Le FMI face à la vérité du Sénégal*

Depuis la présentation du Plan “Jubbanti Koom”, une page semble vouloir se tourner dans notre histoire économique : celle de la dépendance silencieuse, du pilotage externe de nos politiques budgétaires, de la soumission aux injonctions d’institutions internationales qui ont souvent validé l’illusion plutôt que la réalité. Le gouvernement du Sénégal, à travers ses plus hautes autorités, a osé briser ce silence. Il a fait le choix courageux d’exposer au grand jour les dérives budgétaires héritées du passé, en révélant des engagements massifs dissimulés aux citoyens, aux députés, aux marchés, mais aussi au principal partenaire technique : le Fonds monétaire international.

Le chiffre est désormais connu : plus de 7 milliards de dollars de dette non déclarée, soit près de 25 % de différence entre les chiffres transmis par l’ancien régime et la réalité révélée par l’audit de la Cour des comptes. Le FMI lui-même, par la voix d’Edward Gemayel, l’a confirmé publiquement. Pire encore : selon la banque Barclays, la dette réelle atteindrait 119 % du PIB à fin 2024, un niveau sans précédent qui invalide toutes les projections macroéconomiques antérieures. Ces révélations ne sont pas anecdotiques : elles constituent un électrochoc. Et dans ce contexte, le Sénégal a envoyé un signal fort au monde entier en choisissant la vérité, la transparence, la responsabilité.

Ce geste aurait dû être salué, renforcé, accompagné. Car peu de pays en développement auraient eu le courage de reconnaître officiellement une falsification des comptes publics, d’alerter leurs partenaires, d’assumer publiquement l’ampleur du problème et de commander un audit indépendant. Ce sens des responsabilités méritait une réponse rapide et constructive. Pourtant, à ce jour, le FMI traîne les pieds pour revoir un programme devenu caduc. Il retarde la mise en œuvre d’un appui budgétaire pourtant urgent, alors même que la procédure de “misreporting” est ouverte et que toutes les démarches de transparence ont été engagées par les nouvelles autorités. Ce silence interroge : pourquoi une institution qui prétend encourager la bonne gouvernance reste-t-elle si timide face à un exemple concret d’intégrité ? Pourquoi l’honnêteté serait-elle punie par l’inaction ?

La vérité, c’est que le FMI incarne encore un ordre mondial biaisé, hérité d’un pacte conclu sans l’Afrique. Lors de la conférence de Bretton Woods en 1944, nos pays étaient absents, car encore sous domination coloniale. Et cette exclusion originelle n’a jamais été corrigée. Depuis, le FMI s’est construit comme un instrument de surveillance budgétaire des pays du Sud, sans jamais remettre en cause les rapports de domination. Officiellement, il prône la transparence, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption. En réalité, il ferme les yeux sur les dérives tant que les équilibres macroéconomiques sont respectés et que les échéances de la dette sont honorées. Il soutient les régimes dociles, punit ceux qui s’affranchissent. Il dispose pourtant de données mondiales, d’experts chevronnés, de relais puissants au sein des États. Mais jamais il ne s’est doté d’un mécanisme crédible de détection des détournements de fonds qu’il alloue. Aucune cellule anticorruption efficace, aucun dispositif de contrôle rigoureux n’est visible, ni réellement appliqué. Ce n’est pas une simple carence technique : c’est une volonté politique. Ce refus de voir, de nommer, de sanctionner les abus en dit long sur la vraie priorité du FMI : préserver la stabilité financière des marchés, pas défendre la justice économique — encore moins favoriser le développement souverain de nos pays.

Le Premier ministre Ousmane Sonko l’a dit avec clarté : ce n’est pas le FMI qui fait vivre le Sénégal. L’assistance qu’il accorde n’est pas décisive ; elle est symbolique. C’est une signature, pas une transformation. Et cette signature, lorsqu’elle couvre des chiffres faux, devient un permis de tricherie. La rupture engagée à travers “Jubbanti Koom” est inédite, car elle amorce un véritable cycle de reconquête : souveraineté budgétaire, responsabilité publique et restauration de la confiance populaire.

L’Afrique n’a pas besoin de tuteurs. Elle a besoin de partenaires loyaux, et de respect pour ses choix souverains. Le Sénégal a pris ses responsabilités. Il ne mérite ni le doute, ni le blocage, mais un appui clair et équitable. Si le FMI persiste dans sa logique de deux poids deux mesures, il faudra cesser de composer avec lui. S’en passer exige du courage politique, une mobilisation populaire éclairée, et une volonté ferme de bâtir notre souveraineté financière sur nos propres forces. C’est possible. C’est à notre portée. C’est tout l’esprit du Plan “Jubbanti Koom”, qui appelle notre mobilisation.

Abdoulaye DIENG*

Entrepreneur, membre du

secteur privé national

Votre avis sera publié et visible par des milliers de lecteurs. Veuillez l’exprimer dans un langage respectueux.

Dans le même thême

4 commentaires

  1. Tall

    Monsieur ndiaye 16h 20. Vous êtes juste un partisan qui prend partie avec d’ailleurs beaucoup d’amertume et ça c’est dommage . Surtout quand on lit avec attention cette merveilleuse réflexion de Monsieur dieng sur nos rapports avec le FMI. Je voudrais juste dire à Monsieur Dieng qu’au delà de sa vision claire et très juste dans la relation fmi-senegal , je n’ai un seul doute que l’influence de la France y est pour bcp dans les réticences de cet organisme de financement. À mon humble avis et Monsieur dieng l’a dit assez clairement tous ces organismes créés après 1945 ne sont au fond que des instruments de domination de l’occident sur le sud global . Aujourd’hui il y a des pays qui sont entrain de s’en sortir sans le soutien de ces organismes et c’est vers cela que notre pays doit tendre . Une fois encore je suis très rassuré avec la belle analyse de Monsieur Abdoulaye Dieng . Le reste c’est de conscientiser la majorité des sénégalais pour que l’effort collectif qui doit nous permettre de passer ce cap soit consenti par chaque sénégalais. On ne peut arriver au développement de notre pays sans sacrifice . Consentons ensemble à ce sacrifice et surtout arrêtons de nous plaindre . On ne peut avoir le beurre , l’argent du beurre et la crémière


  2. Ndiaye

    C’EST VOUS QUI PRETENDEZ QUE L’AUDIT DES FINANCES PUBLIQUES ÉTAIT INDÉPENDANT ! CA RESTE A PROUVER, SURTOUT AVEC UN RAPPORT NON SIGNE ! NOUS NE SOMMES PAS DUPES ! EN ATTAQUANT LE FMI, SONKOFENEKATE AGGRAVE LA SITUATION DU PAYS ! CA NE PASSERA PAS !


Laisser un commentaire