’une routine permanente : toujours dans le besoin, à la recherche de semences de qualité, de licence de pêche ou de nourriture pour le bétail.

Le président de la République ne peut aller négocier en Ukraine pour le blé et dire en même temps aux sénégalais de consommer local. La contradiction est manifeste et pousse les agriculteurs à ne pas prendre au sérieux les déclarations du chef de l’État.

Son premier ministre chargé de l’exécution du programme a déjà montré son incapacité de redressement de l’économie lorsqu’il était chargé d’autres ministère stratégique. Le diagnostic et l’évaluation du travail des services de contrôle n’a pas été faite pour relever les entraves liées au moyens, aux ressources et à la qualité.

Les associations de défense des droits des consommateurs ne jouent pas pleinement leur rôle de préservation des intérêts de leur concitoyens. La politisation à outrance des dossiers économiques qui privilégie le parti au pouvoir et ses alliés qui considèrent les biens du peuple comme leur propriété personnelle ne milite pas en faveur de une
apaisement de la souffrance des masses.

Personne ne pourrait croire à la consommation locale tant que nos dirigeants eux-mêmes ne donnent pas l’exemple en attribuant plus de 50% de la commande publique, dans beaucoup de domaines, aux producteurs locaux et en imposant aux ministres et directeurs généraux de mettre des accoutrements confectionnés par nos tailleurs et cordonniers.

Tant que le système de gouvernance se basera sur les CMSPP ( commissions excessives, marchés, surfacturations, partage de privilèges et de prébendes, toutes les mesures prises risquent de buter contre un refus des acteurs qui auront du mal à comprendre pourquoi certains soient favorisés au détriment de leurs semblables.

Le président de la République a intérêt à se pencher sur tous ces éléments, tous ces goulots d’étranglement qui risquent de compromettre l’atteinte de l’objectif fixé.

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